Don du sperme : l'anonymat est-il souhaitable ?

Publié par Dr Catherine Solano
le 25/06/2007
Maj le
4 minutes
Autre
Parfois, lorsqu'un couple infertile désire un enfant, la solution proposée par les médecins est l'insémination artificielle avec sperme de donneur. Il ne s'agit plus de traiter une stérilité, mais de la contourner en faisant intervenir un tiers. On a longtemps considéré que l'anonymat du don (toujours associé à la gratuité obligatoire en France) était indispensable.

Pourquoi l'anonymat serait-il indispensable ?

Avec l'anonymat, on pensait augmenter le nombre de volontaires, car on estimait que le fait de rester anonyme permettait à certains hommes de pratiquer ce don de sperme sans craindre l'intrusion éventuelle d'un enfant dans leur vie par la suite. Il s'agissait aussi de ne pas faire intervenir le donneur dans la vie de la famille qui souhaitait cet enfant. Il y a encore certainement d'autres raisons comme le désir de faire « comme si » cet enfant à naître était vraiment l'enfant biologique du couple, comme si l'on voulait gommer, oublier ce don.Pourtant, depuis quelques années, des voix s'élèvent contre cet anonymat et des enfants conçus par don de sperme commencent à réclamer des comptes. De quel droit leur cacherait-on l'identité de leur père biologique ? Cet anonymat n'est-il pas fait au bénéfice du donneur et des parents, sans penser à l'équilibre de l'enfant ?

Quels sont les arguments en faveur de l'ouverture du secret du don ?

Voici donc, d'après une intervention du Dr Roegiers (pédopsychiatre), les arguments avancés pour l'ouverture du secret du don de sperme. La position de l'anonymat est donc remise en question, tout comme elle l'a été pour l'accouchement sous X auparavant…

Certains arguments sont dits

  • Ne pas parler à l'enfant de sa conception est un viol de son autonomie.
  • Le maintien du secret perturbe les relations familiales et crée des clivages particulièrement sensibles lors d'une séparation.
  • Un entourage plus ou moins large est toujours au courant. Il y a donc, à tout moment, risque d'une révélation tardive susceptible d'altérer la confiance de l'enfant envers ses parents.
  • Cacher le don entraîne l'idée que si on le cache, c'est que c'est quelque chose de honteux dont on ne peut pas parler.

D'autres sont positifs en faveur de la levée du secret :

  • L'enfant est un être humain qui peut être en droit légal de connaître ses origines biologiques.
  • La connaissance de ses origines participe au sens de l'identité de l'enfant. Certains enfants issus de don disent : « comment avoir des enfants si je ne sais pas d'où je viens ? »
  • Les enfants issus de don de sperme ne se sentent pas abandonnés par le parent qui a consenti au don et n'ont pas de réparation à faire à ce niveau. Ils n'ont donc pas la même recherche que les enfants adoptés et cherchent simplement à savoir d'où ils viennent. Les avis sont très partagés entre les personnes qui estiment que l'anonymat est indispensable car certains pays où le don de sperme n'est plus anonyme ont vu le nombre de donneurs diminuer. D'autres personnes estiment que le droit de l'enfant doit passer au premier plan.Et les choses se compliquent encore quand on définit avec plus de finesse ce qu'est le secret.

On observe 3 niveaux de levée de ce secret :

  • Le premier est de dire à l'enfant qu'il a été conçu par un don de sperme. Ce simple niveau qui ne nécessite aucune levée d'anonymat n'est pas réalisé chez tous les enfants. Certains ignorent totalement leur mode de conception, et leurs parents ne souhaitent pas leur en parler… ou n'arrivent pas à leur en parler.
  • Le deuxième niveau est de dire à l'enfant que l'on connaît le donneur (les Centres d'Etudes et de Conservation des Oeufs et du Sperme - CECOS - le connaissent).
  • Le troisième niveau de levée du secret est celui où l'on dit à l'enfant : « tu as été conçu par don de sperme et le donneur, c'est tel homme… »Finalement, en France, pour le moment, et cela date de janvier 2007, un projet de loi a été retiré. Il prévoyait le choix pour un homme acceptant de donner du sperme, de rester anonyme ou d'être identifié. Le problème est que si tous les acteurs en présence réfléchissent, personne n'est sûr qu'il existe UNE bonne solution. On peut penser que ce serait déjà une avancée simple que d'aider les parents à exprimer à leur enfant son mode de conception.

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