Consommons-nous trop d’antibiotiques ?

« Les antibiotiques, c’est pas automatique ! » Ce slogan de santé publique a marqué les esprits. Pourtant, en 2015, les Français restent de très gros consommateurs d’antibiotiques, dont au moins la moitié est totalement inutile. L’analyse d’un pédiatre infectiologue, le Pr Robert Cohen, du Centre Hospitalier intercommunal de Créteil (Val-de-Marne).
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La consommation d’antibiotiques en France repart à la hausse !

En Europe, la France figure parmi les leaders d’un triste classement : la surconsommation d’antibiotiques chez l’Homme. Comme en Belgique, au Luxembourg, en Grèce ou en Roumanie, lorsque ce mauvais pli a été pris, difficile de s’en défaire ! Au dernier bilan disponible, fin 2014 (1), la consommation en Europe pouvait être schématiquement divisée en trois zones : les pays du Nord, faibles consommateurs d’antibiotiques, les pays de l’Est, consommateurs modérés et les pays du bassin méditerranéen, forts consommateurs.

Parmi les bons élèves, l’Allemagne et les pays d’Europe du nord font preuve d’une rigueur d’utilisation qui ne se dément pas au fil des années. Mais à l’inverse, dans l’Hexagone, entre 2000 et 2013, la consommation d’antibiotiques en médecine de ville n’a pas sensiblement fléchi, passant de 35,17 à 31,15 ddd/1000/jour (dose définie journalière d’antibiotiques c’est à dire le nombre moyen de jours sous antibiotiques) (2).

On y a pourtant cru : sur le plan quantitatif, la consommation a diminué de 10,7% entre 2000 et 2013, mais une tendance à la reprise se confirme chaque année depuis 2010 avec une hausse annuelle de 5,9% (1) ! Optimiste envers et contre tout, le Plan national d’alerte sur les antibiotiques a fixé un objectif chiffré en matière de réduction des consommations de -25% entre 2011 et 2016 !

Les antibiotiques ne sont plus automatiques chez les enfants !

Les années passent et toujours aucune baisse flagrante de la consommation d’antibiotiques chez l’adulte en vue. A noter, les prescriptions sont majoritaires chez les femmes : elles représentent 59,3% des consommateurs d’antibiotiques et les hommes 40,7%. Ce déséquilibre s’explique en grande partie par les infections urinaires, et notamment la plus courante d’entre elles, la cystite, dont la prévalence est beaucoup plus forte.

Mais bonne nouvelle ! Du coté des enfants, la chute des prescriptions d’antibiotiques est impressionnante ces 15 dernières années. Deux explications à cela : « les pédiatres prescrivent relativement peu d’antibiotiques, précise Robert Cohen, moins que l’ensemble des spécialistes et les généralistes. De plus, le nombre de consultations pédiatriques a été divisé par deux voire 2,5 selon le type d’infections, malgré l’augmentation de la fréquentation des crèches, pourtant de formidables foyers de maladies infectieuses ». En chiffres, la prescription d’antibiotiques a été réduite de moitié en 2014 chez les moins de 14 ans (de 2111 px/1000/jours en 2000 à 1000 px/1000/jours) (1). Attention, la cible n’est pas « zéro prescription » car les antibiotiques sont souvent nécessaires, mais parvenir à diviser par deux la consommation de départ, un objectif désormais à porté de main chez les enfants.

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Source : (1) « L’évolution des consommations d’antibiotiques en France entre 2000 et 2013 ». Parution en novembre 2014.www.ansm.sante.fr (2) ; Goossens H, Ferech M, Vander Stichele R et al. Outpatient antibiotic use in Europe and association with resistance: a cross-national database study. Lancet 2005; 365: 579–87 ; (2) Chahwakilian P et al. A paraître
Interview du Pr Robert Cohen, Pédiatre infectiologue au CHI de Créteil suite aux 1ères JOURNÉES DE RÉFLEXION PLURIDISCIPLINAIRE/30 Juin -01 Juillet «ANTIBIOTIQUES : de l’innovation de rupture à la rupture de l’innovation », Paris, organisés par les laboratoires MSD.