BPCO de la femme, une maladie qui cache bien son jeu

La BPCO, plus dure envers les femmes
La surmortalité féminine liée à la BPCO ne fait plus aucun doute. Selon Santé Publique France, celle-ci augmente chaque année de 1,7% alors qu’elle est stable chez l’homme depuis les années 1975. En silence, à cause du tabagisme dans 80 % des cas (à partir d’un paquet/jour pendant 15 ans), l’obstruction chronique irréversible des voies aériennes épuise le souffle, handicape gravement et conduit au décès.
Ce rôle du tabac vaut pour l’homme comme la femme à la différence près que celle-ci est encore plus vulnérable : à tabagisme égal, la BPCO sera plus sévère chez elle vis-à-vis de la fonction respiratoire (« VEMS » ou « Volume expiratoire maximal par seconde » plus bas) avec aussi une destruction plus importante du parenchyme pulmonaire, c’est à dire la partie intime du poumon composée des bronchioles respiratoires, des conduits alvéolaires et des alvéoles.
Pour leur part, les manifestations cliniques sont spécifiques chez la femme : moins d’expectorations comparé à l’homme, plus de toux nocturne, de dyspnée (difficulté à respirer) et de fatigue.
L’hyperréactivité des bronches, de mauvais pronostic, semble aussi plus marquée chez la femme.
Un sous-diagnostic persistant chez les femmes
Chez les femmes, un âge plutôt jeune au stade de la découverte de la maladie explique souvent un parcours diagnostique semé d’embûches, qui peut durer des années. De plus, il a été montré que le diagnostic de BPCO est moins souvent porté devant une femme fumeuse qu’un homme fumeur !
Si le sous-diagnostic persiste chez les femmes c’est aussi parce que parmi celles susceptibles de développer une BPCO, certaines « cachent » particulièrement bien leur jeu : en effet, une forte proportion de femmes ayant une BPCO est asymptomatique, c’est-à-dire qu’aucun symptôme ne peut l’alerter sur la maladie qu’elle est en train de développer, ou alors ces signes ne sont pas très spécifiques de la maladie.
Pr Chantal Raherison-Semjen, pneumologue au CHU de Bordeaux et co-responsable du groupe « Femmes et poumon » de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) : « Il ne faut pas se filer à l’âge ! En effet, avec les années la maladie frappe plus tôt. Il est devenu courant de découvrir des BPCO chez des femmes entre 35 et 40 ans et souvent bien avant 60 ans ».
Le tabac, principal coupable. Mais il n’est pas le seul…
D’autres femmes que des fumeuses ou ex-fumeuses sont plus susceptibles de développer une BPCO. Ce sont celles qui exercent dans le milieu industriel où de nombreux agents peuvent induire des « BPCO professionnelles », comme les poussières minérales, les agents employés dans l’industrie du textile et du papier, dans la fonderie, les matières plastiques, le verre.
Comme pour le tabac, les femmes auraient une sensibilité accrue aux polluants industriels inhalés comparativement aux hommes.
Par ailleurs, l’emploi fréquent de produits ménagers, tous des irritants bronchiques, contribuent à aggraver une hyperréactivité des bronches existante.
L’essoufflement ne doit pas égarer
Un problème de taille existe parmi les femmes qui ressentent des symptômes liés à la maladie, à savoir l’analyse des symptômes « essoufflement » et « fatigue ». En effet, les femmes à risque de BPCO sont des femmes jeunes, qui ont commencé à fumer assez précocement et qui, la plupart du temps ressentent un essoufflement. Or, ces femmes BPCO ne pensent pas à consulter car elles se disent uniquement « fatiguées » et non pas « essoufflées ». Et lorsqu’elles consultent, le diagnostic de BPCO est trop peu souvent évoqué.
Pr Chantal Raherison-Semjen : « Ces histoires sont caractéristiques et constantes : ces femmes se disent fatiguées au bord de l’épuisement. Comme aucune anémie n’est mise en évidence, la fatigue est alors mise sur le compte d’une anxiété ou une dépression, sans même penser à une pathologie respiratoire ! Et lorsqu’une maladie respiratoire est malgré tout envisagée, c’est dans l’immense majorité des cas un diagnostic erroné d’asthme qui est alors posé et non un diagnostic de BPCO. Le chemin est encore long pour que la BPCO de ces femmes soit diagnostiquée. La sensibilisation du grand public est primordiale ».
BPCO, les thérapeutiques chez la femme
Concernant le sevrage tabagique, les substituts nicotiniques diminueraient moins l’envie de cigarette chez les femmes que chez les hommes. Il y aurait aussi chez la femme une réponse moins efficace aux patchs à la nicotine comparé à l’homme, peut-être expliqué par un métabolisme de la nicotine (sa dégradation dans l’organisme) plus rapide chez la femme, en pré-ménopause du moins. Cependant, le bupropion (antidépresseurs) et la varénicline utilisés dans le sevrage tabagique seraient tout aussi efficaces quel que soit le sexe.
Globalement, peu d’études ont comparé les traitements médicamenteux de la BPCO en fonction du sexe, mais celles qui ont été conduites n’ont repéré aucune différence notable.
Côté positif, l’oxygénothérapie serait plus efficace chez les femmes. Pour qu’elle soit mieux acceptée par les femmes, certains fabricants ont adapté la facilité d’utilisation, la légèreté et l’esthétique de leurs dispositifs*. Quant aux programmes de réhabilitation respiratoire, leur effets positifs se feraient plus rapidement sentir chez elles.
Sources
D’après un entretien avec le Pr Chantal Raherison-Semjen, pneumologue au CHU de Bordeaux et co-responsable du groupe « Femmes et poumon » de la Société de pneumologie de langue française (SPLF)
* Le concentrateur d’oxygene SimplyGo, Philips Healthcare : http://www.philips.fr/healthcare/solutions/sleep-and-respiratory-care/oxygen