Constipation après 65 ans : ne pas faire n'importe quoi

Publié par Dr Stéphanie Lehmann
le 2/01/2003
Maj le
4 minutes
Autre
Les troubles du transit intestinal sont particulièrement fréquents après 65 ans. En effet, au-delà de cet âge, plus d'une personne sur deux se plaint de constipation. Hélas, le diagnostic n'est pas toujours facile à établir et s'oppose parfois à la perception de chacun. Voici un petit rappel de définitions et de conseils pratiques, pour mieux lutter contre cet embarras.

Comment savoir si l'on est vraiment constipé ?

" Docteur, je suis constipé... ". Cette phrase énonce une réalité, que parfois les médecins ont bien du mal à mettre en doute, tant la conviction de celui qui la formule est inébranlable. Pourtant, un ralentissement du transit intestinal n'est pas forcément suffisant pour poser le diagnostic de constipation fonctionnelle. Il faut constater au moins 2 des 4 symptômes suivants depuis au moins 12 mois :

  • moins de 2 selles hebdomadaires ;
  • selles dures au moins 1 fois sur 4 ;
  • effort de poussée au moins 1 fois sur 4 ;
  • sensation de " ne pas avoir tout éliminé " au moins 1 fois sur 4.

Pourquoi ce problème augmente-t-il avec l'âge ?

Le vieillissement normal touche toutes les fonctions de l'organisme. Pourtant, le transit intestinal ne se ralentit pas avec l'âge. Ce qui diminue, c'est la musculature en général et en particulier celle qui se trouve au niveau du périnée, rendant plus pénible l'effort d'exonération. En fait, ce sont les maladies générales, chroniques, qui sont les plus gros facteurs de risque de constipation. Par des mécanismes très particuliers, mais bien connus, les affections comme le diabète, le mauvais fonctionnement de la glande thyroïdienne, une insuffisance d'efficacité du rein, la maladie de Parkinson, les maladies vasculaires cérébrales, la dépression, etc., peuvent entraîner une constipation. Le risque augmente quand les maladies s'accumulent, ce qui est fréquent avec l'avancée en âge (diabète et insuffisance rénale ; maladie de Parkinson et dépression par exemple).

Quand faut-il pratiquer des examens complémentaires ?

Dans la plupart des cas, l'interrogatoire et un examen clinique complet suffisent à une bonne prise en charge. Mais parfois, il faudra faire la lumière sur l'origine d'une constipation, notamment :

  • quand le phénomène est récent, associé à une perte de poids, à une anémie, à des douleurs abdominales, des pertes de sang dans les selles ou des antécédents familiaux de cancer digestif ;
  • lorsqu'on remarque un changement récent dans une constipation très ancienne ;
  • en cas d'inefficacité d'un traitement parfaitement adapté et suivi ;
  • lors de la survenue d'une incontinence ou d'une diarrhée (qui peuvent être causées paradoxalement par un encombrement important du rectum).

Quels sont les médicaments utiles ?

Une fois les mauvaises habitudes de vie et les facteurs favorisants corrigés (voir les conseils ci-dessous), les laxatifs peuvent être proposés. Mais quand on est senior, attention à ne pas prendre n'importe quoi ! Les laxatifs osmotiques (lactulose, lactitol, PEG) sont des produits bien adaptés au grand âge. Ils peuvent être pris quotidiennement et au long cours. En revanche, il vaut mieux éviter les lubrifiants (huile de paraffine), souvent responsables d'accidents bien gênants (démangeaisons, « fuites »). Le recours aux laxatifs dits irritants peut aider, à condition que leur utilisation ne soit que ponctuelle. En effet, leur emploi sur de trop longues périodes est à l'origine de la pénible « maladie des laxatifs », causant entre autre des douleurs coliques chroniques.

Attention aux médicaments qui " constipent "

Certains traitements contre la douleur (morphine, codéine, anti-inflammatoires), la dépression ou les troubles du comportement (antidépresseurs tricycliques, neuroleptiques), l'insuffisance cardiaque (inhibiteurs calciques, diurétiques) ou la maladie de Parkinson, sont bien connus pour leur effet constipant.

Quelques conseils pratiques pour ne pas oublier les bons réflexes

  • Bouger : le rôle de l'activité physique sur le transit est controversé. Il est cependant reconnu que la sédentarité, et à fortiori l'alitement, diminuent la motricité colique. Une promenade quotidienne, tant qu'elle est possible, est donc tout à fait recommandable.
  • Bien manger : la baisse de l'appétit accompagne souvent le grand âge. De même, la diminution de la prise de fibres alimentaires à cause de la mauvaise tolérance (ballonnements) est un facteur favorisant la constipation. Manger régulièrement fruits et légumes est déjà une bonne habitude à garder (ou à reprendre !).
  • Ne jamais laisser passer le besoin : il faut aller à la selle quand on en a envie. Après, c'est souvent trop tard.
  • Se présenter à heure fixe aux toilettes. L'utilisation régulière de micro lavements évacuateurs peut éventuellement être une solution pour maintenir un certain rythme.
  • Boire ou ne pas boire ? Si un grand verre d'eau fraîche le matin favorise le déclenchement du besoin, la prise abondante de liquide pendant la journée n'a pas vraiment fait la preuve de son efficacité sur la constipation. Ceci dit, l'âge émousse la sensation de soif, il n'est donc pas plus mal de s'astreindre à boire dans la journée (pas plus d'un litre et demi) pour faciliter le travail du rein.
  • Ne pas hésiter à se faire aider, même quotidiennement, avec des laxatifs, à condition de suivre les recommandations du médecin. Mais attention aux « cocktails » faits maison avec les derniers traitements miracles en vente libre ! L'automédication est à éviter, même pour une question aussi banale que la constipation.

Sources

Cuzin E., Impact Médecine, octobre 2002 ; 14: 52. Wilson JAP., Constipation in the elderly. Clinics in Geriatric Medecine, 1999 ; 15 : 499-510.

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