Dentifrices : ceux qui peuvent vous mettre en danger

Le dentifrice au charbon actif : un produit abrasif ?
Que cela soit dans un but écologique, DIY, ou économique, fabriquer son propre dentifrice au charbon actif est une tendance de plus en plus forte. Frédérique Renard, dentiste et auteur du livre “Vos dents, des amies pour la vie !”, explique “le charbon végétal est un agent blanchissant qui peut être une alternative au bicarbonate de soude. Il est moins abrasif”.
Toutefois, ces dentifrices, faits maison ou tout-prêts, peuvent présenter un risque pour l'émail. Partie externe de la couronne, cette substance minérale très dure recouvre et protège la dentine (la substance majoritaire constituant la dent) des agressions chimiques. “Si on la met en contact avec des produits trop abrasifs, cela revient à frotter son parquet avec une brosse métallique” ajoute la professionnelle investie dans la prévention de la santé. “L'émail a une certaine résilience mais si vous l'attaquez trop souvent avec des produits abrasifs ou acides, il finira par s’abîmer. Or contrairement à la peau qui se régénère, nous n'avons qu'un seul émail. Une fois qu'il est attaqué c'est quasiment irréversible”.
Par ailleurs que cela soit du charbon actif, du bicarbonate de soude ou d’autres produits, c’est la façon dont on applique le produit sur les dents qui compte avant tout. “Il faut penser la santé des dents dans sa globalité. Il y a, en effet, le produit mais le geste est également important. Il faut faire attention lors du brossage de ne pas passer aux mêmes endroits plusieurs fois. À long terme, cela peut créer des gouttières dans l'émail”, explique Frédérique Renard. En plus des nettoyages qui “oublient” certaines dents ou la langue, les brossages trop vigoureux sont aussi à proscrire.
En effet, si l’utilisateur ne l’applique pas comme il faut, le charbon actif peut abîmer la gencive avec des micro-blessures. Une étude britannique, parue dans la revue professionnelle British Dental Journal en mai dernier, soulignait aussi que le produit pouvait poser problème avec les plombages. "Les particules de charbon peuvent se mettre dans les gencives et les irriter" prévenait déjà l'auteur Joseph Greenwal-Cohen.
La dentiste pointe aussi du doigt un autre souci. Pour les dentifrices au charbon faits maison, les effets abrasifs du produit peuvent être amplifiés par la méconnaissance des utilisateurs : “La difficulté c'est que les gens qui font leur propre produit pensent à tort qu'en doublant la dose, cela marchera mieux. Mais, ce surdosage le rend plus nocif”, prévient-elle.
Enfin, nous ne sommes pas tous égaux en termes de santé buccale. Frédérique Renard recommande de demander conseil à son dentiste avant de changer de dentifrice. “Il ne faut pas hésiter à aller le voir et dire : “Je suis orienté sur la nature et l'écologie, j'ai entendu qu'on pouvait utiliser le charbon actif. Est-ce que je peux le faire ?" Le praticien vérifiera s'il n'y a pas de contre-indications”.
Dentifrices : quels allergènes contiennent-ils ?

Attention, les dentifrices peuvent contenir des allergènes. Cette réalité s'est récemment rappelée à nous après un triste drame. Denise Saldate, une jeune américaine de 11 ans, est décédé le 4 avril 2019 à la suite d'un choc anaphylactique causé par l'utilisation d'un dentifrice qui contenait une protéine dérivée du lait alors qu'elle y était allergique.
“Certaines protéines de lait ont des propriétés anti-microbiennes. Plusieurs laboratoires ont ainsi eu l'idée de les intégrer dans la composition de leur dentifrice”, explique la docteur. Par ailleurs, le lait n'est pas le seul allergène pouvant se trouver dans du dentifrice.
Une étude de cas - publiée dans le Journal of clinical and Aesthetic Dermatology le 3 mai 2010 - indiquait que la cause la plus probable d'une allergie au dentifrice était l'arôme. Venaient ensuite la Bétaïne de cocamidopropyle (un agent de surface dérivé de l'huile de noix de coco et de la diméthylaminopropylamine connu pour ses propriétés peu irritantes) et le Propylène glycol (composé chimique). Les huiles essentielles ou la menthe - également présentes dans la recette pour l’arôme - peuvent aussi être responsables d'une allergie.
“Des incidents malheureux comme celui de la jeune américaine montre que des progrès doivent être réalisés en termes de communication et de vigilance de la part des laboratoires et des dentistes”, reconnaît Frédérique Renard.
Elle recommande aussi aux allergiques ou aux parents d'allergiques de ne pas baisser la garde et toujours vérifier la composition des dentifrices ou même des baumes à lèvre avant de les utiliser. “Si la chaîne entre les laboratoires, les dentistes et les patients est complète, nous minimiserons les risques d’incidents”.
Fluor : quels sont les dangers du surdosage ?

Le fluor est un ion qui se met dans la “pâte” à émail lorsqu'elle se fabrique et qui lui donne une solidité supplémentaire. Il n'est pas nocif pour la santé... si la posologie est bien respectée.
La professionnelle de la santé explique : “Le danger avec le fluor est le surdosage. Lorsqu'on questionne le parent, on retrouve toujours des réponses similaires : on a oublié le comprimé la veille donc on en donne deux aujourd'hui, on a doublé la dose en pensant que cela serait plus efficace... “.
Pour les dents, l'excès de fluor se traduit par un émail qui présente des signes d'hyper-minéralisation. Cette pathologie est appelée fluorose “Cela donne des taches blanches très disgracieuses. Elles ressemblent à des grumeaux. Ce n'est pas dangereux en termes de santé... mais l'émail est tout de même dysfonctionnel”.
Si les dents ne sont pas véritablement mises en péril par un surdosage, une intoxication au fluor peut avoir des répercussions sur l'organisme. Dans les cas d'empoisonnement aigu, les personnes qui ont pris trop de comprimés, souffrent de nausées, de vomissements, de troubles et douleurs abdominales ou encore de diarrhées. Les symptômes peuvent apparaître à partir d'un taux de fluor allait de 0.1 à 0.3 mg/kg.
Dans les cas les plus graves d'empoissonnement, le malade peut faire des convulsions ou avoir des troubles cardiaques ou psychiques. Toutefois, la quantité ingérée doit être très importante. Et heureusement, les conditionnements médicamenteux ne renferment généralement pas suffisamment de fluor pour l'atteindre.
Comment choisir son dentifrice fluoré ?
Lors du brossage des dents, on ne donne du dentifrice à un enfant qu'après ses 3 ans “avant cet âge, le petit ne sait pas recracher... et le dentifrice est fait pour être recraché, et non pas ingéré”.
Entre 3 ans et les premières molaires, on fournit aux enfants un dentifrice fluoré adapté à leur âge car la posologie en fluor répond à leurs besoins (une concentration en fluor inférieure à 600 ppm).
“Après 6 ans, les premières dents définitives arrivent. Il est alors possible de leur donner un dentifrice ayant une concentration en fluor de plus 1000 ppm”.
Aussi bien pour les petits que les adultes, “il vaut mieux un bon brossage complet par jour plutôt que 3 mauvais rapides et incomplets. Souvent le matin, nous nous croyons trop pressés et le soir trop fatigués. Mais il faut trouver au moins un moment pour le faire correctement. Je suggérais par exemple aux enfants de le faire tout de suite en rentrant de l’école. Les adultes peuvent faire de même à leur retour du travail… Mais l’heure a finalement peu d'importance. Le tout est de trouver un moment pour le faire... bien !”
Une fois trouvé, il faut alors se brosser les dents avec application en allant “du plus contaminé au plus propre”. Frédérique Renard explique “Il faut ainsi commencer par les endroits les plus reculés et cachés, c'est-à-dire entre les dents. Ce n'est pas la brosse à dent qui pourra y aller mais le fil dentaire. Ensuite on peut effectuer le brossage... sans oublier la langue car il y a des bactéries”.
Le citron : des risques aussi pour les dents ?

Certaines habitudes ou remèdes de grand-mère peuvent aussi mettre en danger la santé de nos dents. “Au cours de mes année de pratique, j'ai rencontré des patients qui avaient l'habitude de s'endormir avec une rondelle de citron dans la bouche. Ils étaient persuadés que cela détartrait les dents” se rappelle la dentiste.
Ces personnes n'ont pas obtenu le résultat escompté. Elles ont même gagné des soucis supplémentaires. En effet, une rondelle de citron dans la bouche toute la nuit fait des dégâts. Le jus de l'agrume très acide attaque la gencive et l'émail avant le tartre. Les dents peuvent être complètement déminéralisées après avoir été soumises à cette pratique sur une longue période.
Ainsi pour avoir des dents en bonne santé, les gestes et les comportements adoptés sont finalement plus importants que les dentifrices ou même l'hérédité. “Nous avons aujourd’hui les moyens et les connaissances pour se rapprocher d’un risque dentaire très bas. Même les personnes qui ont un “mauvais capital”, peuvent éviter les troubles s’ils ont les bonnes habitudes”, assure la professionnelle. Elle conclut ensuite “Par contre, il faut du temps, de la volonté, et surtout : ne pas avoir peur de demander à son dentiste comment bien se laver les dents ou les bons gestes à suivre. Il indiquera la méthode la plus adaptée à votre bouche”.
Sources
Merci à Frédérique Renard, dentiste et auteur du livre “Vos dents, des amies pour la vie !” (édition Alpens).
Charcoal-containing dentifrices, British Dental Journal, le 10 mai 2019
Toothpaste Allergy Diagnosis and Management, The Journal Clinical and Aesthetic Dermatology, mai 2010