Bébé : la luxation de hanche revient, parents ouvrez l’œil !

La luxation de hanche, qu’est-ce que c’est ?
C’est une anomalie du développement de la hanche lors de la grossesse (dysplasie) et qui la rend instable, avec une mobilité anormale entre le bassin et le fémur. La tête fémorale sort, ou peut sortir (en partie ou en totalité) de sa cavité alors qu’une hanche normale est tout à fait stable. Pour être exact, on parle désormais de « maladie luxante de hanche », plutôt que l’ancien terme « luxation congénitale de la hanche » ; congénital signifiant qu’elle est survenue in-utero.
L’inquiétant retour en arrière
On pensait la question réglée. Mais la vigilance s’est relâchée, d’où la recrudescence des luxations de hanche découvertes trop tard, ce qui a motivé des recommandations de la Haute Autorité en Santé (2013). De quelques cas à la fin des années 80, le nombre de maladies luxantes de hanche découvertes trop tardivement s’est envolé depuis 2003 : avec une trentaine de cas par an, contre une dizaine dans les années 90, les luxations de la hanche de diagnostic tardif ont plus que triplé. Ce risque de dysplasie en France se situe entre 1 200 et 16 000 cas par an. Il s’agit aussi de l’une des principales causes de procès intentés aux médecins qui s’occupent d’enfants.
Luxation de hanche : tout se joue avant 3 mois
Le diagnostic de luxation de la hanche doit être posé le plus tôt possible, dans l’idéal dès la naissance ou avant la fin du premier mois, sinon avant 3 mois d’âge. Médecins généralistes et pédiatres doivent être vigilants lors de chaque examen du bébé, de la naissance jusqu’à l’acquisition de la marche.
Dr Alain Bocquet, pédiatre (Besançon), membre de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire* : « Le traitement d’une luxation de hanche dépistée tôt est simple et permet une guérison totale. En revanche, la découverte tardive d’une luxation - et de plus en plus d’enfants le sont à l’âge de la marche - nécessite un traitement lourd, long et compliqué, sans certitude d’une guérison parfaite, avec un risque important de séquelles (interventions chirurgicales, boiterie, prothèses de hanches à 20 ou 30 ans). Ce fut le cas de 8,4 pour 100 000 enfants en 2010 ».
Inspecter les hanches, de la naissance à l’acquisition de la marche
A la naissance, un examen clinique des hanches en maternité est primordial et obligatoire. Il doit être réitéré lors de chaque examen systématique du nouveau-né et du nourrisson. En cas d’examen clinique anormal (limitation de l’écartement de la hanche par rapport à l’axe du corps, hanche instable, hanche luxée), une échographie est à réaliser rapidement. Celle-ci est prescrite dès la première semaine de vie si une anomalie clinique est évidente. S’il n’y a aucune anomalie clinique, mais en cas de facteurs de risque de luxation, une échographie doit être réalisée, mais décalée à l’âge de 4 - 6 semaines.
4 facteurs favorisent la luxation de hanche :
- Un antécédent familial de luxation de la hanche en ligne directe (père-mère-frère-sœur, avec un risque de 12 à 33%).
- La présentation en siège à l’accouchement (5 à 6 fois plus de risque).
- Un syndrome postural comme un genu recurvatum (déformation du genou qui permet d’étendre la jambe plus que la normale) ou un torticolis congénital.
- Le fait d’être une fille (2 à 9 filles pour 1 garçon).
Dr Bocquet : « Mais limiter le dépistage aux seuls enfants "à risque" serait une grave erreur : plus d’un enfant sur deux ayant eu une luxation de hanche n’avait pas de facteur de risque ! Attention aussi à ce piège : un examen clinique normal entre la naissance et le 4ème jour et/ou une échographie normale ne dispensent absolument pas d’une surveillance lors de chaque examen mensuel du nourrisson, jusqu’à l’acquisition de la marche, par le pédiatre, le médecin de famille ou de PMI. Attention, la radiographie est inutile (car non informative) avant 4 mois ».
6 indices que les parents peuvent repérer
Le médecin est sensé examiner l’enfant à chaque visite et les parents peuvent au minimum lui demander de faire le test dit d’abduction. Mais certains détails peuvent néanmoins attirer l’attention des parents. Le bébé doit être nu, calme, détendu (éventuellement par un biberon ou une tétine), bien à plat sur un plan dur.
1. L’enfant est à plat sur la table à langer. On observe s’il bouge bien ses deux jambes de façon identique et symétrique. Si, par exemple, la jambe droite se déplie, se replie alors que la gauche reste un peu figée ou est bien moins mobile, il faut s’inquiéter.
2. L’enfant est allongé sur le dos, à plat. On observe les plis inguinaux (de l’aine), fessiers et poplités (au niveau de l’arrière du genou). Une asymétrie des plis entre le côté gauche et droit peut indiquer soit un bassin asymétrique de naissance et donc une hanche à risque de luxation, soit un raccourcissement de la jambe dû à une réelle luxation.
3. Le bébé est couché sur le dos, bien à plat. On prend chaque genou (main droite de l’examinateur sur le genou gauche et main gauche sur le genou droit) et on écarte ses cuisses de façon un peu rapide (test d’abduction) afin de confirmer une bonne symétrie d’écartement. Si un côté touche le plan de la table alors que l’autre reste à mi-chemin, ce dernier est suspect de luxation de hanche. Une échographie (jusqu’à l’âge de 4 mois révolus) ou une radiographie (à partir de l’âge de 4 mois) doivent alors être réalisées.
4. Le bébé est couché sur le dos. On plie ses genoux au maximum, en reposant les pieds bien à plat sur la table ; ses cuisses sont donc verticales. L’adulte se place en face, côté pieds. Les genoux de l’enfant doivent être à la même hauteur. Si l’un est plus bas, la hanche de ce côté peut être luxée.
5. Un retard de l’âge de la marche (normalement entre 9 et 18 mois, moyenne à 15 mois). L’âge de marche dans la famille est un indice.
6. Un boitement -même léger- à l’âge de la marche doit alerter. Une hanche luxée part en haut et en arrière ce qui a pour effet de raccourcir la jambe. D’où un dandinement comme la marche en canard, typique d’une luxation.
Sources
D’après un entretien avec le Dr Alain Bocquet pédiatre à Besançon, de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire et co-auteur de l’ouvrage « Luxations congénitales de la hanche ». Dépistage clinique et échographique. Sous la direction de R. Kohler et Ch. Morin. Sauramps éditeur 2015;194p.
Pour en savoir plus :
L'Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) www.afpa.org/
Et le site pour les parents, une mine d’information en pédiatrie :
www.mpedia.fr/313-luxation-congenitale-hanche.html