DHEA : la frénésie française pour la " pilule de jouvence "

Publié par Rédaction E-sante.fr
le 17/04/2001
Maj le
3 minutes
Autre
Depuis peu, certaines pharmacies proposent de la DHEA, la fameuse « pilule de jouvence », à condition qu'un médecin en fasse la prescription. A l'instar des Américains, qui en consomment depuis longtemps sans aucun effet secondaire néfaste, les Français font aujourd'hui partie de ces chercheurs de l'éternelle jeunesse. Cependant, en l'absence du statut de médicament, le monde médical, principalement l'ordre des médecins, lance un appel à la prudence et déconseille la prescription de cette hormone soit disant « miraculeuse ». En effet, ses effets thérapeutiques et son innocuité n'ont pas été prouvés et par ailleurs, ses conditions souvent suspectes de fabrication et de mise en vente sont en train de dériver. Il est à fort à parier que les patients en feront les frais.

Des effets imparfaitement connus

La DHEA, pour déhydroépiandrostérone, est une substance naturelle précurseur des hormones sexuelles, à laquelle on prête des vertus, et pas des moindres, de rajeunissement. Certes, mais sans répondre à tous les fantasmes qu'elle suscite, cette molécule n'est pas dénuée d'action. Testée sur des personnes en bonne santé âgées de 60 à 79 ans, son administration pendant une année (50mg/jour) a entraîné des effets favorables sur la peau, les os et la libido, surtout chez les femmes; en revanche, aucune action, ou seulement une tendance positive, sur les performances intellectuelles, la mémoire, la force musculaire, la qualité de vie et le système immunitaire. Cet essai clinique ne rapporte aucun effet négatif chez les personnes supplémentées.

Une fabrication ouverte à toutes les dérives

Synthétisée normalement par l'organisme, la sécrétion de DHEA diminue avec l'âge. L'idée est donc venue de combler ce défit chez les personnes âgées. Or, étant une substance naturelle, il est pratiquement impossible de la protéger par des brevets. C'est pourquoi, la DHEA n'a jusqu'à présent incité aucune firme pharmaceutique à investir dans son développement. Par ailleurs, les études scientifiques inachevées n'ayant pas encore prouvé son efficacité, son innocuité, sa dose d'emploi, la durée du traitement, ses indications et contre-indications, la DHEA n'a pas d'autorisation de mise sur le marché et ne possède donc pas le statut de médicament. En conséquence, la législation interdit sa production industrielle. Mais en revanche, sa fabrication artisanale dans les pharmacies ou ailleurs est permise, ouvrant toute grande la porte à des dérives potentielles. En effet, face à l'engouement des consommateurs, la DHEA est de plus en plus fabriquée. Les réseaux clandestins de vente et les sociétés obscures (notamment sur Internet) se mettent rapidement en place, tous susceptibles d'escroqueries: qualité de la matière première suspecte, dosage non respecté, produit impur car coupé (mais avec quoi et pour quels risques?), poudre de perlimpinpin, etc. En d'autres termes, chacun fait sa cuisine et les patients payeront les pots cassés.

Un engouement devenu difficile à freiner

Depuis peu, de plus en plus de médecins acceptent de la prescrire, les pharmaciens la vendent et bien évidemment, attirés par le fantasme de l'éternelle jeunesse, les consommateurs accourent malgré les risques et les incertitudes ! Déjà, les patients s'échangent les « bons plans » et les bonnes adresses pour se procurer la « pilule de jouvence » et pour trouver des médecins favorables à sa prescription.

Un appel à la prudence

Dans ce contexte exalté, le monde médical appelle à la prudence et déconseille fortement la prescription de ce produit tant que les études scientifiques ne seront pas achevées. Par ailleurs, un communiqué du Conseil national de l'ordre des médecins daté du 10 avril 2001, recommande aux praticiens de ne pas répondre favorablement à la demande des patients. Ne serait-il pas déjà trop tard pour freiner cette frénésie?Quoi qu'il en soit, soyez avisés: il ne s'agit pas d'un médicament; les effets thérapeutiques et l'innocuité de cette molécule n'ont pas été prouvés ! En conséquence, médecins prescripteurs, pharmaciens, mais également consommateurs doivent prendre leurs responsabilités. Par ailleurs, il est encore temps de se demander si le jeu en vaut la chandelle !

Sources

Le Médecin Généraliste, 10 avril 2001. Figaro, jeudi 12 avril 2001.

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