Crème solaire : la vérité sur les produits de protection solaire

Publié par Hélène Joubert
le 8/07/2016
Maj le
8 minutes
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Sprays, crèmes, huiles, produits conventionnels ou biologiques... les produits de protection solaire sont-ils tous aussi protecteurs vis-à-vis des UV ? Faut-il les appliquer à l’avance pour éviter le coup de soleil ? Peut-on se fier aux indices "SPF" inscrits sur les emballages ?
Le Dr Céline Couteau, spécialiste en cosmétologie à la faculté de pharmacie de Nantes, démêle le vrai du faux sur la crème solaire.

Peut-on se fier au facteur de protection solaire inscrit sur le flacon ?

C’est là que le bât blesse. De nombreux produits de protection solaire ne remplissent pas leur contrat. Il y a en effet bien des surprises entre le facteur de protection solaire (SPF- Sun Protection Factor) annoncé et la valeur réelle obtenue en laboratoire, dont celui du Dr Céline Couteau mais aussi de sa consœur Laurence Coiffard, professeur en galénique et cosmétologie (Université de Nantes). Depuis 10 ans, comme d’autres chercheurs américains, elles dénoncent les différences entre les valeurs mesurées et celles annoncées par le fabricant. Celles-ci peuvent aller jusqu’à 50% en moins, surtout pour les SPF élevés (50 et 50+) et les produits "biologiques" (minéraux). Mais en général, les différences sont moindres, par exemple des SPF de 45 pour une valeur affichée de 50.

En juillet 2016, l’association UFC-Que Choisir a décidé de porter plainte contre cinq fabricants pour "de graves carences" en termes de protection vis-à-vis des UV de plusieurs produits solaires pour enfants pourtant étiquetés SPF 50 et SPF 50+.

Néanmoins, les produits des grandes marques contenant des mélanges de filtres organiques (très souvent appelés improprement filtres chimiques) et/ou inorganiques (égalés dénommés filtres minéraux) sont d’une qualité globalement correcte selon ces deux expertes. Se fier aux indices SFP reste la norme. Attention, certaines marques ont créé leur propre coefficient de protection, hors du cadre règlementaire et sans aucune garantie de protection officielle. A fuir impérativement !

Dr Céline Couteau : « Pourquoi tant de différences ? Les tests d’efficacité réalisés sont de deux sortes : in vivo, sur la peau de volontaires, ou in vitro en laboratoire, en étalant une quantité définie de produit sur une plaque traversée par les rayons ultraviolets. On mesure ensuite la quantité d’UVB et d’UVA qui la traversent. Chauffer la plaque ou réaliser d’autres manipulations ne sont pas des méthodes scientifiques validées. Les industriels préfèrent les tests in vivo, notamment parce que les filtres UV possèdent un effet anti-inflammatoire qui masque la rougeur. Or, c’est l’apparition de cet érythème qui permet de quantifier le niveau de protection. Impossible de faire jouer cette astuce avec les tests in vitro. D’où des niveaux de protection obtenus in vivo supérieurs aux tests in vitro et qui sont favorables aux industriels : grâce à ce type de test ils obtiennent un niveau de protection supérieur en utilisant des quantités de filtres moindres. Nous nous battons depuis des années et nous publions des articles scientifiques* en faveur de la méthode in vitro, la seule qui soit fiable et reproductible ».

Que font des ingrédients anti-inflammatoires dans la crème solaire ?

Les filtres anti-UV ont des propriétés anti-inflammatoires propres. L’ajout de molécules (bisabolol, allantoïne) ou d’extraits végétaux (extrait de réglisse, de Pongamia, de thé…) ou même d’eaux thermales accroit la capacité anti-inflammatoire de l’ensemble du produit. Cela limite les rougeurs cutanées et par là même, le coup de soleil (érythème solaire). Mais c’est surtout dangereux : il ne faut pas oublier que ces réactions sont des sentinelles bien utiles, qui nous alertent d’une exposition solaire trop longue ou d’une protection insuffisante. Agir sur l’inflammation par le biais d’une crème solaire est donc à double tranchant, et peut nous faire croire à tort qu’un produit est efficace. Un effet psychologique utilisé par certains industriels. D’autant que l’effet anti-inflammatoire dure toute la journée, contrairement à l’effet des filtres qui est limité dans le temps.

Une protection solaire "tout minéral" (biologique) est-elle plus sûre ?

Non. 100 % des produits de protection solaire dits biologiques (ne contenant que des filtres inorganiques ; les produits végétaux qui les composent sont issus de l’agriculture biologique) laissent à désirer avec des indices SPF systématiquement inférieurs à la valeur affichée. Là où un produit conventionnel nécessite une association de six à sept filtres pour atteindre un SPF de 50 +, le produit biologique se limite à un ou deux ingrédients (dioxyde de titane et/ou oxyde de zinc). La réduction de la taille de ces particules a permis d’augmenter le niveau d’efficacité des produits en contenant. Toutefois, en matière de protection ils ne peuvent à eux seuls rivaliser avec un mélange composé de cinq ou six filtres UV.

Etre aussi blanc qu’un "masque de Pierrot" est-il la garantie d’une protection solaire maximale ?

Au contraire ! Plus c’est blanc et moins on est protégé. Les filtres inorganiques ou minéraux /biologiques de taille dite pigmentaire (de l’ordre de 200 nanomètres) qui, une fois incorporés dans un excipient (destiné à donner des caractéristiques spécifiques à un produit comme la consistance), laissent un film blanc sur la peau. Ils sont inefficaces car ils laissent passer les UV. Plus la taille des particules est petite, meilleure est la réflexion des rayons UV. Les filtres organiques, totalement inoffensifs sont, de façon incomparable, bien plus efficaces. Pour en revenir à cette appellation de "filtres chimiques" visant à discréditer les filtres organiques, il est bon de rappeler que les filtres qui entrent dans la composition des produits biologiques (dioxyde de titane et/ou oxyde de zinc) sont tout aussi chimiques.

Coup de soleil : se protéger des UVA ou UVB, faut-il choisir ?

Non. Aujourd’hui en Europe, tous les produits de protection solaire protègent à la fois contre les UVA et UVB (c’est une contrainte réglementaire), ces deux types de radiations favorisant le risque de survenue de cancer cutané. La règlementation impose la nécessité de respecter un ratio SPF-UVB/SFP-UVA inférieur ou égal à 3. Les filtres UV doivent être d’autant plus nombreux que l’indice est élevé.

Eau, gel, huile, émulsion en spray, crème, stick ou mousse… les protections solaires se valent-elles ?

En théorie oui. Une crème solaire de SFP 50 protège aussi bien qu’un spray de SPF 50. Mais en pratique, la comparaison s’arrête là : la galénique du produit est essentielle car il est impossible pour des raisons évidentes de fluidité qu’une huile ou un spray puissent former une couche aussi épaisse et donc aussi protectrice et durable sur la peau qu’une crème. Le produit n’adhèrera pas à la peau et sera éliminé rapidement par la sueur. Conclusion : privilégiez les crèmes c’est-à-dire les produits de texture épaisse (mais pas blancs !)

Et pour tous les produits quels qu’ils soient, il ne faudra pas les réutiliser d’une année sur l’autre.La stabilité des filtres n’est pas garantie dans le temps.

La crème solaire anti-UV non grasse existera-t-elle un jour ?

Pas avant longtemps. Il existe en effet deux types de filtres : ceux qui sont solubles dans l’huile (on dit qu’ils sont liposolubles) et ceux qui sont solubles dans l’eau (on dit qu’ils sont hydrosolubles). Or, si de nombreux filtres liposolubles existent, les filtres hydrosolubles sont beaucoup plus rares (15% des filtres UV autorisés sont de nature hydrosoluble).

Les crèmes sont des mélanges d’huile et d’eau. On peut donc y ajouter les deux types de filtres et ainsi obtenir un SPF élevé. En revanche, les huiles ne contiendront que des filtres liposolubles. Les eaux "protectrices" se contenteront des quelques filtres hydrosolubles disponibles sur le marché. Les eaux protectrices vis-à-vis des UV sont donc illusoires et il est difficile -voire impossible- d’obtenir une huile protectrice de SPF 50 ou 50+.

Aujourd’hui, seules les crèmes un peu grasses sont donc réellement protectrices.

Faut-il appliquer un produit de protection solaire bien avant l’exposition ?

Certains fabricants de produits de protection solaire recommandent une application une vingtaine de minutes avant l’exposition (parfois même jusqu’à 45 minutes). Ça n’est absolument pas justifié du point de vue scientifique, pour aucun produit.

Faut-il masser la crème solaire pour la faire pénétrer ?

Surtout pas. Il suffit d’appliquer sans frotter. Le principe de la protection solaire est une action en surface, avant que les UV n’atteignent la peau. Pas besoin non plus de masser ce qui ferait pénétrer les filtres dans l’épiderme jusqu’au derme ; ils passeraient ensuite dans la circulation sanguine. Ça n’est pas souhaitable même s’il n’y aurait pas de conséquence majeure.

C’est pour cette raison que les huiles végétales riches en acide oléique que l’on retrouve parfois dans la composition, comme par exemple Adansonia digitata, nom botanique du baobab, ne devrait pas figurer dans la liste des ingrédients. L’acide oléique augmente le passage à travers l’épiderme d’un certain nombre de principes actifs. Idem pour l’alcool, un solvant pourtant fréquemment utilisé.

Quant aux végétaux tels que le millepertuis ou bien l’angélique, ils devraient être interdits mais pas pour la même raison : ils provoquent des réactions cutanées en cas d’exposition au soleil (photo-sensibilisants). Un comble pour une protection solaire.

Au final, une formule simple, riche en filtres UV et ne contenant ni alcool, ni extraits végétaux est à privilégier.

Crème solaire de SPF de 30 ou 50, quelle différence ?

Il est vrai que l’écart de protection entre un SPF 30 et un autre de 50 est minime. Le premier arrêtera 97% des rayons UV alors que le second en arrêtera 98%. Néanmoins, pour les peaux claires (phototypes I et II), et en particulier pour celles présentant des taches de rousseur, cette différence compte vis-à-vis du coup de soleil et du risque de cancer cutané. D’autant que personne n’étale correctement une crème solaire, en couches épaisses et en répétant l’application toutes les deux heures. Comme, au final, la protection n’est déjà plus la même, autant viser un SPF plus élevé.

Pour information, l’application minimale d’un soin solaire sur tout le corps est de 40 g (soit 2 mg/cm2 de peau pour une surface totale de 2 m2 pour un adulte). C’est presque l’équivalent d’un tube de crème de 50 ml à caque application. Et même si la crème solaire résiste à l’eau, il faut en remettre après la baignade.

Pour en savoir plus :

The Conversation, Academic rigour, journalistic flair : http://theconversation.com/produits-de-protection-solaire-le-vrai-et-le-faux-60143

et les publications du Dr Céline Couteau : https://www.researchgate.net/profile/Celine_Couteau/publications

Sources

D’après un entretien avec le Dr Céline Couteau, spécialiste en cosmétologie et maître de conférences à la faculté de pharmacie de Nantes.

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