Diabétiques, soyez aux petits soins avec vos gencives

Les maladies parodontales, l’autre complication du diabète
Globalement, la moitié de la population a ou aura au cours de sa vie une maladie de la gencive (gingivale). La gingivite en est le premier stade. La gencive est rouge, gonflée, douloureuse et saigne au contact. Réversible, elle est liée à la présence de certaines bactéries contenues dans la plaque dentaire. Non éliminées par le brossage, elles se calcifient et se transforment en tartre. Si rien n’est fait, cette gingivite devient chronique et évolue vers une parodontite, c’est à dire une atteinte des tissus de soutien de la dent (ligaments qui maintiennent la dent dans son alvéole osseuse associée à une fonte osseuse appelée déchaussement dentaire) ; ceci pouvant conduire à la perte spontanée des dents. Si elle n’est pas réversible, son évolution peut néanmoins être stoppée.
Les personnes diabétiques, touchées par le diabète de type 1 mais aussi le diabète de type 2, sont concernées au premier chef par les maladies parodontales (parodontites). Elles ont un surrisque d’apparition de ces parodontites et d’aggravation de celles-ci.
Dr Christophe Lequart, chirurgien-dentiste et porte-parole de l’UFSBD (Union française de la santé bucco-dentaire) : « L’inflammation générée par la maladie diabétique à travers la production de certaines protéines (cytokines pro-inflammatoires) détruit insidieusement les tissus, de la gencive puis de l’os. Or, la réponse des personnes diabétiques à l’inflammation et aux infections est aussi moins efficace. Elles souffrent de plus d’une vascularisation défaillante des extrémités, en l’occurrence ici des gencives. Enfin, comme le diabétique a un surrisque de maladies cardiovasculaires, si en plus il déclare une parodontite laquelle accroît aussi ce risque cardiovasculaire (infarctus du myocarde), c’est la double peine. Son risque de maladie cardiovasculaire est triplé ».
Traiter la parodontite pour améliorer le contrôle du diabète
A l’inverse, ce déchaussement dentaire a une incidence sur le taux de sucre dans le sang (glycémie) des diabétiques : la composante inflammatoire des maladies parodontales participe au déséquilibre des diabètes : la glycémie est alors trop élevée.
Mais voici une bonne nouvelle : traiter la parodontite, conjointement au suivi du traitement antidiabétique, contribue à rééquilibrer la glycémie. Toutes les études en témoignent. Lorsque le traitement n’est pas chirurgical et qu’il prend par exemple la forme d’un détartrage en profondeur sous anesthésie, la diminution de l’HbA1c (indicateur de la glycémie des trois derniers mois) montre une baisse à hauteur de 0,46 à 0,66 % en fonction des études*. Quant au traitement complémentaire chirurgical en présence de lésions très avancées et très profondes, il occasionne une diminution supplémentaire de l’HbA1c de l’ordre de 0,25 %*. C’est considérable.
Dr Christophe Lequart : « Stopper l’évolution de la maladie parodontale est possible, au moyen d’un détartrage simple, c’est à dire l’élimination du tartre qui se trouve au niveau de la gencive. Suivi d’un détartrage sous la gencive (surfaçage). En effet, il existe un espace situé entre la gencive et la racine qui devient un réservoir à bactérie. Il faut donc éliminer le tartre et la plaque bactérienne qui se trouvent dans cette « poche parodontale ». A l’action mécanique s’ajoute une action chimique par une irrigation antiseptique des poches. Lorsque la destruction osseuse est trop importante et ne permet pas de sauver la dent, les solutions comme les prothèses amovibles, les implants ou les bridges sont proposées. En sachant qu’une parodontite peut secondairement se développer autour de l’implant (péri-implantite), si l’hygiène n’est toujours pas parfaite ».
Les signes d’alerte d’une parodontite
En règle générale, chez une personne diabétique ou non, l’impression visuelle de « dent plus longue » incite à consulter. En réalité, il n’est est rien, c’est une partie de la racine de la dent qui est dévoilée du fait de la rétractation de la gencive. La mobilité des dents est la seconde raison pour consulter, liée à l’atteinte des tissus de soutien de la racine de la dent, notamment de l’os de la mâchoire. La migration dentaire inquiète aussi les patients : à force de taper sur la face arrière des dents, la langue va les déplacer. Elles auront tendance à s’ouvrir en éventail avec de larges espaces interdentaires.
Enfin, des abcès gingivaux répétés sont un autre signe d’alerte.
Il n’est pas rare qu’une parodontite chez une personne en surpoids passé la cinquantaine puisse révéler un diabète méconnu.
Les clés d’une hygiène buccale
Du fait de ce surrisque de maladie parodontale, il est recommandé deux visites annuelles chez le dentiste pour tous les patients diabétiques.
Malheureusement, ça n’est pas toujours le cas. Les enquêtes ENTRED chez les diabétiques et les données de l’Assurance Maladie montrent que de 2001 à 2013*, les consultations dentaire et cardiologique sont les examens recommandés les moins suivis. En effet, seuls 36,2 % des diabétiques se rendent annuellement chez leur dentiste ; un chiffre qui n’a quasiment pas progressé depuis 2001.
Le bon équilibre du diabète est aussi la condition sine qua non de la bonne santé gingivale et dentaire : lorsque le diabète est mal équilibré (hémoglobine glyquée >7% ou 8 %), l’inflammation gingivale s’en trouve accrue, de même que le risque de parodontite.
Le plus gros du travail de prévention revient à la personne elle-même, qu’elle soit diabétique ou non. Pour éviter le premier stade de la maladie, à savoir la gingivite, un détartrage, un brossage rigoureux deux fois par jour avec une brosse à dent souple est essentiel. A noter le temps de brossage moyen s’élève à 37 secondes seulement ! *
Le soin est à compléter par le passage d’un fil dentaire ou de brossettes interdentaires le soir. Ces mesures suffisent à prévenir la gingivite mais aussi à l’enrayer.
L’hygiène ne concerne pas que les dents, mais aussi les muqueuses où se nichent les bactéries impliquées dans la parodontite afin de compléter la décontamination. D’où l’intérêt du bain de bouche. Il faut distinguer ceux prescrits par le chirurgien-dentiste fortement antiseptiques contenant le plus souvent de la chlorhexidine dont l’usage est limité dans le temps, des bains de bouche à usage quotidien en complément du brossage. Il limite l’adhésion de la plaque dentaire sur la surface des dents et des muqueuses. Ils doivent être gardés dans la bouche au moins trente secondes.
Dr Christophe Lequart : « Rien n’est acquis : après une première maladie parodontale, la reprise de la parodontite guette. D’où des recommandations hygiéniques qui montent alors d’un cran : trois brossages par jours pendant deux minutes et passage des brossettes interdentaires matin et soir. En effet, ces espaces étant beaucoup plus larges liés à la fonte osseuse, le fil dentaire ne suffit plus ».
Sources
*Actes du Colloque National de Santé Publique de l’UFSBD, le 8 octobre 2015 www.ufsbd.fr
D’après un entretien avec le Dr Christophe Lequart, chirurgien-dentiste et porte-parole de l’UFSBD (Union française de la santé bucco-dentaire).