Dominique Lapierre : " Tout ce qui n'est pas donné est perdu "

Aujourd'hui encore, l'Inde compte 5 millions de victimes de la lèpre. Depuis 24 ans, Dominique Lapierre, auteur du best-seller « La cité de la joie » et de nombreux autres ouvrages (New York brûle-t-il ?, Il était minuit cinq à Bhopal, Plus grand que l'amour, Mille soleils… ), a consacré grâce à ses droits d'auteur, près de 5 millions d'euros à sauver les enfants des lépreux de Calcutta. A l'approche de la journée mondiale des lépreux, nous avons recueilli les propos de cet homme d'exception.
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e-sante : Peut-on guérir de la lèpre ?

Dominique Lapierre : Depuis 22 ans nous arrachons des enfants lépreux des colonies de lépreux des bidonvilles de Calcutta pour les soigner, les guérir et les éduquer dans notre foyer « Résurrection de Calcutta » qui, à ce jour, a sauvé plus de 9.000 enfants victimes de la lèpre. La plupart du temps, lorsque les enfants arrivent dans notre foyer, ils sont déjà atteints de la lèpre parce que leurs parents sont lépreux. Ils présentent généralement une ou plusieurs taches de la terrible maladie et c'est à partir de ce moment qu'on débute un traitement très agressif pour les soigner.

Alors à la question « peut-on guérir de la lèpre ? », la réponse est absolument oui, à condition de pouvoir prendre la maladie assez tôt. Les enfants marqués par des taches, et donc porteurs du bacille de Hansen, sont en général guéris en six mois grâce à un traitement spécifique. Tous ceux qui sont atteints de la lèpre à un stade précoce pourraient guérir de la même façon. Le grand problème est que la lèpre, à tort, n'est toujours pas considérée comme une maladie comme les autres. C'est précisément le sens de la campagne d'éducation que nous faisons nous-mêmes, avec notre association qui s'appelle « Action pour les enfants des lépreux de Calcutta », dans les bidonvilles et partout ailleurs : dire aux gens que la lèpre est une maladie comme les autres. Mais aujourd'hui encore, il y a 5 millions d'Indiens atteints par la lèpre et la maladie est toujours considérée comme une maladie taboue. Ce qui fait, par exemple, qu'une jeune fille qui découvre qu'elle a une tache sur la joue, va contrôler avec une épingle ou une aiguille à tricoter si elle sent quelque chose. Si elle ne sent rien, c'est une preuve que c'est une tache de lèpre, car cette maladie s'attache aux nerfs, au système nerveux. Si à ce moment, elle allait immédiatement voir un médecin pour se faire soigner, elle serait guérie en six mois. Mais parce que la lèpre est une maladie encore jugée comme honteuse, elle va mettre du maquillage sur son visage pour cacher la tache, car si on sait dans le quartier, dans le bidonville, qu'elle est atteinte de la lèpre, il lui sera impossible de trouver à se marier et elle sera victime d'un ostracisme. Il faut donc vraiment essayer de convaincre les gens que la lèpre n'est qu'une maladie comme les autres, comme la tuberculose ou d'autres maladies, qu'elle peut être guérie et qu'il faut immédiatement signaler la moindre apparition d'une tache de lèpre.

e-sante : La situation a-t-elle évolué à Calcutta ?

Dominique Lapierre : C'est très difficile de savoir. La lèpre est toujours là, toujours présente. Mais si on pouvait s'attaquer à la maladie dès son apparition chez les enfants par exemple, on arriverait à des résultats bien meilleurs. Or, les gens laissent trop souvent la situation se dégrader. Comme la lèpre atteint les nerfs, ils n'ont plus de sensibilité, ils se brûlent les mains, les pieds, des gangrènes apparaissent et un jour, ils n'ont plus de doigt et doivent être amputés… Il est impératif d'empêcher les malades d'arriver à ce stade. J'ai calculé qu'avec le prix d'une chambre pour une nuit dans un hôtel cinq étoiles, on peut guérir un lépreux à son stade préliminaire. Ce n'est donc pas une opération coûteuse.

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