Contraceptif remboursé : les femmes aux revenus modestes y ont moins recours

En France, le droit à la contraception est un élément fondamental des droits sexuels et reproductifs. Toutefois, il n’est pas inscrit dans la Constitution et ne figure donc pas au rang des libertés fondamentales individuelles intangibles. Le 19 octobre 2022, le Sénat a rejeté une proposition de loi constitutionnelle sur le droit fondamental à l'IVG et à la contraception. Depuis, le vent a légèrement tourné et un projet de loi constitutionnelle devrait être présenté d’ici fin 2023 au Conseil des ministres. Ce nouveau texte législatif devrait consacrer la liberté des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (sans faire mention de la contraception).
Pourtant, l’égal accès à la contraception n’est pas encore acquis dans l’Hexagone. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude menée par l’Institut national des études démographiques (Ined), en collaboration avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
36 % des femmes aux faibles revenus utilisent les contraceptifs remboursés
L'étude, publiée le 22 novembre 2023, met en lumière des disparités d’utilisation des contraceptifs remboursés entre les femmes, selon le niveau de ressources : les femmes aux plus faibles revenus utilisent moins fréquemment de contraceptifs remboursés que les autres, et cela à tous les âges de la vie reproductive. Un constat paradoxal, alors qu’en France les soins de santé sont entièrement couverts pour les femmes à faible revenu.
En dépit du remboursement des moyens de contraception, seules 36 % des femmes aux revenus les plus modestes utilisent des contraceptifs remboursés, contre 46 % d’utilisation chez les femmes ayant des revenus moyens ou élevés.
Pour ces travaux, les chercheurs se sont basés sur les données de l’Assurance Maladie. Ils ont analysé les données de 14,8 millions de femmes âgées de 15 à 49 ans vivant en France en 2019. 11 % d’entre elles vivaient sous le seuil de pauvreté monétaire, et donc étaient considérées comme des femmes à faibles revenus.
Cette recherche a pris en compte les contraceptifs remboursés, à savoir : l’implant, le DIU (dispositif intra-utérin ou stérilet) au cuivre, le DIU hormonal et les pilules remboursées.
Accès à la contraception : des barrières autres que financières
Ces travaux montrent que la prise en charge intégrale par l’assurance maladie des contraceptifs n’est pas un critère suffisant pour garantir l’égalité d’accès aux soins. Chez les femmes aux faibles revenus, des obstacles autres que financiers se font jour, comme le suggère les résultats de l’étude : "plusieurs barrières non financières peuvent également expliquer ces différences [d’utilisation des contraceptifs remboursés entre les femmes selon les revenus]".
Parmi ces freins, les chercheurs évoquent "les difficultés d’accès aux prescripteurs de contraceptifs (difficulté à obtenir un rendez-vous, à maintenir administrativement la couverture maladie)". Une difficulté qui amène les femmes à se tourner vers des contraceptifs non-remboursés pour évite de consulter un médecin ou une sage-femme en vue d’obtenir un contraceptif.
L’implant, le contraceptif le plus utilisé par les jeunes femmes les moins aisées
Autre enseignement de l’étude : le type de contraceptif utilisé varie selon les niveaux de revenus et les âges. Aussi, il apparaît que les pilules sont moins utilisées par les jeunes femmes aux revenus modestes. En effet, 23 % des femmes âgées de 20 à 24 ans, aux revenus les plus faibles ont recours aux contraceptifs oraux (contre 38 % des femmes aux revenus moyens ou élevés de la même tranche d’âge). Elles utilisent davantage les implants que les femmes aux revenus moyens ou élevés (8 % contre 4 %).
Chez les femmes plus âgées (de 45 à 49 ans), le stérilet est le mode de contraception le plus fréquent. Chez cette tranche d’âge, les femmes ayant de faibles revenus ont moins fréquemment recours à un dispositif intra-utérin hormonal (6 %), comparativement à celles aux revenus moyens ou élevés (14 %).
Disparités d’utilisation des contraceptifs : la difficulté à voir un gynécologue, une cause possible
Comment expliquer ces différences ? Les chercheurs rappellent que les femmes à faible revenu et les jeunes, plus à risque de grossesses non désirées, sont "souvent ciblées dans les programmes de santé publique en matière de contraception. Par conséquent, les professionnels de la santé pourraient encourager l’utilisation de contraceptifs plus efficaces, tels que l’implant". Le contraceptif le plus efficace est en effet l’implant sous-cutané, avec une efficacité évaluée à 99,9 %, selon l’Inserm.
Autre hypothèse possible, à même d’expliquer ces différences d’utilisation : "la difficulté à consulter un gynécologue pour les femmes aux faibles revenus pourrait expliquer qu’elles aient moins recours aux stérilets hormonaux".
Les résultats de cette étude interrogent sur les obstacles qui entravent l’égal accès à la contraception, et sur les choix différents qui en résultent. "Bien que le remboursement des contraceptifs soit essentiel pour garantir un accès équitable pour toutes et tous, cette étude met en lumière que d’autres facteurs semblent jouer un rôle déterminant dans l’accès à la contraception", résument les auteurs dans un communiqué.
Forts de ce constat, les chercheurs appellent à une meilleure compréhension de l’ensemble des barrières qui entravent l’utilisation des contraceptifs. Une démarche qui "revêt une importance cruciale pour permettre aux femmes de faire des choix éclairés concernant l’espacement et le timing de leurs grossesses".