Diversification alimentaire : les 5 astuces pour convaincre bébé

Diversification alimentaire : Une saveur à la fois !
Il est plus judicieux de ne présenter qu’une seule saveur à la fois pendant les premiers mois de la diversification alimentaire pour que l’enfant apprenne le goût spécifique de chaque aliment, et varier les aliments proposés chaque jour : l’enfant acceptera plus facilement des aliments nouveaux (1). La diversité alimentaire précoce permet une diminution des réactions de néophobie qui apparaissent vers la fin de la 2ème année. En effet, l’exposition lors de l’allaitement mais aussi lors de la diversification alimentaire, dans la période des 5-6 premiers mois de vie, à la variété alimentaire (et donc à une large palette d’odeurs, de saveurs, de textures, de couleurs, etc.) engendre une propension à accepter la nouveauté par la suite, du moins dans l’enfance.
Pr Benoist Schaal, responsable de l’Equipe d’Ethologie au Centre des sciences du goût et de l’alimentation de Dijon : « Une étude récente de notre équipe a établi un lien entre l’exposition de l’enfant (à 5-6 mois) à une variété d’odeurs et de saveurs et une meilleure acceptation de nouveaux aliments à l’âge de 6 ans, en particulier des légumes. De plus, le fait d’être exposé précocement à une odeur particulière déclenchera plus tard une appétence pour un aliment dégageant cette odeur ou cette flaveur (ensemble des sensations perçues à partir de la bouche) (2) ».
De la couleur dans l’assiette !
Entre 9 et 12 mois, les parents peuvent commencer à mettre de la couleur dans l’assiette de leur enfant. On peut éviter la monotonie en jouant avec les épices dans les compotes (vanille, cannelle, etc.) ou dans les légumes, la viande ou le poisson (curcuma, cumin, curry, muscade, etc.) en évitant le poivre et le piment. Les herbes aromatiques permettent de varier les recettes en modifiant les goûts et de mettre de la couleur dans les plats. Un peu d’oignon, d’échalote, et même d’ail, ajouté à la cuisson peut faciliter l’acceptabilité de certains légumes plus fades, et varier les préparations.
Pour l’alimentation d’un enfant, la dimension « plaisir » doit compter tout autant que le comptage calorique et le choix des nutriments .
Aliment refusé ? Persévérez !
L’acceptation initiale d’un aliment, et le nombre d’expositions nécessaires pour qu’il soit accepté par l’enfant varient selon sa saveur et sa texture : il sera plus difficile de faire accepter des saveurs acides ou amères et des textures granuleuses ou collantes. Souvent, dès la diversification alimentaire les parents délaissent un aliment refusé plusieurs fois, alors que si l’on persiste à proposer cet aliment l’enfant finit par le manger et l’apprécier. Si un enfant refuse un aliment, il faut l’associer avec un autre qui est apprécié ou même le proposer de nouveau, jusqu’à 8-10 fois, dans une ambiance détendue et conviviale, sans le forcer (3). La coercition parentale peut produire un effet négatif. Les chantages augmentent les risques de refus, avec aussi des effets négatifs à long terme jusqu’à l’âge adulte (nausées, réponses allergiques discrètes). La variété alimentaire oui, mais pas à tout prix !
Une progression dans les textures
L’acceptation d’aliments en morceaux dépend du développement des compétences de mastication-déglutition et de l’éruption des dents. Elle est facilitée par la précocité d’introduction d’aliments à texture moins lisse, d’où la nécessité de présenter des textures évolutives à l’enfant pour éviter une rupture trop importante et solliciter sa mastication, petit à petit. L’enfant peut commencer à tenir dans sa main des croûtes de pain et des biscuits entre 6 et 9 mois, et à 9 mois il peut prendre lui-même avec ses doigts des petits morceaux dans son assiette. Il faut absolument séparer la nourriture mixée donnée à la cuillère et les petits morceaux que l’enfant prend lui-même avec ses doigts et porte à sa bouche, sinon il fera mine de s’étouffer ne sachant pas gérer deux textures différentes en simultané.
Dr Alain Bocquet, pédiatre, responsable du "Groupe nutrition" de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire : « Des enfants de 15 mois qui n’avaient reçu des aliments grossièrement mixés qu’après l’âge de 10 mois avaient ensuite plus de difficultés à manger des morceaux et à élargir leur répertoire alimentaire : à 7 ans ils consommaient moins de fruits et légumes et avaient davantage de problèmes de comportements alimentaires (4). De plus, l’introduction tardive des textures non lisses peut avoir des conséquences orthodontiques, en particulier sur une croissance harmonieuse et suffisante des arcades dentaires (5) ».
Tous autour d’une table… et au marché !
Les repas pris en famille, plus conviviaux, permettent de partager et de découvrir les aliments. Goûter pour imiter le grand frère par exemple. Apprécier la nourriture lorsqu’on est enfant mais aussi à l’âge adulte, c’est bien la connaître, en faisant le marché, en apprenant le nom des fruits et des légumes, les espèces de poisson… et en les cuisinant. Les enfants qui connaissent les aliments qu’ils mangent, qui participent à la cuisine, et qui savourent en famille s’ouvrent à une plus grande diversité alimentaire et auraient moins tendance à l’excès de poids.
Pr Schaal : « Le fait de consommer des aliments variés à chaque repas « surprend » les sens, le cerveau et l’organisme. Cela multiplie et renouvelle les plaisirs et encourage l’appréciation et la recherche future de la nouveauté alimentaire. La structuration même du repas qui inclut de la variété (entrée, hors d’œuvres, plat de résistance...) participe de cet effet de rebond du plaisir de manger au cours d’un même du repas ».
Sources
(1) Clin Nutr 2008;27: 849-57; (2) Developmental Science, 13, 849-863 ; (3) Food Quality and Preference 2007;18(8):1023-32; (4) J Hum Nutr Diet 2001;14:43-54; (5) Arch Pediatr 2010;17 Suppl 5:S213-9
D’après un entretien avec le Pr Benoist Schaal, responsable de l’Equipe d’Ethologie au Centre des sciences du goût et de l’alimentation de Dijon (CNRS-Université de Bourgogne) et le Dr Alain Bocquet, pédiatre, responsable du "Groupe nutrition" de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (Besançon)