Appendicite aiguë : bientôt la fin de l’appendicectomie chez l'adulte ?

Publié par Hélène Joubert
le 16/01/2017
Maj le
4 minutes
beau jeune homme frustré, serrant son ventre et gardant les yeux fermés en position couchée sur le canapé à la maison
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Aujourd’hui, le "tout chirurgie" dans l’appendicite aiguë est bousculé par la possibilité de traiter par antibiotiques certaines de ces infections. Bientôt la fin de l’appendicectomie systématique chez l’adulte ? Pas si vite !

Appendicite aiguë = chirurgie ?

L’appendicite aiguë est l’urgence abdominale la plus fréquente : 20% se compliquent d’une péritonite c’est-à-dire l’inflammation du péritoine, cette membrane qui enveloppe les organes de la cavité abdominale. Le nombre d’appendicectomies est en baisse constante depuis quelques décennies. Dans les années 80, 300 000 appendicectomies étaient pratiquées en France chaque année. En 2012, il y en a eu moins de 84 000. Cette diminution s’explique par l’évolution de l’imagerie et le développement de la cœlioscopie (technique opératoire qui permet de réaliser des interventions chirurgicales sans ouvrir la paroi abdominale). Autrement dit, auparavant on réalisait des appendicectomies par excès.

Mais depuis quelques années, des études menées conduisent, du moins chez l’adulte, à une approche plus nuancée : les spécialistes font désormais la distinction entre appendicite non compliquée et compliquée (perforation de l’appendice, abcès, épanchement etc.). Dans le premier cas, l’antibiothérapie à l’hôpital serait une alternative à la chirurgie sous certaines conditions, alors que le second cas est une indication chirurgicale formelle.

Plusieurs essais par le passé – avec néanmoins des faiblesses méthodologiques -avaient suggéré que les antibiotiques pouvaient être aussi efficaces que le bistouri dans les formes non compliquées d'appendicite, en respectant des critères précis. Les chirurgiens français semblent bien plus modérés.

Les antibiotiques dans les appendicites débutantes uniquement

Une étude majeure française pèse dans ce débat de santé publique. Coordonnée par le Pr Corinne Vons (service de chirurgie viscérale et digestive, hôpital Avicenne-Bobigny) (1) dans six hôpitaux parisiens et publiée dans une revue scientifique de premier plan, elle devait apporter de nouveaux arguments.

Si elle a effectivement changé le point de vue des chirurgiens, en pratique elle n’aura conduit qu’au statu quo car elle n’a pas réussi à démontrer que les antibiotiques (ici un combiné d’amoxicilline et d’acide clavulanique pendant 8 à 15 jours) pouvaient rivaliser avec la chirurgie pour une appendicectomie. En effet, il y a eu plus de péritonites post-antibiotiques et parmi les 120 personnes sous antibiotiques, 44 ont eu malgré tout une appendicectomie dans l’année.

Mais la donne pourrait changer car depuis peu les habitudes ont évolué. En effet, dans de nombreux centres, le scanner a remplacé l’échographie chez l’adulte. Le scanner est en mesure de distinguer les appendicites compliquées des autres, ce qui n’était peut-être pas le cas dans cette étude française pourtant récente.

Mais avant de bouleverser les pratiques, d’autres études vont devoir être menées.

Dr Karine Pautrat, service de chirurgie digestive de l’hôpital Lariboisière (Paris), qui a participé à l’étude française : « Dans cette étude, l’efficacité des antibiotiques était de 68% à un an. Néanmoins, nous n’avons pas eu de suivi au-delà et nous avons beaucoup de patient qui ont été perdus de vue . Si dans le futur, on parvient à éviter 60 à 70% des interventions, il y aura un bénéfice pour les malades et la santé publique, mais ça n’est pas encore le cas. Dans notre service et dans la majorité des centres français, la référence reste la chirurgie. Cependant, les antibiotiques sont parfois envisagés, ce qui est nouveau, dans les appendicites débutantes ou des cas très « limite » (évènements impondérables : examens, concours, entretien d’embauche, voyages qui empêche d’être hospitalisé etc.). Mais jamais au moindre signe de complication. Par ailleurs, l’antibiothérapie n’élimine pas la cause et le risque de récidive est présent ».

Appendicectomie ou antibiotiques, comment décider ?

L’évolution des nouvelles techniques d’imagerie a conduit à une modification de l’approche de la prise en charge des abdomens douloureux fébriles. Le scanner est l’examen clé, plus que l’échographie, pour poser le diagnostic d’infection de l’appendice. Il permet de repérer une appendicite dans 98,5% des cas (2). En effet, malgré de bonnes performances de l’échographie, celle-ci est parfois prise en défaut chez certains patients.

Dr Karine Pautrat : « Certains spécialistes estiment que le diagnostic de l’appendicite est essentiellement clinique chez l’adulte, devant des douleurs dans la partie droite du bas-ventre (fosse iliaque droite). Nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas être d’accord et à être convaincus que seul le scanner nous évite d’opérer des appendicites qui n’en sont pas. Dans notre service, un patient qui se plaint de douleurs typiques passe systématiquement un scanner. L’irradiation avec les machines de dernière génération est infime et nous pensons que le bénéfice supplante le risque d’opération inutile et permet dans certains cas de redresser le diagnostic (cancer du côlon ; iléite/ inflammation de l'iléon, le segment terminal de l'intestin grêle ; infection génitale…) ».

Sources

(1) The Lancet, Vol 377, Issue 9777, p1573-79, may 2011

(2) Scanner : sensibilité de 98,5% et spécificité de 98% ; Pickhardt PJ and al;Diagnostic performance of multidetector computed tomography for suspected appendicitis. Ann Intern Med. 2011;154(12):789-96,W-291

D’après un entretien avec le Dr Karine Pautrat, service de chirurgie digestive de l’hôpital Lariboisière (Paris).

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