Diabète de type 1 : la fin des piqûres d’insuline est proche

Un pancréas artificiel, pourquoi ?
Mesurer son taux de sucre dans le sang (glycémie) quatre à six fois par jours, s’injecter de l’insuline à plusieurs reprises, calibrer son alimentation et son activité physique pour adapter la dose d’insuline, vivre avec la hantise de l’hypoglycémie, la crainte de se tromper dans ses calculs… c’est le quotidien difficile et angoissant de 200 000 personnes vivant avec un diabète de type 1 en France, dont 50% ont déclaré la maladie avant l’âge de 20 ans.
L’objectif du contrôle du diabète est que la glycémie reste en permanence entre deux valeurs : 0,70 g/l et 1,40g/l. En deçà de 0,70g/l on parle d’hypoglycémie, au-delà de 1,40g/l on parle d’hyperglycémie. C’est le rôle de l’insuline, synthétisée par le pancréas (plus précisément ses cellules bêta situées au sein des îlots de Langerhans). Mais dans le diabète de type 1, l’insuline vient à manquer. Il faut donc se l’injecter, au moment opportun et en quantité optimale. Pour délivrer la personne diabétique de ce fardeau, l’idée est de concevoir un système qui mesure la glycémie en continu et qui injecte la quantité d’insuline en conséquence : c’est la "boucle fermée". Présenté ainsi, cela paraît simplissime. En pratique, les chercheurs y travaillent depuis les années 70.
Pr Éric Renard, coordinateur du Département Endocrinologie-Diabétologie-Nutrition au CHU de Montpellier et membre du conseil scientifique de Diabeloop, premier pancréas artificiel français : « Le pancréas artificiel servira en premier lieu à la moitié des personnes avec un diabète de type 1 qui ne parvient toujours pas à équilibrer son diabète. Un système opérationnel éviterait 1000 décès, 10 000 hospitalisations par an et bien des complications qui font toute la gravité de la maladie diabétique (altération de la vue, amputations, atteintes rénale ou cardiaque...), tout en restaurant l’insouciance. »
Un concentré de technologie au service du diabète de type 1
La première démarche a été de miniaturiser les systèmes de perfusion de l’insuline. Aujourd’hui, les pompes à insuline sont de la taille d’une boîte d’allumettes voire des patchs qui se collent sur la peau, au niveau du ventre et déjà utilisées dans le diabète de type 1.
La seconde étape, franchie dans les années 2000, était de miniaturiser les appareils de mesure du glucose en continu (capteurs) pour se libérer des piqûres répétées au bout du doigt.
Puis, entre 2001 et 2015, les chercheurs ont perfectionné des programmes informatiques (algorithmes), une sorte d’intelligence artificielle qui interprète la glycémie et commande la délivrance adéquate d’insuline, le tout par Bluetooth. Ces algorithmes étaient portés au départ par des ordinateurs volumineux, puis portables et désormais par des smartphones.
L’hypoglycémie, véritable épée de Damoclès
L’Europe est pionnière en matière de pancréas artificiel, avec des recherches sur plusieurs variantes technologiques ces cinq dernières années. Il a d’abord été montré que ces systèmes pouvaient, chez des enfants avec un diabète de type 1, diviser par trois le temps passé en hypoglycémie et doublaient le temps passé en normo-glycémie (la glycémie est dans la norme) (1). Idem chez des adultes, avec près de 80% du temps passé la nuit dans la zone de normo-glycémie (entre 0,70 et 1,40g/l) et des hypoglycémies divisées pas cinq.
Puis des chercheurs israéliens l’ont testé avec succès en vie réelle dans un camp de vacances pour enfants et adolescents avec un diabète de type 1. En 2014, le passage chez l’adulte a été concluant (2) où l’ordinateur (l’intelligence artificielle) a été remplacé par un smartphone. D’autres équipes ont préféré la tablette.
Mais un dernier obstacle restait à franchir : gérer les repas du fait du délai d’action retardé de l’insuline quand elle est injectée en sous-cutané par la pompe. Pour cela, les chercheurs ont mis au point des algorithmes dits "multi modulaires" c’est-à-dire qu’au lieu d’avoir un seul algorithme qui vise le maintien dans la zone de normo-glycémie (avec perfusion d’insuline pour rester dans les normes), on lui ajoute un système d’ange gardien qui va en permanence regarder quel est le risque hypoglycémique (l’algorithme n°2) et freiner la perfusion d’insuline en cas de risque d’hypoglycémie (3).
La dernière prouesse a été de rendre ces systèmes totalement ambulatoires (dans la vraie vie), hors de l’hôpital. Pour l’instant, et en attendant de disposer d’insuline d’action plus rapide, il faut encore que le diabétique indique au système les glucides qu'il va manger ou l'exercice physique qu'il va pratiquer!
Dernière ligne droite pour le pancréas artificiel
Le pancréas artificiel permet aux personnes diabétiques de mieux équilibrer leur glycémie tout en faisant moins d’hypoglycémies en utilisant ces "boucles fermées" 24h/24 (les essais récents vont jusqu’à 3 mois).
Deux derniers tests vont couronner des décennies de recherche et utiliser le pancréas artificiel au quotidien. Le premier, français, est en cours à Montpellier, Paris, Tours et Angers chez l’enfant la nuit. Le second, soutenu par l’Institut National pour la Santé américain dans 10 centres américains et européens (dont le CHU de Montpellier dans le service du Pr Renard) va débuter au cours du second semestre 2016. Il va tester le pancréas artificiel dans la vie courante pendant six mois.
Pr Éric Renard : « Cette étude est considérée comme celle qui donnera le feu vert pour une commercialisation de ce système de boucle fermée, prévue pour fin 2017, début 2018 (par l'Autorité de santé américaine, FDA). Le futur sera d’utiliser des insulines plus rapides et de ce fait, plus réactives. Ce sera aussi la conception (en cours) d’un système "tout-en-un" c’est-à-dire un unique appareil miniaturisé qui mesure la glycémie à l’endroit même où est perfusée l’insuline, sorte de capteur-pompe à insuline contenant l’intelligence artificielle ».
Bémol de taille, le remboursement du dispositif (9000 euros par an pour le système « made in France » Diabeloop) espéré pour 2019 n’est pas gagné d’avance. En France, l a lecture de la glycémie en continu n'est toujours pas remboursée dans le diabète de type 1 alors qu’elle l’est déjà en Suède, Hollande, Slovénie...
A noter : Trois sociétés, la Start up Medtech Diabeloop issue du CERITD (Centre d’études et de recherche pour l’intensification du traitement du Diabète ; en partenariat avec le Leti, Institut du CEA Tech), Medtronic et Big Foot ont annoncé une commercialisation d’ici à 2017-2018.
Sources
(1) Hovorka et al. Lancet 2010 ; 375 : 743-51 ; (2) Diabetes Care 2014 ; 37 : 1789-96 ; (3) Breton M et al ; Diabetes Care 2012
D’après un entretien avec le Pr Éric Renard, coordinateur du Département Endocrinologie-Diabétologie-Nutrition au CHU de Montpellier et membre du conseil scientifique de Diabeloop, premier pancréas artificiel français, suite à son intervention à Codia, le forum Cardio-Diabéto (16-17 février 2016, Paris).