Douleur de l’enfant : ce qui va changer

L’ibuprofène, dans les douleurs modérées de l’enfant
Les molécules antalgiques sont classées selon les trois paliers de l’Organisation Mondiale de la Santé :
- palier 1 : paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens, aspirine;
- palier 2: les opioïdes ou morphiniques dits « faibles » comme le tramadol et la codéine;
- palier 3 : les morphiniques puissants, dont seule la morphine est utilisée en pédiatrie.
Ces dernières années ont été marquées par la publication de quelques cas exceptionnels, sévères mais exceptionnellement mortels, de dépression respiratoire (insuffisance respiratoire nocturne) suite à la prise de molécules du palier 2, principalement de la codéine, chez l’enfant après amygdalectomie. En conséquence, en 2013 les autorités sanitaires françaises et internationales ont proscrit la codéine chez l’enfant de moins de 12 ans, et, quel que soit l’âge, après ablation des amygdales, ainsi que chez la femme allaitante. Le tramadol reste quant à lui autorisé chez l’enfant de plus de 3 ans mais serait susceptible d’entraîner les mêmes complications.
Si le paracétamol reste la molécule de choix pour les douleurs légères, les nouvelles recommandations de la Haute Autorité en Santé (HAS) française -prévues pour 2016- vont conforter la place prépondérante de l’ibuprofène -l’anti-inflammatoires non stéroïdien (AINS) de référence en pédiatrie - dans les douleurs modérées. Il est souvent accusé de favoriser les infections sévères: une peur sans véritable fondement scientifique à ce jour. Il est utile en cas de douleurs légères à modérées, mais jamais en cas de varicelle, et la prudence reste de mise en cas de déshydratation ou d’infections sévères (abcès, pneumonie).
Douleur de l’enfant : ne plus craindre la morphine !
Il n’y a pas que le paracétamol ! Ces nouvelles recommandations de la HAS vont mettre en avant la place de la morphine chez l’enfant dans les douleurs sévères (hors céphalées même sévères et hors douleurs d’origine psychosomatique).
Elle est utilisable dès les premiers mois de vie, mais dans ce cas, à demi-dose et sous surveillance.
Dr Elisabeth Fournier-Charrière, pédiatre au Centre d'étude et de traitement de la douleur de l'adulte et de l'enfant (CHU Bicêtre) : « La morphine sera de plus en plus recommandée pour soulager l’enfant, et les parents ne doivent ni s’en étonner, ni en avoir peur. Elle sera plus souvent prescrite, à faibles doses, en cas d’affections courantes mais très douloureuses (hyperalgiques) comme par exemple certaines otites, fractures, entorses, brûlures ou gingivo-stomatites de primo infection herpétique (une infection des muqueuses de la bouche au premier contact avec le virus de l’herpès), sur une durée allant de 24 heures à cinq jours. La morphine est déjà conseillée dans ces cas-là mais les médecins la prescrivent encore trop peu. Globalement, en 2015, l’antalgie n’est pas assez utilisée chez l’enfant, en dépit d’une progression nette durant la dernière décennie ».
Soulager la douleur de l’enfant, c’est d’abord l’évaluer
Pas d’antalgie à l’aveugle ni de paracétamol pour tous ! La douleur, est un domaine où les échelles d’évaluation sont incontournables pour reconnaître, estimer la sévérité de l’état douloureux de l’enfant, a fortiori du petit enfant qui n’est pas en mesure de la décrire et de se plaindre, afin de la traiter efficacement.
Attention aux enfants trop calmes et prostrés, cela peut masquer une douleur parfois intense et installée. Après l’âge de 6 ans, l’enfant est capable de s’autoévaluer mais avant cet âge, c’est le soignant qui va estimer la douleur de l’enfant selon son comportement, ses mimiques etc.
Parmi les nombreux outils validés chez l’enfant, le score EVENDOL est probablement le plus simple et adapté à toutes les situations à l’hôpital. Son usage est malheureusement trop peu répandu. Le porter à la connaissance du grand-public peut faire bouger les choses.
Dr Fournier-Charrière : « Mon message aux parents est qu’ils doivent réclamer : lorsque le paracétamol ne suffit pas, ils doivent l’exprimer pour obtenir gain de cause, demander au soignant de réévaluer la douleur et reconsidérer l’antalgie. Ils doivent repartir avec une prescription de « secours » et si la douleur ne diminue pas une heure après avoir pris du paracétamol, et l’utiliser sans attendre (par exemple AINS ou morphine) ».
Douleur de l’enfant : les méthodes non pharmacologiques aussi !
La douleur liée à un acte médical douloureux a un impact traumatique chez les enfants, en particulier chez les plus jeunes. Complémentaires des méthodes pharmacologiques, les méthodes non pharmacologiques se développent, par exemple lors de petites chirurgies comme des sutures, lors des vaccinations, de la pose de pansement sur des brûlures, de sonde urinaire, la prise de radiographie, les ponctions lombaires etc. Dans ces situations aussi, les parents doivent insister pour que le soignant explique à l’enfant avant le geste médical ce qu’il va lui faire et comment il compte limiter la douleur. L’enfant sera moins anxieux et ses besoins en antalgie seront moindres. A ce propos, il vaut mieux éviter les phrases négatives comme « n’aie pas peur », « ne t’inquiète pas » et préférer des formulations positives comme « sois tranquille, ça va bien se passer », dans une atmosphère calme, ludique si possible.
Les parents peuvent aussi s’assurer que leur enfant bénéficie de l’inhalation via un masque du mélange oxygène-protoxyde d’azote (MEOPA), le minimum à utiliser pour limiter la douleur lors d’un soin ou d’un examen douloureux : il induit un état de sédation consciente, parfois de l’hilarité, et doit être associé à la distraction. Une crème anesthésiante en fonction du type de soin peut s’avérer utile, éventuellement des anesthésiques locaux en infiltration comme la lidocaïne, pour les ponctions notamment.
La distraction détourne l’attention de l’enfant par des stimulations visuelles, auditives, tactiles… L’enfant peut alors être concentré sur une action imaginaire, jusqu’à un état hypnotique : l’hypnose permet de modifier la perception douloureuse du soin, lorsque les professionnels de santé sont formés.
En aucun cas les parents ne doivent accepter un soin douloureux pour leur enfant sans l’une de ces précautions. Les pratiques évolueront grâce à la demande des parents.
Sources
Une mine d’information sur le site « sparadrap » : www.sparadrap.org
D’après un entretien avec le Dr Elisabeth Fournier-Charrière, pédiatre au Centre d'étude et de traitement de la douleur de l'adulte et de l'enfant (CHU Bicêtre) et co-auteur avec le Dr Barbara Tourniaire (Hôpital Trousseau, Paris) du Guide PEDIADOL « la douleur de l’enfant, l’essentiel ». http://www.pediadol.org/