Endurance : le cœur fait-il l’athlète ?

Le cœur humain est-il fait pour le sport d’endurance ?
L’homme actuel est physiologiquement conçu pour le sport. Nos ancêtres étaient des "chasseurs-cueilleurs" et notre mode de déplacement, nos caractéristiques physiques et physiologiques (masse musculaire, système cardio-vasculaire, station debout) font que nous sommes conçus pour l’exercice physique d’endurance et notamment la course à pied.
La pratique régulière d’une activité physique peut s’accompagner de modifications morphologiques et fonctionnelles du système cardiovasculaire : c’est le "cœur d’athlète". Cela englobe une dilatation/ hypertrophie harmonieuse des quatre cavités cardiaques ainsi que du volume et de l’épaisseur de la paroi cardiaque, des modifications de la conduction électrique cardiaque etc. De ce fait, la fréquence cardiaque ralentit, avec souvent une bradycardie (nombre de contractions cardiaques inférieur à 60/minute). Parce qu’il se contracte moins souvent, le cœur se fatiguera moins vite, tout en apportant autant voire plus de sang aux organes.
Comment rendre un cœur endurant ?
Grâce à un certain type d’entraînement, le muscle cardiaque va développer des capacités d’endurance, c’est-à-dire le rendre apte à supporter une charge d’effort longue et augmenter progressivement les performances sportives de l’individu.
L’endurance est la capacité à tenir pendant de très longues périodes un exercice physique en aérobie pure, entre 50-60% de la fréquence cardiaque maximale (120-130 pulsations cardiaques/minute pour la plupart des sportifs). Cela signifie être capable de tenir une conversation tout au long de la course.
La tendance actuelle est dans la mixité de l’entraînement, en alternant séances de fond (pas trop pour ne pas générer des traumatismes) et des séances effectuées à la puissance maximale aérobie (PMA). Ce sont des séances à l’allure de course de durée variable, interval-training ou fractionné naturel.
Faut-il préparer son cœur à l’effort ?
Comme toutes les montées en charge, que ce soit au niveau musculaire, squelettique ou musculaire cardiaque, cette préparation doit être progressive, sur plusieurs mois.
Lorsque l’on se situe dans des niveaux de performance élevés (type marathon etc.), il ne faudrait pas augmenter la charge d’entraînement en termes de volume de plus de 10% par mois.
Pour être efficace, il faut débuter par trois à quatre séances de 45 minutes par semaine en aérobie. Puis après quelques mois, introduire progressivement du qualitatif avec des séances focalisées sur l’intensité (le fameux "fractionné") une fois sur deux ou trois.
Le cœur fait-il l’athlète ?
Tous les cœurs sont-ils aussi endurants et performants ? Non, bien entendu. Nous ne sommes pas tous égaux devant la performance et la génétique intervient. Le cœur des athlètes possède des caractéristiques précises : un cœur de volumétrie plus importante et qui bat plus lentement, en quelque sorte la "cylindrée" de l’organisme. L’idéal c’est un moteur de grosse cylindrée pour une morphologie longiligne et le meilleur rapport puissance/poids.
Mais le cœur ne fait pas l’athlète à lui tout seul. C’est un ensemble d’éléments qui permettent le transport d’un maximum d’oxygène par unité de temps pour une certaine efficience. Le système respiratoire, vasculaire, les capillaires sanguins et l’efficience cellulaire pour extraire l’oxygène entrent tous en jeu.
Pr Pierre Croisille: "Nous avons conduit l’étude MUST(www.creatis.insa-lyon.fr/MUST/) auprès d’athlètes courant le Tor des Géants (330 km ; 24 000 m de dénivelé positif), l’ultra-trail de montagne le plus long et le plus dur au monde. De manière surprenante, nous avons découvert des morphotypes extrêmement différents. S’il existait de véritables athlètes, d’autres en revanche présentaient des morphologies de "Monsieur tout-le-monde". Sur de telles épreuves, la motivation, la qualité de l’entraînement comptent pour beaucoup. Contrairement à ce que nous pensions, nos premiers résultats montrent que de telles épreuves ont un impact mineur sur le cœur, même si on retrouve une inflammation temporaire du cœur à l’issue de la course".
Le sport empêche-t-il le cœur de vieillir ?
Lorsque le corps et les tissus vieillissent, le cœur perd sa compliance (la capacité d'élasticité qu'un ventricule du cœur à se distendre) car une fibrose musculaire cardiaque (transformation fibreuse de certains tissus à l'origine d'une augmentation du tissu conjonctif) s’installe avec les années. Les personnes qui se sont entraînées régulièrement vont limiter cette fibrose et conserver un cœur en meilleur état. A cette fin, ce qui compte est la quantité d’exercice physique régulier et soutenu tout au long de la vie, bien plus efficace que de débuter le sport à un âge déjà avancé.
Le sport conserve, mais il lui faut du temps pour produire ses effets. En revanche, en cas d’arrêt, ce bénéfice part rapidement en fumée, même après des décennies d’entraînement.
Sources
D’après un entretien avec le Pr Pierre Croisille, directeur adjoint de l’unité de recherche CREATIS (CNRS 5220, INSERM 1206, Université de Lyon, Saint-Etienne.