Allergies respiratoires, pensez à l’immunothérapie !

Rééduquer le système immunitaire grâce à l’immunothérapie
Pour lutter contre les symptômes de l’allergie, lorsque les médicaments symptomatiques (antihistaminiques, corticoïdes) ne suffisent pas ou que leurs effets secondaires sont rédhibitoires, il existe aujourd’hui une solution prouvée et efficace pour dompter sur le long terme certaines maladies allergiques respiratoires. Celles-ci touchent un quart des Français, avec l’asthme (4 millions de personnes et 80% d’origine allergique), la rhinite et la conjonctivite.
Le principe de l’immunothérapie aux allergènes (d’où son nom "allergénique"), plus connue sous le nom de désensibilisation, est de rééduquer le système immunitaire pour l’aider à supporter des allergènes (souvent des protéines) qu’il est sensé accepter naturellement. Les sources d’allergènes respiratoires sont les pollens, les acariens, les poils de chat etc. et chacune comprend plusieurs allergènes (une vingtaine d’allergènes d’acariens, une dizaine pour les graminées etc.).
L’immunothérapie allergénique, une solution durable
La désensibilisation induit une tolérance du corps en lui administrant de fortes doses d’une source d’allergènes. Cela se fait via la stimulation des lymphocytes T régulateurs, ces cellules qui nous permettent de tolérer notre environnement et qui mettent sous silence les responsables des symptômes de l’allergie : les lymphocytes T helper.
Grâce à elle, l’asthme, la rhinite et la conjonctivite allergiques sont traités efficacement, pour un effet compris entre sept et douze ans. L’allergie au venin d’hyménoptères (guêpes etc.) est même complétement guérie grâce à ce traitement.
Une soixantaine d’extraits allergéniques sont disponibles pour le traitement des allergies respiratoires en France. Le niveau de preuve est incontestable pour les plus importants, et les médicaments récemment mis sur le marché se sont pliés aux plus hautes exigences scientifiques dans les études pour démontrer cette atténuation des symptômes allergiques et leur rémission sur le long terme.
1% des allergiques accèdent à la désensibilisation
En 2016, seuls 1% des personnes bénéficient de la désensibilisation, alors que plus de 10% des allergiques pourraient y prétendre. Tous n’en ont pas besoin, d’une part parce qu’environ 20% n’ont pas de symptômes et que plus de 50% répondent très bien au traitement pharmacologique.
Pr Pascal Demoly, pneumo-allergologue, coordonnateur du département de Pneumologie (CHU de Montpellier) : « Bien que l’indication principale soit les formes sévères résistantes au traitement pharmacologique, même si l’allergie est peu sévère, l’idée est de casser l’histoire naturelle de la maladie. En effet, une personne allergique non diagnostiquée voit son risque d’apparition ou d’aggravation de l’asthme augmenter. Une simple rhinite allergique (éternuements, nez qui coule) peut évoluer vers des complications respiratoires bronchiques sérieuses : 30 % des rhinites non traitées donnent un asthme 10 ans après. Les preuves scientifiques sont là mais les pouvoirs publics exigent des études cliniques en double aveugle contre placebo pour chaque source d’allergènes sur de nombreuses années pour démontrer que cela prévient un asthme ultérieur, ce qui est difficile à justifier du point de vue éthique chez l’enfant. La seule preuve selon ces critères est récente, où il a été démontré que cela prévient l’asthme aux graminées. On n’a jamais imposé de telles règles en pédiatrie dans le diabète, l’épilepsie ou d’autres pathologies. Tout simplement parce que les allergies continuent à être considérées comme de simples "ennuis" ».
Un grand besoin d’innovation
En 2050, la moitié de la population mondiale sera allergique selon l’OMS. La faute au mode de vie (appauvrissement de la biodiversité) moderne actuel avec une cassure très nette dans les années 80 : une personne sur trois née après 1980 est allergique et le nombre de personnes poly-allergiques augmente.
C’est justement parce que l’allergie respiratoire va être réactivée sept à douze ans après une première cure d’immunothérapie que l’on a besoin d’immunothérapies du futur. De plus, des essais sont en cours dans l’eczéma/la dermatite atopique, les allergies alimentaires ainsi que dans les poly-allergies.
Qui peut en bénéficier ?
Sans diagnostic, pas de proposition de traitement. Du fait d’une méconnaissance générale -des médecins comme du grand public- des allergies, le temps moyen entre le début des symptômes et la cure d’immunothérapie est de sept ans.
Le candidat parfait est l’adulte jeune ou l’enfant qui souffre de symptômes respiratoires rythmés par ses contacts avec les sources d’allergènes et qui ne veut pas ou ne peut pas suivre un traitement pharmacologique du fait soit de son inefficacité soit de ses effets secondaires. L’enfant doit être âgé de plus de 5 ans, alors que les allergologues savent bien qu’à cet âge les dés sont déjà jetés.
En pratique
L’immunothérapie allergénique administrée en injection sous-cutanée au cabinet ou à l’hôpital est la plus utilisée dans le monde…sauf en France où la voie sublinguale (mis au point par des chercheurs français) est privilégiée avec les gouttes et récemment le comprimé sous la langue. Si la voie sous-cutanée expose à des effets très sévères (asthme aigu grave, réactions anaphylactiques/généralisées) mais exceptionnels entre de bonnes mains, la voie sublinguale nécessite moins de précautions et peut être prise à domicile. Des réactions locales peuvent apparaître (prurit/démangeaisons de la cavité et des muqueuses buccales ou œdème local léger), mais les réactions plus graves sont rares. Elles surviennent immédiatement et cèdent en quelques jours spontanément ou avec un comprimé d’antihistaminiques.
Le problème persistant est le coût annuel du traitement, environ 500-600 euros. Un traitement sur-mesure dit APSI (Allergènes Préparés Spécifiquement pour un Individu) est remboursé à 65% par l’Assurance Maladie, le reste étant pris en charge par les mutuelles. En revanche, des comprimés "prêts à l’emploi" aux allergènes de graminées, disponibles depuis 2010 sont remboursés à 15% seulement (de ce fait les deux tiers des mutuelles ne remboursent rien), alors que ces médicaments ont obtenu le niveau de preuve d’efficacité le plus élevé qui soit. Les comprimés "prêts à l’emploi" aux allergènes d’acariens seront bientôt sur le marché (puis ceux contre les pollens de bouleau, d’ambroisie et de cèdre du Japon). Une grande avancée. Leur taux de remboursement est une grande inconnue.
Pour en savoir plus : le site de l’association Asthme et Allergies : http://asthme-allergies.org/
Sources
D’après l’interview du Pr Pascal Demoly, pneumo-allergologue, coordonnateur du département de Pneumologie au CHU de Montpellier, chercheur Inserm UMR-S 1136 (Institut Pierre Louis d'Epidémiologie et de Santé Publique) et UPMC Paris 6 - Sorbonne Universités), à l’occasion de sa présentation à l’Académie Nationale de Médecine (29 mars 2016)