Comment mange-t-on en Europe ?

Publié par Paule Neyrat
le 19/08/2002
Maj le
8 minutes
Autre
La traditionnelle Semaine du Goût, organisée par la Collective du Sucre, aura lieu du 13 au 22 Octobre 2002. Mais avant, une vaste étude sur le goût et les habitudes alimentaires des Européens a été entreprise. On y découvre que nombre de différences existent d'un pays à l'autre. L'uniformisation redoutée par certains n'est heureusement pas encore d'actualité.

Trois cents personnes âgées de plus de 15 ans, et représentatives comme il se doit dans toute étude sérieuse, ont été interrogées en juin dernier. Français, Anglais, Allemands et Espagnols sont passés sur le gril du questionnaire. Le but de cette étude était d'identifier les différentes cultures quant au goût, leurs origines et leurs modes de transmission mais aussi d'analyser le rôle éducatif de la famille.Les résultats de cette analyse et les informations sur le déroulement de la Semaine du Goût sont consultables sur le site www.legout.com. Elle révèle pas mal de contradictions et de paradoxes dans les comportements alimentaires. Ce qui n'étonnera personne : l'alimentation est le reflet de l'être humain et il est pétri de cela.

Tout le monde aime le gras mais pas le même

Rien d'étonnant à ce que 91% des Européens consomment des corps gras. Mais si le beurre et la margarine sont plus particulièrement prisés par les Allemands (71%), les Anglais (61%) et les Français (52%), ils sont 89% d'Espagnols à nettement préférer l'huile d'olive ou de tournesol.

Les plus jeunes mangent moins de pain

Bonne nouvelle : la consommation de pain est quasi générale. 89% des Européens en consomment tous les jours. Les différences ne sont alors pas nationales mais générationnelles : 74% des plus jeunes (15-34 ans) en mangent tandis que ce chiffre monte à 82% chez les 35-49 ans et à 87% chez les 50 ans et plus. Les féculents, en revanche, offrent une grande disparité. 66% des Allemands sont de gros consommateurs tandis que 22% des Français seulement en mangent tous les jours. Quant aux produits laitiers, ils font l'unanimité partout : 94% des Européens en consomment plusieurs fois par semaine, les femmes de tous les pays étant en tête avec une consommation quotidienne. Cela aussi est une bonne nouvelle, le fléau de l'ostéoporose étant toujours à l'horizon des seniors. Les épices sont fort prisées des Allemands : 75% les utilisent très souvent, tandis que 40% des Français, 28% des Espagnols et 20% des Anglais s'en servent.

Contradictions dans le secteur des fruits et des légumes

Les Espagnols sont les plus gros consommateurs de fruits : 71%. Ce chiffre baisse beaucoup chez les Allemands (59%), les Anglais et les Français (54%). Curieusement, ces Espagnols amateurs de fruits n'aiment pas beaucoup les légumes verts frais : 32% en consomment tous les jours. Dans les autres pays, c'est encore plus catastrophique : 25% des Français, 20% des Anglais et 16% des Allemands les cuisinent. Le régime méditerranéen n'est pas encore vraiment en place, quoiqu'on dise ! Partout, ce sont les quinquagénaires (et au-delà) qui mangent fruits et légumes tous les jours. La consommation est basse chez les plus jeunes et moyenne dans la tranche des 35-49 ans. On dirait qu'il y a encore beaucoup de progrès d'éducation à faire, surtout auprès des jeunes générations.

Les Français moins gourmands ?

Si 47% des Allemands consomment plusieurs fois par semaine des pâtisseries (et 17% tous les jours !), 5% des Anglais, 3% des Français et 2% des Espagnols seulement s'adonnent à ce plaisir. En revanche, Anglais et Français grignotent beaucoup plus de biscuits (48 et 46%) que les habitants des autres pays. Mais ce sont quand même les Français qui apprécient le plus le chocolat (51%). Une grande partie des Européens (43%) consomme du sucre tous les jours, surtout les Espagnols : 59%. Français (45%), Anglais (34%) et Allemands (30%) sont loin derrière. Quant à l'usage des sucres de remplacement, il est faible chez les Anglais (20%) et bien plus important chez les Allemands (45%), tandis que Français et Espagnols se tiennent dans des valeurs moyennes (34 et 37%). Et comme l'on n'est pas à une contradiction près, c'est la saveur sucrée qui plait le plus aux Français (46%), tandis que 49% des Espagnols préfèrent le salé.

Le règne de la volaille

Partout, la volaille est très largement consommée plusieurs fois par semaine, sauf en Allemagne. Là, on est plus friand de charcuteries : 77% de la population en mange tous les jours. Ce qui, au regard de la culture culinaire de ce pays, est tout à fait normal. Presque partout, la viande blanche prend le pas sur la rouge, surtout en Espagne où il y a 61% de consommateurs réguliers. C'est en France que la viande rouge a le plus de succès : 43% de nos compatriotes la mettent régulièrement à leur menu.

Cuisson à la vapeur, parente pauvre

Les modes de cuisson les plus simples sont adoptés par les Européens : 69% se servent très souvent de leur four, 61% cuisinent volontiers dans une poêle et 51% arrivent à cuisiner au micro-ondes. La vapeur n'a que 25% d'adeptes. Néanmoins, l'exception culturelle française se manifeste ici aussi : 42% des Français utilisent ce mode de cuisson.

Vite et pratique

C'est la devise, semble-t-il, d'une grande majorité d'Européens. Les courses ? 70% les font dans un magasin de grande distribution. Et plus on est jeune, plus on y va. Mais là, les Allemands sont un peu à part puisqu'ils sont quand même 52% à faire leurs achats dans des commerces spécialisés : boucheries, boulangeries, charcuteries, fruits et légumes. 4% seulement des Français les fréquentent régulièrement. Les marchés ? 2% seulement des Européens y font leurs achats de produits alimentaires. Espérons qu'ils vont survivre…. Internet a encore des progrès à faire : 1% des Européens y font leurs courses.

Français et Espagnols ont l'alimentation la mieux structurée

69% des Européens prennent un petit déjeuner. Cela leur prend en moyenne plus d'une demi-heure en Allemagne et beaucoup moins dans les autres pays. Là, on le prend surtout seul, tandis que les Allemands en font un repas convivial. Ce qui doit expliquer le temps qu'ils y consacrent. 97% des Espagnols, 87% des Français, 70% des Anglais déjeunent tous les jours. Mais ils sont seulement 55% en Allemagne à ne pas sauter ce repas (c'est peut-être du à l'importance de leur petit déjeuner…).Les Français semblent se nourrir plus ou cuisinent plus. Avec une consommation moyenne de 2,6 plats au déjeuner et de 2,5 plats au dîner, ils devancent largement les autres dont la moyenne est de 1,6.

Plaisirs différents

La convivialité varie d'un pays à l'autre. Français (80%) et Espagnols (77%) passent plus de temps à table et déjeunent ou dînent en famille ou avec des amis, tandis que Allemands et Anglais y consacrent moins d'une demi-heure (54 et 51%).Les Espagnols vont beaucoup plus au restaurant à midi : 37% y mangent au moins une fois par semaine contre 29% des Français, Allemands (17%) et Anglais (15%) venant loin derrière.Mais le soir, c'est différent ! Là, seulement 64% des Espagnols adorent aller au restaurant tandis que 77% des Français, 82% des Anglais et 87% des Allemands aiment s'offrir ce plaisir.

Qualité et variété avant tout

Tous les Européens s'accordent à dire qu'ils sont prêts à payer plus cher un produit pour être sûr de sa qualité. Les pourcentages vont de 91% chez les Espagnols à 81% chez les Allemands. Voilà qui va peut-être inciter les industriels à relever leur niveau ! Mais ce sont les Anglais qui font le moins attention à la composition des aliments. En Allemagne et en Espagne, on s'intéresse plus aux qualités diététiques et nutritionnelles des produits. En France et en Angleterre, c'est une préoccupation secondaire.Ils sont 95% d'Européens à affirmer que varier les repas est important. Les Latins sont plus nombreux que les Saxons à vouloir défendre la variété des goûts et des saveurs. C'est surtout en France et en Angleterre que l'on juge essentiel de faire découvrir la variété alimentaire aux enfants.

On apprend différemment

Une grande majorité des Français (98%), des Anglais (91%) et des Allemands (87%) pensent que les parents jouent un rôle important dans la transmission du goût. Ce n'est pas trop l'avis des Espagnols : 55% seulement font l'effort d'éduquer leurs enfants sur ce chapitre. D'ailleurs, c'est chez eux qu'ils participent le moins à la préparation des repas. Néanmoins, le rôle de la famille est important partout : 74% des Européens (7 sur 10) ont appris à cuisiner (plus ou moins bien) à la maison mais aussi, et en même temps, dans les livres pour 66% d'entre eux et au cours de voyages (35%). Les recettes familiales continuent de se transmettre surtout en Espagne, en France et en Allemagne. Les Anglais sont moins attachés, semble-t-il, aux traditions culinaires. Ils sont aussi les plus nombreux - et c'est assez contradictoire - à penser que c'est plus le rôle de l'école d'initier les enfants au goût et à la cuisine.

Diversité, innovation et patrimoine

Les plus attachés à leur patrimoine culinaire sont les Espagnols et les Français quelle que soit l'origine : famille ou région. Quand on demande aux Français de citer leur plat préféré, ils sont autant à nommer un plat régional (25%) qu'un plat familial (26%) et 86% d'entre eux disent que la cuisine de leur enfance est un bon souvenir. Il en est de même chez les Espagnols (87%). Plus éclectiques, 37% des Anglais et 40% des Allemands préfèrent une spécialité étrangère à un plat de leur enfance. Les Anglais, plus particulièrement, sont très peu attachés aux spécialités régionales : 8% les choisissent comme plat préféré, mais… cela vient peut-être d'une certaine pauvreté gastronomique anglaise.

Tout n'est donc pas perdu dans le monde du goût, de la cuisine et des comportements alimentaires. Les grandes valeurs sont présentes et on ne peut que se féliciter que la Collective du Sucre continue inlassablement de mobiliser les chefs de France, chaque année, en les envoyant enseigner la bonne parole dans les écoles. Distinguer les différentes saveurs, découvrir des produits bruts (un vrai poisson et pas une croquette, un poulet avec une tête et des plumes), déguster des plats "bien de chez nous", c'est aussi un moyen de favoriser l'intégration des enfants.

Sources

Etude sur le goût et les habitudes alimentaires des Européens portant sur 300 personnes âgées de plus de 15 ans - www.legout.com

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