Alcool et ados, l'état des lieux

Si à 11 ans, soixante pour cent des enfants ont consommé un verre d'alcool, ils sont plus de 8 sur 10 à l'âge de 15 ans. À 13 ans, 16 % des jeunes ont déjà été ivres. Devant ce phénomène à croissance quasi exponentielle, les autorités sanitaires mettent en place, à la hâte, une politique de prévention qui a bien du mal à enrayer le phénomène qui semble installé chez les jeunes. On peut se demander ce qui motive les jeunes à «boire sans soif» et jusqu'à l'ivresse. Les comas éthyliques constatés sont de plus en plus nombreux, les profs sont confrontés à des situations invraisemblables, les parents sont débordés et le pire reste à venir.
Des jeux qui font tourner la tête
Tout le monde des adultes est sur le pont, statisticiens, anthropologues, responsables de services de téléphonie santé et d'observatoires régionaux de santé, psychiatres, éducateurs, médecins, infirmières, psychologues et psychothérapeutes. Tous ces professionnels pointent les pratiques innovantes, les moindres dérapages des jeunes face aux substances psycho actives. Et des dérapages, il y en a ! Le cap's, vous connaissez ? Un jeu qui se pratique à plusieurs, assis parterre avec entre les jambes une canette de bière et sa capsule. On vise la capsule de l'autre avec sa capsule et si on la touche, l'infortuné en face doit boire sa bière «cul sec», intelligent non ? Il y a aussi le ping-pong beer, mêmes règles, la balle qui rentre dans la chope de bière de l'adversaire et l'obligation de la vider d'un coup. Enfin, il y a le «binge drinking», là, pas de règles, c'est du «hard», on boit en groupe pour se saouler, point barre. Alors les experts précités apportent des interprétations. Ce qui pousse les ados à consommer alcool, cannabis et autres «saletés», c'est la recherche de l'identité, le désir d'intégrer le groupe, la quête d'autonomie. D'autres spécialistes mettent en exergue la mésestime de soi et les statisticiens font de la statistique et nous prédisent que le phénomène de «binge drinking» est nettement moins important en France que dans les pays du nord de l'Europe. Dans le même temps, les parents, les profs et les éducateurs scolaires en sont réduits à compter les points.
Mais pourquoi boivent-ils ?
Boit-on à 16 ans pour s'amuser ? Ou pour oublier ? Mais qu'oublier à 16 ans ? Non, 16 ans c'est l'âge où l'on est soumis au modèle du père, la première biture, c'est le passage obligé, un rite dans le clan Faire comme tout le monde c'est se faire aimer ! Au-delà de cette peur du rejet, il existe un mal plus profond, plus tenace, la dépression. Selon un rapport du Sénat, 48,5 % des collégiens et lycéens auraient des épisodes dépressifs majeurs et 21 % vivraient dans un état de morosité permanent. «Quand un lycéen débouche sa première canette de bière avant d'entrer en cours à huit heures, il y a de quoi se poser des questions», dénonce Gérard L. professeur de sport dans la région parisienne. La parenthèse "Hélène et les garçons" est refermée, on serait plutôt dans la série "Skins", la gentillesse un peu niaise d'Hélène fait place à l'adolescente anorexique, à celle suicidaire à une autre qui hait ses parents parce qu'ils divorcent. Dans la série "Skins", tous les acteurs ont recours à l'alcool et aux drogues comme remède à leurs souffrances. Il y a néanmoins beaucoup d'humour et de réalisme dans cette série, elle illustre bien la difficulté d'être pour les jeunes. Et puis il y a l'ultime geste, le suicide. Toujours suivant le rapport du sénat, on compte 11 % de morts chez les 15/19 ans et 17 % chez les 20/24 ans. Il y aurait pour les 15/24 ans 30 tentatives de suicide pour 1 suicide effectif. C'est comme si boire à mort ressemble à un cri au secours. L'alcoolisme n'est, finalement, qu'un des symptômes de la véritable maladie de vivre des ados.
Que risquent-ils ?
La consommation compulsive d'alcool et de drogues entraîne, bien entendu, des désordres importants dans l'organisme des jeunes et les risques sont sous-estimés voire ignorés par les consommateurs. Les dégâts les plus problématiques affectent le cerveau, en pleine construction, des ados. Le docteur Dally*, spécialiste de ces atteintes, les décrit en ces termes «le binge-drinking, peut provoquer des dommages sur le cervelet, similaires à une intoxication par monoxyde de carbone, il peut y avoir destruction de neurones, des pertes d'équilibre, des troubles de la mémoire. Une alcoolisation entre 15 et 20 ans peut entraîner une dépendance à 40 ans, avec un besoin de consommation quotidienne.» Dans le cas où l'adolescente serait enceinte, le risque de fausse-couche ou d'accouchement prématuré est plus que probable. Ces intoxications alcooliques peuvent également avoir des répercussions sur le foetus : retard intellectuel ou psychomoteur. *Le docteur S. Dally est professeur de toxicologie et chef de médecine interne toxicologique à l'hôpital Fernand Widal à Paris.
Y'a pas que l'alcool dans la vie !
Le tabac est en repli affirment les autorités sanitaires, mais dans le même temps le cannabis est en plein essor, l'ecstasy aussi et la cocaïne devient presque une drogue courante pour les jeunes. Les prix baissent et pour cause, le marché est plus vaste. D'autres drogues de synthèse font leur apparition, le problème est pris très au sérieux par les organismes de répression des drogues, il en est une nouvelle et diabolique, la première prise vous rend accroc, pire que le crack ! L'analyse chimique de cette substance fait apparaître du gasoil, des produits pour déboucher les lavabos, du white-spirit et environ 20 autres composés tout aussi sympathiques. Ces drogues de synthèse sèment la mort aux États-Unis et apparaissent peu à peu en France.
Sources
Côté santé, juin 2008.