Crème solaire : bonne pour ma peau et non polluante pour les océans !

Publié par Jessica Xavier
le 2/05/2016
Maj le
6 minutes
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La crème solaire est synonyme de vacances, de farniente et de plaisir. Si elle demeure indispensable pour se protéger des mélanomes et des coups de soleil, ces derniers temps elle est parfois décriée car accusée de polluer les océans. En cause ? Les filtres et silicones, qu’elle contient. Plongeon dans des formulations qui nagent parfois en eaux troubles.

Les ingrédients des crèmes solaires s’accumulent dans les océans et ont un effet nocif sur le milieu marin. Les laboratoires et marques de cosmétiques ont conscience de cet écueil et développent des formules qui minimisent leur impact sur l’environnement.

Crèmes solaires et océans : silicones et filtres UV au cœur du problème

Notre crème solaire est une émulsion huile dans eau à laquelle sont ajoutés des filtresanti-UVA (contre le photovieillissement cutané) et anti-UVB (contre les coups de soleil et cancer). Les dernières études sur le sujet ont mis en lumière la nocivité de ces formulations pour le milieu marin.

Pour Séverine Roullet-Furnemont, Directrice Développement Durable des laboratoires Pierre Fabre, "les crèmes solaires présentent un problème de dégradabilité. En cause, les silicones et filtres UV (chimiques et minéraux) qui ne sont pas biodégradables et restent dans le milieu. D’où la nécessité de réduire leur nombre dans les formulations."

Selon les estimations, chaque année c’est entre 16 000 et 25 000 tonnes de crème solaire qui sont utilisées rien que dans les pays tropicaux, avec 4 000 à 6 000 tonnes qui se retrouvent dans les zones de récifs coralliens!

Différences filtres minéraux et filtres chimiques

  • Les filtres chimiques sont composés de molécules organiques qui absorbent les UV à la place de la peau. Ils doivent être associés à plusieurs filtres dans la formulation.
  • Les filtres minéraux sont composés de microparticules minérales (oxyde de zinc et dioxyde de titane, les plus utilisés) qui réfléchissent les UV. Seulement un ou deux filtres sont nécessaires pour la formulation. Bien tolérés, ils sont recommandés pour les peaux sensibles.

Pour Séverine Roullet-Furnemont, au-delà de la différence chimique/minéral il faudrait s’attacher au caractère hydrosoluble (qui se mélange à l’eau) ou liposoluble (miscible dans un corps gras) des filtres. "Il existe trois types de filtres, explique la scientifique : hydrosolubles, liposolubles, et les filtres qui ne sont ni l’un ni l’autre. Les filtres minéraux comme les filtres chimiques peuvent faire partie de ces 3 catégories." Le problème avec les filtres hydrosolubles c’est qu’ils peuvent se retrouver dans tous les niveaux marins "notamment dans les crustacés qui filtrent l’eau."

D’ailleurs, d’après une étude récente des filtres UV ont été retrouvés dans des moules sur les côtes Françaises.

Les filtres solaires pour certains d'entre eux peuvent polluer les corps gras des animaux.

Les effets des crèmes solaires sur les océans

Ces dernières années, les études révélant les effets des crèmes solaires se sont multipliées.

Le Pr Roberto Danovaro de l’Université Polytechnique d’Ancône en Italie soulevait dans une étude de 2008 la question du caractère lipophile des crèmes solaires. "Leurs filtres peuvent s’accumuler chez les organismes et animaux marins." L’étude rappelait que des filtres UV avaient déjà été détectés dans les eaux de mers avec des conséquences pour l’environnement.

De son côté, Séverine Roullet-Furnemont rappelle les 3 critères de nocivité d’un ingrédient :

• La bioaccumulation : la capacité d’un ingrédient à se retrouver dans les tissus d’un organisme ;

• La biodégradabilité : la capacité des milieux à dégrader une molécule, en l’occurrence si le milieu marin peut dégrader les actifs des crèmes solaires ;

• La toxicité.

"Si un ingrédient cumule deux de ces trois critères, il est considéré comme nocif" précise la scientifique.

Les composés des crèmes solaires auraient en premier lieu des conséquences sur le développement du phytoplancton. Selon l’étude des scientifiques espagnols David Sánchez-Quiles et Antonio Tovar-Sánchez, certains filtres solaires libérés dans l’eau en contact avec la lumière et l’oxygène favorisent la création d’un puissant oxydant (le peroxyde d’hydrogène) qui provoque un niveau élevé de stress chez le phytoplancton (à la base de la chaine alimentaire marine) et affecte sa croissance et son développement.

Certains filtres solaires contribueraient également à la dégradation et au blanchiment du corail. L’étude réalisée par l’équipe du Pr Roberto Danovaro conclut que les crèmes solaires testées provoquent un blanchiment rapide et complet des coraux même à une très faible concentration. Le chercheur assure qu’au cours des 20 dernières années "le corail a connu un blanchiment massif. Un phénomène dû à des variations anormales de température, d’excès d’UV et à cause de bactéries pathogènes et d’agents polluants." Problème : les coraux sont un habitat mais également une source alimentaire dans l’écosystème marin. Ils vivent en harmonie avec des micro-algues logées dans leurs tissus. D’après l’étude, les filtres UV favoriseraient une infection bactérienne qui prolifère et tue les micro-algues avec pour conséquence le blanchiment du corail.

Des résultats que remet tout de même en cause Séverine Roullet-Furnemont : "Les études réalisées à présent sur les coraux sont biaisées pour diverses raisons notamment: soit les coraux sont déjà malades, soit la durée d’étude est trop courte et sans témoin positif ou négatif." La scientifique ajoute par ailleurs que "très peu de filtresont été étudiés et quasiment jamais de filtre chimique à l'exception de la benzophénone presque plus utilisée à ce jour en Europe." Et la professionnelle de relativiser : "les résidus des crèmes solaires que l’on retrouve dans les océans sont une goutte d’eau par rapport aux pesticides qui se retrouvent dans les océans, drainés par les eaux de pluie." Un impact plus faible certes, mais sur lequel le consommateur peut influer en privilégiant certaines protections solaires.

Comment choisir une crème solaire eco-friendly ?

La crème solaire demeure une protection indispensable face au soleil, donc pas question de s’en passer sous couvert de protéger l’environnement. Toutefois, il convient de faire le bon choix.

Pour aider les consommateurs à faire leur choix, Séverine Roullet-Furnemont conseille de se diriger vers des crèmes qui ont un nombre réduit de filtres au minimum (généralement de 6 à 12 dans une crème classique, 4 dans les produits Pierre Fabre), de choisir une crème sans silicone, sans filtres hydrosolubles.

En ce qui concerne les crèmes solaires bio, la Directrice du Développement Durable Pierre Fabre rappelle que pour "atteindre des niveaux protections suffisants, ces crèmes peuvent contenir une concentration élevée en filtres solaires qui sont non-bio dégradables." Toutefois, en bio, il s’agit de filtres minéraux souvent à base d’oxyde de zinc et de dioxyde de titane plus sécures pour l’environnement.

Les laboratoires travaillent de plus en plus à des versions plus écolos de leurs formulations. Elles s’inspirent peut-être de la formule développée et brevetée par le Pr Danovaro de l’Université d’Ancône et son équipe, une formulation pour une crème solaire éco-compatible avec le milieu marin et les coraux et qui protège aussi la peau des rayons UV.

En attendant des crèmes solaires 100 % sûres pour l’Humain et les océans, certains spots comme un éco-parc au Mexique ont tout simplement décidé d’interdire les crèmes solaires afin de protéger le corail. Ce qui n’est pas sans soulever des questions de santé publique !

Sources

Entretien avec Séverine Roullet-Furnemont, Directrice du Développement Durable chez les Laboratoires Pierre Fabre

Brevet New sunscreen compositions Roberto Danovaro, Elisabetta Damiani, Cinzia CORINALDESI

http://www.asef-asso.fr/mon-bien-etre/cosmetiques/1325-la-creme-solaire-une-amie-qui-vous-veut-du-bien

Organic UV filter concentrations in marine mussels from French coastal regions, Morgane Bachelot, Zhi Li, Mars 2012

http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969711015178

Sunscreens as a Source of Hydrogen Peroxide Production in Coastal Waters, David Sánchez-Quiles et Antonio Tovar-Sánchez, Juillet 2014

http://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/es5020696

Sunscreens Cause Coral Bleaching by Promoting Viral Infections, Roberto Danovaro, Lucia Bongiorni, Avril 2008

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2291018/ 

http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doschim/decouv/peau/loupe_anti_uv.html

Sunscreen Products Increase Virus Production Through Prophage Induction in Marine Bacterioplankton
R. Danovaro, C. Corinaldesi, janvier 2003

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