Amélie Nothomb se confie : “ une anorexie sévère a failli me tuer"

Amélie Nothomb a souffert d’anorexie à l’adolescence. La célèbre écrivaine revient sur cette période difficile dans une interview accordée à Paris Match.
Amélie Nothomb : "il s’en est fallu de peu pour que je tourne très mal"
Amélie Nothomb a connu des périodes très difficiles dans sa jeunesse. "Il s'en est fallu de peu pour que je tourne très mal. La littérature m'a sauvée. C'est miraculeux pour moi de m'en être sortie et c'est uniquement grâce aux livres. Aujourd'hui, on a envie de dire aux autres : Vous aussi vous pouvez vous en sortir grâce aux romans", a expliqué l’auteure de Stupeur et Tremblement.
En effet, très jeune, elle a pu découvrir la littérature classique grâce à la collection de son père, l’ancien diplomate Patrick Nothomb, décédé du COVID-19 en mars dernier. Elle se rappelle : "j’ai commencé très tôt à puiser dedans".
La romancière de 54 ans reconnaît qu’elle a été "une adolescente à très grands problèmes" et "très perturbée". Elle a entre autres fait face à "une anorexie sévère qui a failli me tuer". La Belge qui a fait face à des troubles alimentaires pendant plusieurs années, se rappelle : "j’avais un sentiment de néant. C’est la lecture des classiques qui m’a permis de renouer avec la réalité".
Une anorexie qui a débuté à 13 ans
Amélie Nothomb avait déjà évoqué ses difficultés dans une longue interview accordée au Monde en 2017. Elle avait alors confié avoir sombré dans l’anorexie à 13 ans. "Les voix qui me parlaient dans ma tête [étaient] nettement moins agréables. J'ai soudain eu le sentiment de vivre avec un ennemi intérieur. Une sorte de monstre générateur d'angoisse. Ma vie a totalement basculé", avait expliqué l’auteure de l’Hygiène de l’assassin.
Elle avait également aussi reconnu qu’elle continuait de se battre contre cette pathologie.
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La lutte contre l’anorexie influence son écriture
Pour l’écrivaine, ces troubles alimentaires ont aussi influencé son écriture. L'anorexie explique "cette fragilité immense qu'il me faut vaincre tous les matins et la nécessité vitale d'écrire qui en résulte. Tous les matins, je dois me battre. Et tous les matins, tout est à recommencer. Car les forces obscures sont toujours en moi”. Toutefois, elle ne veut pas glorifier la maladie. "Il est hors de question que je valorise l'anorexie. Trop de gens l'idéalisent en pensant qu'il y a quelque intérêt à y trouver. C'est faux ! Elle fait des ravages. Je serais quelqu'un de bien mieux si je n'avais pas été anorexique", avait assuré l’écrivaine belge dont le dernier opus “les aérostats" sortira le 19 août 2020.
Lors de cet entretien avec le Monde, Amélie Nothomb avait également évoqué pour la première fois le traumatisme de son adolescence à l’origine des nombreuses difficultés rencontrées en grandissant.
Amélie Nothomb : violée à 12 ans, les terribles conséquences

Il a fallu de nombreuses années pour qu’Amélie Nothomb ose dire publiquement : "j'ai été agressée sexuellement par quatre hommes". Ce drame est survenu alors qu’elle avait 12 ans.
L’auteure a confié au Monde en 2017 que son “système s’est lézardé”. Elle explique : "Un événement-clé que je raconte brièvement dans Biographie de la faim. Une baignade en mer, au Bangladesh, où vivait alors ma famille, et au cours de laquelle j'ai été agressée sexuellement par quatre hommes". Toutefois, elle précise: "Je ne veux pas m'appesantir sur cet événement qu'il m'a fallu dépasser. Disons simplement que l'année de mes 12 ans fut charnière. D'un coup, j'ai découvert la puberté, la violence, la haine de soi, la haine tout court, la fatigue et le froid. Autant de sensations qui m'étaient alors parfaitement inconnues."
La romancière a ressenti cette agression sexuelle comme une “dégradation”. Son long silence sur ce drame a été nourri par le manque de soutien reçu à l’époque. Elle déplorait dans les pages du quotidien : "Dieu sait si j'ai peu parlé de cet épisode, mais chez les gens plus âgés, les réactions ont été ignobles. Subsiste toujours l'idée que la victime est en réalité coupable. Ce n'est pas pour rien que j'ai si mal vécu cette histoire. On me renvoyait une culpabilité que j'ai finie par intégrer".
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Pour elle, cette culpabilité a nourri les “forces obscures” qui sont toujours en elle et qui l’ont conduite à l’anorexie à 13 ans.
L’anorexie mentale : êtes-vous à risque ?

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire qui se caractérise par une restriction alimentaire importante. Elle touche principalement les jeunes filles entre 14 et 17 ans. Selon étude épidémiologique menée en France en 2008, 0,5% des adolescentes françaises et 0,03% des garçons en souffrent.
Si la pathologie apparaît le plus souvent à l’adolescence, elle peut parfois débuter plus tôt (à partir de 8 ans) ou plus tard après 18 ans. Les malades se perçoivent également comme trop grosse malgré une maigreur extrême. Ce qui les conduit à éviter les calories et la nourriture, soit en limitant les prises alimentaires, soit par des subterfuges (vomissement, laxatif, sport excessif...)
Selon l’Inserm, ces troubles alimentaires ont généralement plusieurs facteurs : psychologiques, environnementaux, familiaux, socioculturels et même génétiques.
"Des études de cohorte portant sur des centaines de sujets ont permis d’identifier des gènes associés à des comportements ou à des troubles psychiatriques souvent associés à l’anorexie (compulsion, dépression). Néanmoins, aucun gène prédisposant clairement à l’anorexie mentale n’a été mis en évidence. Il se pourrait plutôt que de nombreux gènes à effet mineur contribuent à l’apparition de ce trouble en présence d’autres facteurs de risque", indique l’institut sur son site.
Par ailleurs, d’autres éléments peuvent favoriser la survenue des troubles alimentaires :
- le perfectionnisme ;
- avoir une faible estime de soi ;
- des manifestations anxieuses ou dépressives précoces ;
- des stress précoces variés (maltraitances, abus…).
Selon les données recueillies, la moitié des malades suivies pour une anorexie mentale à l’adolescence guérissent, un tiers voit leur état s’améliorer, 21% souffrent de troubles chroniques et 5% décèdent.
Sources
Amélie Nothomb et Daniel Picouly révisent leurs classiques, Paris Match, 13 août 2020
Amélie Nothomb : « Je suis le fruit d’une enfance heureuse et d’une adolescence saccagée », Le Monde, 27 août 2017
Anorexie mentale, Inserm, 13 juin 2014