Comment prendre en charge un proche atteint de syndrome démentiel

Publié par Dr Stéphanie Lehmann
le 11/06/2001
Maj le
6 minutes
Autre
L'objectif thérapeutique pour les personnes atteintes de démence est double : atténuer les manifestations les plus difficiles à vivre afin d'améliorer leur bien être et leur qualité de vie, et tenter de ralentir le plus possible une évolution inéluctable. Certains médicaments constituent un soutien non négligeable, mais le rôle de l'entourage familial et/ou professionnel est fondamental.

Qu'est ce qu'une démence ?

La démence correspond à un affaiblissement progressif de l'ensemble des fonctions intellectuelles, en raison d'une lésion des cellules nerveuses. Il en existe deux catégories: les démences dites symptomatiques, dues à une autre maladie bien déterminée, et les démences dégénératives, de cause inconnue ou peu précise. Les premières sont souvent vasculaires, c'est-à-dire liées à des accidents vasculaires cérébraux, mais elles peuvent également être dues à une maladie neurologique (chorée de Huntington, maladie de Parkinson, sclérose en plaques, hématomes cérébraux) ou à une maladie hormonale (insuffisance thyroïdienne), à une intoxication (alcool, oxyde de carbone) ou encore à une infection (syphilis, sida). Les démences neurodégénératives sont représentées par la maladie d'Alzheimer, la maladie de Pick et les démences dites séniles, sans atteinte neurologique marquée et survenant le plus souvent après 60-70 ans.

Quelques recommandations pour vivre avec ou s'occuper d'une personne démente

Parfois, par honte ou par crainte, l'entourage à tendance à isoler le malade, ce qui accélère la déperdition des fonctions encore présentes. Pourtant, le maintien ou la restitution de certaines capacités passe par quelques conseils, dont la liste n'est pas exhaustive.1) Stimuler les capacités restantes Maintenir ce qui peut l'être encore, tout en évitant absolument de mettre son parent en situation d'échec. Les exercices de mémorisation, d'évocation des souvenirs, de langage et d'écriture n'ont aucun intérêt à partir du moment où ils soulignent les déficits. Des activités de loisir comme la cuisine, la vaisselle, le bricolage, le jardinage, peuvent être surveillées ou guidées. Il vaut au mieux « laisser faire », tout en recadrant si nécessaire et en recherchant toujours pour la personne démente la notion de plaisir.2) Veiller à son état nutritionnel et d'hydratation Ce n'est pas parce qu'une personne démente ne boit pas qu'elle n'a pas soif. Ce n'est pas parce qu'elle regarde son plat ou joue avec qu'elle n'a pas faim. Quand la maladie est avancée, l'organisation des gestes est touchée (troubles des praxies) et le malade ne sait plus comment faire pour porter les aliments ou un verre à sa bouche. Le risque de déshydratation et de dénutrition est alors réel et sa prévention doit être un véritable combat.3) Traiter les maladies dont il ne peut pas se plaindre Des douleurs ou des malaises peuvent se traduire par de l'agitation, de l'agressivité ou inversement par une tristesse importante. Avant de dégainer les psychotropes, le médecin fera toujours un examen clinique pour éliminer une fièvre, une constipation, une contusion (chute passée inaperçue), etc.4) Eviter autant que possible les déménagements Il ne faut pas oublier que les personnes démentes n'ont pas la capacité d'acquérir de nouveaux repères: tout changement de lieu majore sa désorientation et son angoisse. Les vacances ou les hébergements temporaires, quoique nécessaires pour l'entourage, ont des répercussions qu'il ne faut pas méconnaître. 5) Donner des repères Mettre des calendriers journaliers, des montres et des horloges à disposition. Garder des horaires réguliers pour les repas, la toilette.Pour les personnes moins familières de l'entourage, il est nécessaire de se nommer à chaque occasion.6) Expliquer ce qu'on fait ou ce qu'on leur demande Parfois, un ordre simple, exprimé clairement à une distance correcte, est plus efficace: dites « buvez » plutôt que « prenez votre verre pour boire » qui demande une capacité de raisonnement.7) Ne pas oublier que le déficit est intellectuel et non affectif Si le malade ne comprend pas, il ressent très bien les tensions, les moqueries, la tendresse, l'amitié. De même, la pudeur qui est de l'ordre affectif, reste très longtemps ancrée et des gestes trop rapides, lors de la toilette par exemple, peuvent être vécus comme agressifs.8) La toilette et l'habillage Le principe de base est de faire faire plutôt que de faire à la place de …. Il faut décomposer les gestes en ordre simples, en évitant toujours de placer la personne en situation d'échec. Rappelons que la toilette est un moment souvent délicat, parfois vécue par la personne âgée démente comme une agression. On recommande des aides professionnelles, car l'intervention d'un tiers est souvent mieux acceptée par le malade. Le respect de la coiffure, des habitudes de maquillage, du port de bijoux permettent à la personne de garder une image digne et conforme à elle-même. À handicap égal, une personne propre, bien habillée et coiffée à l'air beaucoup moins démente qu'une autre échevelée et débraillée.9) Les problèmes de continence Dans le cadre d'une démence, l'incontinence est due à un ou plusieurs des facteurs suivants: la personne ne sait plus où sont les toilettes, ne sait plus comment utiliser cet endroit ou ne sait plus comment faire. Pour pallier à ces oublis, il faut passer régulièrement aux toilettes avec elle et si nécessaire mettre une protection afin d'éviter les accidents afin de permettre une vie sociale normale.10) Maintenir un bon état physique Faire des promenades accompagnées régulières et maintenir un bon état physique est une aide précieuse à la régulation de l'anxiété ou des troubles du sommeil. Cela évite parfois les recours aux médicaments.11) Maintenir une vie sociale Garder le lien avec ses amis en les avertissant de l'existence de difficultés chez le malade, fréquenter les magasins (hors horaires de pointe), les lieux de cultes, etc.

Les traitements médicamenteux : ils temporisent, mais ne guérissent pas

La prescription automatique de médicaments sédatifs ne règle pas les difficultés quotidiennes. L'entourage et le médecin doivent apprendre à connaître et à comprendre les réactions de la personne frappée de démence. Cependant, toutes les difficultés comportementales ne se règlent pas par des attitudes intelligentes et adaptées, et il devient parfois nécessaire de traiter les symptômes gênants tels que l'agressivité, l'anxiété, l'insomnie ou la dépression.De toutes les façons, les médicaments choisis doivent respecter quelques principes fondamentaux. Ainsi, la durée de vie de la substance dans l'organisme doit être courte (pour éviter l'accumulation ou le surdosage), le temps d'utilisation n'a pas à excéder quelques jours ou quelques semaines et les associations sont à éviter.

Dans le cas particulier de la maladie d'Alzheimer, les traitements médicamenteux sont essentiellement substitutifs: il s'agit de soutenir l'action de l'acétylcholine (substance permettant des échanges entre les neurones), largement manquante dans cette pathologie. La première prescription, faite par un spécialiste de la maladie d'Alzheimer (gériatre, neurologue ou psychiatre), prend en compte les autres traitements du malade afin d'éviter les associations dangereuses. Le médecin généraliste peut ensuite renouveler les ordonnances, mais une évaluation par le spécialiste doit être faite tous les 6 ou 12 mois selon les médicaments.Si le traitement est efficace, le déclin peut-être stabilisé pour un temps donné et peut en cela prolonger le maintien à domicile. Attention, il n'agit pas de façon équivalente chez toutes les personnes et rien ne permet de prédire à l'avance ses bénéfices. De plus, il est souvent responsable d'effets secondaires (troubles digestifs, insomnie, fatigue).

La prise en charge et le traitement de la maladie d'Alzheimer et des autres syndromes démentiels est un parcours difficile. À partir des premiers troubles, puis du diagnostic plus ou moins tardif, s'ouvre une période longue de plusieurs années, 5 à 15 ans, où des adaptations successives, des traitements et une nouvelle organisation de la vie seront nécessaires. C'est en équipe (entourage familial, infirmières, médecins, associations de malades, etc.), qu'il faudra faire face, parce que chacun sera, à son niveau, le garant d'une meilleure qualité de vie pour le malade.

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