Ebola en France : quelle réalité, quels dangers ?

Comment en est-on arrivé à la situation actuelle concernant Ebola ?
En raison d’un manque de moyens dans les pays d’endémie. En Afrique de l’Ouest, le manque d’hygiène, le défaut d’isolement des patients atteints d’Ebola, de matériels diagnostiques, de traitements et la faiblesse générale des systèmes de santé, notamment en Guinée, Liberia, Sierra Leone et Nigeria, expliquent l’ampleur de l’épidémie et la létalité (capacité du virus à tuer) importante actuelle.
Epidémie d'Ebola : quels sont les risques d’atteinte en Europe et plus particulièrement en France ?
Il y a peu de risque en Europe et en France, mais ce risque n’est pas nul. Comme cela vient de se passer en Espagne (une aide-soignante contaminée par un patient rapatrié d’Afrique), aux États-Unis (une personne de retour d’Afrique).
En France, à ce jour, seule une infirmière volontaire rapatriée du Liberia est infectée. Il n’y a pas eu de cas secondaires. On ne peut cependant pas éliminer qu’une personne de retour d’un pays d’endémie et atteinte de la maladie passe les contrôles douaniers. La France est aussi plus à risque d’avoir des personnes contaminées en raison de ses affinités avec ces pays africains épidémiques.
Comment se transmet le virus Ebola ?
Il faut bien comprendre le mécanisme de transmission du virus.
Le virus Ebola se transmet d’une personne à l’autre par contact physique proche et direct avec des liquides corporels infectés, dont les plus infectieux sont le sang, les selles et le vomi. Le virus Ebola a également été détecté dans le lait maternel, l’urine et le sperme.
Les personnes infectées par Eboa ne peuvent pas transmettre le virus avant le début des symptômes.
De plus, la transmission du virus nécessite un contact physique rapproché avec une personne infectée présentant des symptômes ou un contact avec des surfaces souillées par les liquides biologiques de la personne (selles, vomissements, linge par exemple).
Le virus Ebola ne se transmet pas du tout par voie aérienne, contrairement à la grippe (dans les transports en commun, par exemple), ni par des vecteurs tels que les insectes.
La durée d’incubation de la maladie (période entre la contamination et le début des symptômes) est habituellement de quelques jours mais peut durer jusqu’à 3 semaines. Donc, compte tenu de cette période d’incubation du virus comprise entre 2 et 21 jours, il est possible qu’une personne contaminée par le virus Ebola ne devienne symptomatique qu’une fois son retour en France effectué. Pour prévenir ce risque, des systèmes de surveillance ont été mis en place.
Ce qui s’est passé à Boulogne-Billancourt, où des parents ont retiré leurs enfants de l’école du fait de la présence de plusieurs enfants ayant récemment voyagé en Guinée, est purement affectif et non scientifiquement justifié. Ces enfants ne sont pas malades (le risque de transmission du virus est nul si le sujet est asymptomatique) et ils bénéficient d’un suivi médical comprenant notamment une mesure continue de la température qui permettra de détecter les symptômes très précocement.
Ebola : la France est-elle prête ?
Depuis la canicule de 2003, puis les épidémies de grippe H1N1, les hôpitaux ont organisé des « plans blancs » pour faire face à des épidémies qui pourraient survenir. Ces plans blancs sont des plans d’urgence permettant l’accueil d’un grand nombre de personnes et leur isolement total depuis les services d’urgences jusqu’aux salles de soins.
Cependant, pour le risque Ebola, les choses sont différentes actuellement : la consigne en cas de suspicion d’Ebola est d’appeler le SAMU (15) qui orientera vers une structure de soins appropriée, notamment un service de maladies infectieuses disposant de moyens adaptés. À l’institut mutualiste Montsouris, nous n’avons pas de service d’urgence, mais nous avons tout de même diffusé des consignes en cas de suspicion de patients atteints d’Ebola se présentant à l’accueil. En particulier, sur les recommandations du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF), ces consignes sont diffusées dans le service maternité, un peu plus à risque, car susceptible d’accueillir une femme en urgence pour un accouchement.
Des « kits Ebola » sont à disposition dans les endroits stratégiques de l’hôpital (masques, gants, etc.), mais le Samu sera appelé dans un tel cas et le patient immédiatement transféré sauf urgence vitale évidemment.
Quelle est la probabilité qu’une épidémie d'Ebola survienne en France ?
En France, le risque qu’une personne soit infectée par le virus Ebola est possible. En revanche, le risque qu’une épidémie se déclenche reste faible.
En Afrique, la létalité du virus Ebola (capacité du virus à tuer) est de 60% environ, contre une estimation de 15% en France (à titre de comparaison, la létalité de la grippe H1N1 était de 1% et celui de la grippe saisonnière de moins de 1%).
Cette énorme différence est liée aux infrastructures, aux systèmes de soins et d’urgence. La moindre létalité prévisible dans les pays industrialisés est due à un meilleur isolement, et à de meilleurs soins (perfusions, réhydratations, médicaments antiviraux…). L’alerte sanitaire est très différente dans notre pays et les mesures qui seraient appliquées feraient que l’on ne pourrait pas arriver à une épidémie comme en Afrique.
Enfin, l’hygiène acquise dans les pays occidentaux nous protège de ce que l’on nomme le « péril fécal » (le virus Ebola se propageant via les liquides corporels).
Peut-on compter sur l’arrivée de médicaments pour stopper l’épidémie actuelle d'Ebola en Afrique ?
Dans le monde, plus de 70 chercheurs se sont mobilisés à Genève récemment pour mettre au point des traitements et nous disposons déjà de deux candidats vaccins. Mais il faudra encore des mois avant qu’ils soient disponibles, et au plus tôt dans le 1er quart 2015.
Enfin, même si un vaccin est produit, il ne sera surement pas effectif à 100%. De ce fait, il faut pour l’instant surtout miser sur l’amélioration de la qualité des systèmes d’alerte, de diagnostic et de soins.#
Sources
Interview du Dr Jean-Baptiste Stern, Président du CLIN (Comité de lutte contre les infections nosocomiales), Institut Mutualiste Montsouris, Paris. N Engl J Med, 371;13 nejm.org, september 25, 2014, http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMp1409858. InVS, Point Epidémio, semaine 40 (du 29/09 au 05/10/2014), http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Fievre-hemorragique-virale-FHV-a-virus-Ebola.