Contraste froid et chaud : protégeons nos veines !

Publié par Hélène Joubert
le 3/02/2016
Maj le
7 minutes
femme avec écharpe est assis à l'ordinateur et se sent malade
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Le froid, notre appareil circulatoire s’y adapte finalement plutôt bien. Mais il peut parfois faire des dégâts et nécessite toujours un retour progressif à la chaleur. 

Comment notre système circulatoire s’adapte-t-il au froid ?

Un froid suffisamment glacial pour faire chuter notre température corporelle centrale en dessous de 37° et les rouages de notre régulation thermique se mettent en route. Les vaisseaux périphériques se contractent pour limiter le refroidissement des organes internes, c’est la vasoconstriction. Elle-même engendre une hypertension artérielle (une pression dans les artères trop élevée) et, par effet boule de neige, le rythme cardiaque s’accélère, le sang devient plus visqueux.

Les personnes à risque (insuffisants cardiaques et coronariens) doivent être vigilantes : au niveau des artères du cœur, le spasme (contraction) lié au froid et associé à une éventuelle thrombose artérielle (un caillot dans les artères, qui limitent le flux sanguin voire l’obstruent) ainsi qu’à l’augmentation des besoins en oxygène du myocarde (cœur) favorisent la survenue ou l’aggravation d’une angine de poitrine ou angor (le cœur est insuffisamment irrigué), voire d’un infarctus du myocarde en cas d’obstruction totale de l’artère (sténose). Même principe avec le cerveau, avec le risque d’accident vasculaire cérébral principalement chez les personnes souffrant d’hypertension artérielle et d’hypercholestérolémie (taux de LDL cholestérol en excès). La moitié de la surmortalité hivernale serait attribuable à la thrombose coronaire (des artères du cœur) (1). Il se passe 7 à 14 jours entre une vague de froid et le retentissement sur la mortalité cardiovasculaire.

Le froid, moins nocif que la chaleur

Plus que le froid, c’est la chaleur qui fait souffrir les veines. Avec le froid, chacun subira une vasoconstriction du système veineux périphérique plus ou moins importante. Notre système artériel tolère sans peine -en général- ces spasmes transitoires et un retour au chaud même rapide. Néanmoins, certaines personnes qui passent du froid au chaud ont des migraines-maux de têtes (céphalées), car les artères de la tête peuvent elles aussi subir des spasmes. Elles n’ont pas d’autre choix que de se réadapter progressivement à la chaleur.

Quant à notre système veineux, il mérite un peu plus de douceur : c’est un système à basse résistance qui réagit moins vite aux variations de température.

Dr Michèle Cazaubon, médecin vasculaire à l'hôpital Américain (Neuilly), secrétaire générale de la Société Française d’Angiologie : « Chez les gens âgés en particulier, les terminaisons nerveuses - les acteurs des phénomènes de dilatation/constriction- sont moins "actives" donc réagissent moins au froid ou au chaud, d’où une perte de sensibilité des extrémités, au risque de se brûler par exemple si on reste trop longtemps inactif avec les pieds ou les mains sur une source de chaleur. C’est pourquoi nous déconseillons les bouillotes lorsqu’on est endormi, à fortiori chez les diabétiques ou tout autre personne ayant des pertes de sensibilité dans les doigts de pied (neuropathie périphérique). »

Le symptôme des jambes lourdes est moins fréquent en hiver. Ceci s’explique parce que les veines (et les veines variqueuses) se vident mieux au froid qu’au chaud. Le sang stagne moins (stase), d’où moins de sensation de jambes lourdes ou de pesanteur. Les spécialistes conseillent des bas de compression si l’on est obligé de passer d’une atmosphère froide à chaude, afin d’améliorer la vidange du sang veineux. Lorsque les symptômes de jambes lourdes sont légers, des chaussettes de compression en laine ou en coton bien épaisses en hiver suffisent.

Les engelures, un retour au chaud très progressif

Il y a quatre niveaux de gravité de gelures, conséquences du froid sur une mauvaise circulation veineuse périphérique. Seuls les degrés les plus graves (2ème degré profond et 3) nécessitent une hospitalisation (avec nécrose du derme, escarres, séquelles douloureuses). C’est le premier degré que l’on appelle engelure, avec une rougeur de la peau. La présence de cloques ou d’ampoules à liquide clair caractérise le second degré superficiel. Ces deux stades d’engelure guérissent sans séquelles. Attention aussi aux porte-bébés portés sur la poitrine ou le dos ; la circulation des membres inférieurs des nouveau-nés est réduite, ce qui augmente les risques d’engelures des jambes et des pieds par temps froid. Les chaussures serrées sont à éviter, comme le tabac, un vasoconstricteur puissant resserrant les petites artères.

Dr Cazaubon : « En cas d’engelure de premier ou second degré superficiel (mains, pieds, oreilles, nez)- là aussi, attention aux passages trop brutaux chaud/froid et à ne pas les approcher brutalement d’une source de chaleur. La première des solutions pour se réadapter à la chaleur en cas d’engelure est le massage des mains et pieds avec des crèmes grasses voire un bain de pieds et de mains à 35°. Inefficaces, les traitements vaso-dilatateurs longtemps prescrits dans les formes légères ont été abandonnés au bénéfice des remèdes de grand-mère (pommade à base de moutarde) ».

Phénomène de Raynaud, douleur garantie en cas de réchauffement brutal

3 à 5% de la population souffre à des degrés divers de la maladie ou du syndrome de Raynaud. Au niveau de la circulation sanguine périphérique, la vasoconstriction liée au froid est alors excessive et favorise la survenue de crises vasomotrices chez les patients présentant un phénomène de Raynaud, dont la circulation sanguine dans les extrémités est particulièrement réduite. La diminution brutale du calibre des artères de petit diamètre -ces spasmes- peuvent bloquer la circulation. Il faut distinguer le syndrome de Raynaud (la forme la plus courante et la moins grave) de la maladie de Raynaud due à une maladie des artères et du tissu conjonctif, par exemple la sclérodermie, une maladie auto-immune grave avec un durcissement de la peau. Dans tous les cas, un syndrome de Raynaudsurvenant d’un seul côté ou sur un seul doigt doit inciter à consulter un médecin vasculaire afin de ne pas passer à côté d’une maladie plus grave (cardiaque en particulier).

De retour au chaud, il faut progressivement réchauffer les extrémités, parfois d’une blancheur spectaculaire, sinon le rétablissement de la circulation peut être très douloureux.

Dr Cazaubon : « En cas d’engelures répétées, de phénomène de Reynaud, il faut consulter un médecin vasculaire, qui s’occupe à la fois des veines et des artères, afin de passer des examens par laser doppler ou par capillaroscopie. Ils permettent d'étudier l'aspect des capillaires (petites artères microscopiques) du pourtour de l'ongle, pour ne pas passer à côté d’une maladie des petits vaisseaux débutante ( vascularite/inflammation des vaisseaux sanguins, connectivite/inflammation du tissu conjonctif ou sclérodermie) ».

Trop près du feu, gare à la dermite des chaufferettes

Attention, en rentrant d’un jogging hivernal ou d’une longue promenade dans le froid, à ne pas s’approcher trop près et trop longtemps d’une source de chaleur : votre système veineux, au niveau des jambes, de l’abdomen, pourrait apparaître tel un tatouage et y rester pendant de longs mois voire des années. Cette « décoration » très peu esthétique est une forme rare de maladie de peau ("dermite a calore") souvent appelée « dermite des chaufferettes ». Elle associe un érythème (rougeur qui disparaît à la pression) et une pigmentation du réseau veineux, dû à la vasodilatation et à la stagnation interne de veines capillaires et de minuscules vénules, induite par une exposition chronique à une source calorique (cheminée, brasero, chaufferette, bouillottes, cataplasme électrique). Même l’utilisation régulière pendant des heures de l’ordinateur portable sur les cuisses ("dermite du travailleur nomade") peut provoquer un tel résultat ; la température de sortie du ventilateur de l’ordinateur dépasse souvent 50°C (2). Elle peut aussi être provoquée par des bains chauds, des chauffages d’appoints, des packs chauffants et applications de « boues » à visée antalgique.

Témoignage de Catherine L, Nantes : « En mars 2015 j’ai terminé une marche à pied dans un froid glacial. En rentrant chez moi je me suis plantée, frigorifiée, devant le poêle pendant plus d’une demi-heure. Quelques heures, après le dessin de toutes mes veines est apparu sur mes jambes. C’était totalement indolore. Les médecins m’ont dit que du fait du contraste froid/chaud, les pigments colorés de mes globules rouges dans les veines juste sous la peau ont migré vers ma peau et s'y sont "tatouées". Ce ne sont donc pas mes veines qui sont collées sous ma peau, mais leur tatouage ! J’ai de la chance, six mois après cela commençait à s’estomper ».

Sources

(1) Personnes à risque en cas d’épisode de grand froid (21/12/15) Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes http://social-sante.gouv.fr; (2) Charlotte Fite, Fabrice Bouscarat. La Presse Médicale Volume 38, n° 7-8 ; p 1164-1165

D’après un entretien avec le Dr Michèle Cazaubon, médecin vasculaire à l'hôpital Américain (Neuilly), secrétaire générale de la Société Française d’Angiologie 

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