Ejaculation féminine et femmes fontaines : la Science a parlé

Sur fond de romantisme, l’éjaculation féminine ou son équivalent poétique français de "femme fontaine" est fantasmée depuis l’Antiquité. Mais est-ce une réelle éjaculation ? Toutes les femmes sont-elles des fontaines qui s’ignorent ? Les hommes "sourciers" sont-ils une légende ?Le Dr Pierre Desvaux, sexologue et co-auteur d’un travail scientifique qui vient de bouleverser les connaissances, nous explique tout.
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Ejaculation féminine, un mythe s’effondre

Pendant longtemps, l’éjaculation féminine ("female ejaculation" des Anglo-Saxons) fut l’unique mot pour désigner l’émission de liquide chez la femme en cas de stimulation sexuelle. Mais ce que l’on prenait pour une éjaculation féminine n’en serait finalement pas une, du moins en partie. Il aura fallu attendre 2015 et une publication française (1) reconnue par l’ensemble de la communauté des sexologues et autres spécialistes internationaux pour faire la lumière sur ce phénomène qui concernerait entre 10 et 40% des femmes, selon qu’il soit unique, occasionnel ou régulier.

Dr Pierre Desvaux, andrologue et sexologue (Hôpital Cochin, Paris) co-auteur avec le Dr Samuel Salama en 2015 de l’étude qui a identifié le liquide émis par les femmes fontaines : « En réalité, ce phénomène serait double avec d’un côté une véritable éjaculation féminine, quoique si minime qu’elle passe inaperçue car mélangée aux sécrétions vaginales. C’est l’émission d’environ un petit millilitre de liquide (15 gouttes pas plus) émanant de certaines glandes (glandes de Skene et para-urétrales), qu’il y ait orgasme ou non. Ces glandes ont la même origine embryologique que la prostate chez l’homme, lieu de fabrication d'une partie du liquide séminal. C’est pourquoi on a longtemps cru que la femme pouvait, au même titre que l’homme, fabriquer ce liquide (appelé éjaculat). Or, les glandes de Skene et para-urétrales pèsent 2 à 5 g, soit dix fois moins que la prostate chez l’homme. Celui-ci, à l’aide de deux vésicules séminales supplémentaires, parvient à peine à produire l’équivalent d’une cuillère à café de sperme ! ».

Alors d’où vient ce "liquide fontaine" parfois abondant (jusqu’à 300 ml !). Après des décennies d’hypothèses, les docteurs Desvaux et Salama ont décidé de tirer les choses au clair. Le constat est sans appel : il s’agit bien d’urine en provenance de la vessie, via l’urètre. Pour cela, des femmes "fontaines" (ou « fontaine ») ont été surveillées, avant, pendant et après stimulation sexuelle (analyses du contenu de leur vessie à l’échographie et des échantillons du liquide émis) (1). Même si la très faible présence d’une molécule (PSA pour Antigène Spécifique de la Prostate) témoigne de l’émission -parfois- concomitante de quelques gouttes d’éjaculat chez la femme, la composition du "liquide fontaine" est identique en tous points à l’urine (urée, créatinine, acide urique).

Désormais, il faudra bien distinguer entre l’éjaculation féminine, d'un faible volume (1 ml), et le "squirting" (gicler, jaillir en français), c’est-à-dire cette émission abondante de liquide pendant les rapports sexuels.

Le mystère du liquide émis par les femmes fontaine est résolu

Au cours de l'activité sexuelle, les reins n'ont aucune raison de cesser de fonctionner, la production d'urine ne s'arrête pas, le stockage se fait dans la vessie. Même en partant d'une vessie vide, celle-ci se remplira plus ou moins au cours du rapport, pour peu que celui-ci se prolonge. Chez les femmes examinées par les docteurs Salama et Desvaux, la vessie était vide au début de l'excitation sexuelle, se remplissait avant le phénomène fontaine et était vide après l'écoulement fontaine. Plus ou moins abondant, le liquide "squirting" est plutôt de couleur claire, voire incolore. Mais contrairement à ce que certains spécialistes pensaient, les analyses chimiques ont prouvé que cette urine n’est pas diluée.

Alors pourquoi n’y a-t-il pas d’odeur ? Le plus souvent, chez une personne bien hydratée, les urines claires fraîchement émises n'ont pas d'odeur (sauf consommation de certains aliments comme les asperges). L'odeur vient avec la dégradation de l'urée par les bactéries, à l'air (apparition d'ammoniac).

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Source : (1) J Sex Med 2015;12:661–666
D’après un entretien avec le Dr Pierre Desvaux, andrologue et sexologue (Département d’Urologie, Hôpital Cochin, Paris) ; Co-auteur avec le Dr Salama et Sylvie Nordheim  du livre « Femmes fontaines et éjaculation féminine : mythes, controverses et réalité » (Editions du Cherche Midi, version numérique)