Ados : ils boivent trop !

C’est dans notre culture et l’on en est fier, la France, c’est le pays du vin. Pas un événement, une fête, une rencontre, une visite sans boire un verre ! La découverte de l’alcool se fait à la maison, d’une façon «encadrée» puisque 70 % des jeunes déclarent en consommer en famille à 13/14 ans. Certains y ont même goûté dès leur baptême avec une goutte de Champagne sur les lèvres. Une grave erreur selon une partie du corps médical. Pourtant, une découverte gourmande à l’adolescence avec les parents, assortie d’une mise en garde intelligente contre les conséquences des abus, ne serait-elle pas plus efficace qu’une interdiction qu’ils n’auraient de cesse de transgresser ?
Ce qui les pousse à boire
L’adolescence, c’est le passage obligé par l’originalité et la transgression. L’alcool et les stupéfiants sont suffisamment banalisés pour ne pas être inquiétants. Si nos ados sont majoritairement tout à fait au courant des risques qu’ils prennent avec une surconsommation, c’est exactement ce qu’ils cherchent. Les conséquences fâcheuses, c’est pour les autres puisqu’ils se sentent invulnérables ! Alors, à la recherche de sensations et de nouveautés, ils sont impatients de savoir comment leur corps va réagir : Justine 16 ans sait qu’elle exagère quand elle sort avec les copains mais dit-elle, «c’est pour se lâcher, pour pouvoir dire ce qu’on a sur le cœur sans se poser de question, montrer nos sentiments, ne plus se sentir jugée. Ça ne fait pas de mal, et nous permet d’oublier tout ce qui nous tracasse, surtout pour nous les filles qui nous prenons la tête pour un rien.»
Les modes de consommation
Plus on grandit, moins on consomme en famille et plus on consomme chez des amis ou au café. À 19/20 ans, les trois-quarts des jeunes boivent plutôt hors de leur domicile, le week-end et le soir. Le goût de l’alcool, en fait, ils n’aiment pas trop ça : ce qu’ils cherchent, c’est son effet. Ils pratiquent le Binge Drinking (littéralement excès de boisson) qui consiste à boire «cul sec» un maximum de verre d’alcool en un minimum de temps. Résultat assuré pour être désinhibé en un rien de temps si l’on passe à travers des vomissements et que l’on évite le coma éthylique ! Le vin, ce n’est pas leur truc : trop cher et pas assez efficace pour avoir rapidement des sensations fortes. La bière est trop soft, leur alcool de prédilection est la Vodka, efficace et moins chère que le Whisky dont on atténue le goût avec du Coca. Les plus jeunes, qui détestent l’amertume de l’alcool, fonctionnent aux Premix, ces boissons qui se présentent comme des sodas «corsés» ou «branchés». Malgré leur emballage qui ne les distingue pas des boissons sans alcool, il y est bien présent. Son goût est couvert par le sucre de la boisson.
Quand faut-il s’inquiéter ?
Quatre-vingt-deux pour cent des lycéens garçons et filles de 15 à 19 ans interrogés au cours d’une enquête à l’aide d’un questionnaire disaient consommer de l’alcool régulièrement et 35 % avouaient avoir déjà été ivres. Sont-ils tous pour autant des adolescents à problèmes ? Il a 16 ans, il est rentré ivre trois fois dans l’année après des soirées un peu trop arrosées entre copains. Pas de panique, il y a toutes les chances qu’il s’agisse d’expériences ponctuelles, banales, qui ne présagent en rien d’un comportement d’addiction pathologique. Globalement, est-ce qu’il va mal, est-il désocialisé, déscolarisé ? Ces excès n’ont pas de conséquences sur son comportement général, il ne paraît pas en souffrance, n’est pas particulièrement plus irritable ou sombre que ses copains ? S’il est évident que vous devez marquer le coup et avoir avec lui une conversation sur les risques qu’il prend, ne dramatisez pas outre mesure l’événement. Votre enfant affirme son identité et par essai et erreurs, cela lui permet de découvrir puis d’élaborer son propre système de valeurs, son individualité à l’intérieur d’un groupe social dans lequel il doit s’intégrer. À la fin de l’adolescence, si la majorité des garçons et des filles ont fait l’expérience de la drogue, du tabac et de l’alcool, moins de 5 % continueront à en faire un usage régulier et excessif.
Des profils à risques : l’œuf et la poule
Alcool, tabac et cannabis font partie de la même période d’expérimentation. Un joint fumé avec les copains ne justifie pas un conflit majeur. En revanche, si ces excès deviennent trop fréquents, s’il «sèche» ses cours les lendemains de fête, si vous trouvez des bouteilles d’alcool dans sa chambre et qu’il fume, isolé, à la maison, il a certainement besoin d’aide. On a tendance à rendre responsable de cet état l’abus d’alcool ou de stupéfiants : c’est en partie vrai, mais de l’œuf et de la poule, savoir qui est à l’origine ? Cette relation à l’alcool et/ou à la drogue est souvent l’occasion d’une prise de conscience pour l’entourage des difficultés de l’ado. Le plus souvent, il faut se rendre à l’évidence : ce mal-être était installé avant ces expériences. Ces candidats aux addictions présentent des troubles du comportement dès la petite enfance : hyper activité, trouble de l’attention, anxiété excessive, état dépressif ou troubles du comportement alimentaire sont des symptômes qui doivent être pris en charge le plus tôt possible. À l’adolescence, la rencontre avec l’alcool et le cannabis leur procure un apaisement passager qui va les pousser à réitérer chaque fois qu’ils seront gênés par leurs symptômes. Une prise en charge thérapeutique est alors indispensable.
Le juste milieu
Votre ado a découvert les joies de l’ivresse. Vous avez deviné qu’il sait ce qu’est un joint. Son comportement général n’a pas changé pour autant, ses études, ses copains, sa famille, tout roule comme d’habitude. Réjouissez-vous de ses expériences, votre enfant est parfaitement normal : une étude américaine a montré que les adolescents expérimentateurs ou consommateurs occasionnels étaient les sujets les mieux adaptés à la vie sociale de toute la population étudiée. En revanche, les consommateurs réguliers et excessifs présentaient d’importantes difficultés d’adaptation sociale avec des difficultés scolaires et des problèmes de comportement. Majoritairement, ils étaient en souffrance émotionnelle, avec des difficultés relationnelles et peu de contrôle de leur impulsivité. Vous êtes fiers car le vôtre n’a jamais, au grand jamais, touché à quoique ce soit et il s’en vante : réveillez-vous, on trouve les mêmes profils chez les abstinents que chez les sur-consommateurs. Ces ados si sages présentent parfois une difficulté d’intégration, sont souvent isolés, craintifs et, statistiquement, ce sont souvent également des enfants en grande difficulté.
Des parents qui dialoguent
L’ambiance familiale et la communication parents/enfants jouent un rôle très important dans la relation que l’adolescent aura avec ses expériences. Il est évident que l’attitude de parents eux-mêmes sur-consommateurs banalisera les excès de leur progéniture. Dans un contexte classique de parents modérés sans être phobiques, il faut trouver la bonne attitude : une information précoce, dès 8/10 ans, et un comportement ni trop permissif ou aveugle, ni trop répressif. Le dialogue, comme toujours, reste primordial. Julien, 17 ans : «Je voulais juste dire que l’adolescent a besoin d’écoute et de communication… C’est pour cette raison que les parents doivent aussi consacrer plus de temps aux adolescents, pour leur expliquer la gravité de l’alcool, pour les orienter et les aider à affronter leurs obstacles. Et aussi, les soutenir, surtout pendant l’angoisse des examens, de prendre le temps de les écouter et de les encourager à communiquer pour expliquer leur point de vue et leurs soucis…»
Des éléments génétiques et/ou un terrain favorable
Les recherches actuelles montrent que l’alcoolisme et la toxicomanie sont en partie génétiquement déterminés. Mais ce déterminisme a une importance variable suivant la sensibilité des individus. Chacun de nous réagit différemment à une même dose d’alcool ou de stupéfiants. Chez les Asiatiques, il existe une intolérance génétique à l’alcool qui se manifeste par des symptômes particulièrement désagréables : maux de tête, vertiges, diminution de la tension artérielle, augmentation de la fréquence cardiaque pour 45 à 85 % des sujets contre 3 à 30 % chez les individus de race blanche. Par ailleurs, les enfants issus de parents alcooliques, toxicomanes ou souffrants de maladies mentales ont 10 fois plus de risques de développer des conduites de dépendance mais, là aussi, le déterminisme génétique est-il seul en cause, ou bien ces parents en souffrance élèvent-ils leurs enfants dans un contexte si difficile qu’il engendre ce type de troubles ?
Statistiques aux urgences
L’ivresse, jusqu’au coma éthylique est la cause la plus fréquente du recours aux urgences hospitalières. Viennent ensuite, parfois encore plus dramatiques, les accidents et les traumatismes. Statistiquement, c’est l’alcool et la drogue qui, dès 15 ans, et dans 40 à 45 % des cas, sont responsables des accidents mortels de la circulation chez les 18/25 ans.
Sans alcool, la fête est moins folle !
Selon une enquête nationale réalisée en 2005/2006 par la Mutuelle des étudiants, la consommation occasionnelle et démesurée d’alcool est toujours liée à la fête. Pas étonnant que les producteurs n’hésitent pas à faire la promotion de leurs produits directement dans les fêtes étudiantes en proposant des dégustations gratuites. L’idée est de créer des vocations de vrais buveurs qui dureront toute une vie, en mêlant l’alcool à la fête et à la musique.
Je bouquine…
Alcool, drogues chez les jeunes : agissons, de Daniel Bailly aux Éditions Odile Jacob, 22,50 €.
Sources
Côté santé