A vos préservatifs !

Publié par Dr Catherine Feldman
le 16/07/2003
Maj le
5 minutes
Autre
Pas facile, ce bout de latex que les campagnes de prévention demandent de ne pas oublier d'enfiler au moment où l'on aimerait surtout ne pas y penser. Résultat, une nouvelle recrudescence du sida et autres infections sexuellement transmissibles dans certains groupes de la population. Souvent, le plus dur, ce n'est pas de le mettre mais d'en parler. Alors, parlons-en !

Chacun a de bonne raison ne pas vouloir entendre parler du préservatif ou de l'oublier au moment d'une relation sexuelle. Rappelons pourtant qu'en France, près de 150.000 personnes vivent avec le virus du sida. Parallèlement, il existe aujourd'hui une diminution de la crainte d'être contaminé et de fait, le préservatif est de moins en moins utilisé. Et comme à chaque âge, toute génération a son histoire par rapport au sida, chacun rencontre des difficultés spécifiques avec le préservatif.

Il y a la génération de ceux qui commencent leur vie sexuelle avec le préservatif et cela les effraie…

Pour les adolescents et les plus jeunes adultes qui ont été bercés par les campagnes de prévention du sida depuis leur plus jeune âge, la nécessité (théorique) de mettre un préservatif dès la première relation sexuelle ne fait aucun doute pour eux. Mais la (ou les) première(s) fois, cela n'est pas simple… et le préservatif est vite perçu comme un intrus dont ils ne savent que faire. La fille n'ose pas demander à son partenaire d'en mettre un, le garçon panique à l'idée de « débander » en le mettant et il n'ose pas encore en faire un jeu amoureux… Pour parvenir à intégrer le préservatif dès les premiers moments de la vie sexuelle, les jeunes ont en effet à apprendre à surmonter leurs réserves. De multiples campagnes d'information leur sont destinées, diverses brochures parlent sans tabou de sexualité et de préservatif*. Des numéros de téléphone leur sont aussi réservés**. A cet âge, l'éducation et surtout les explications sans tabou sont les meilleurs moyens d'aider les jeunes à être à l'aise avec le latex.

Il y a ceux qui ont toujours connu une vie sexuelle avec le préservatif et qui ont parfois envie de l'oublier …

Les moins jeunes ont connu le sida au début de l'épidémie. Ils ont appris à changer leurs pratiques sexuelles et à y intégrer le préservatif depuis 15 à 25 ans. Mais avec le temps, ils s'en lassent… et sont tentés de l'oublier. Cette tendance à délaisser le préservatif porte un nom anglo-saxon, le « relapse » (relâchement) et tend à se développer particulièrement dans certains milieux. Dans la génération des 35-44 ans, plus d'un sur quatre (27%) a eu des rapports non protégés au cours de l'année 2000 alors qu'en 1997, date de la dernière enquête menées sur ce sujet, les chiffres ne dépassaient pas les 20%. Pour cette population, rappeler sans cesse les risques de contamination est une nécessité mais cela ne suffit pas. C'est en soi qu'il faut retrouver les sources d'une motivation. On le sait, le fossé est grand entre l'information que l'on possède et le comportement que l'on adopte.

Il y a ceux qui n'ont pas connu l'épidémie dans sa période la plus inquiétante…

Les plus jeunes, n'ont, quant à eux, pas connu l'épidémie dans sa période la plus inquiétante, durant laquelle les traitements ne permettaient pas encore les améliorations spectaculaires de l'espérance de vie. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : dans une récente enquête, il s'avère que la plus forte hausse des pratiques à risque se situe chez les jeunes de moins de 25 ans : plus d'un tiers d'entre eux ont eu des rapports non protégés durant l'année 2000. Pour cette génération, le préservatif n'est pas un tabou mais celle-ci n'a pas intégré la gravité de l'infection. Une information sur les risques est encore nécessaire.

Il y a ceux qui n'ont jamais connu une sexualité avec un préservatif et qui ne savent pas comment s'y prendre…

Dans la génération des 40-50 ans, mariés, fidèles depuis des années, puis brutalement veufs(ves) ou divorcé(e)s, le préservatif fait parfois l'objet de réticences et de préjugés difficiles à combattre. Ces adultes qui ont vécu le début de leur sexualité avant les années sida, n'ont même peut être jamais mis une capote et doivent apprendre à vivre une nouvelle sexualité avec celle-ci. S'informer sur les b.a.-ba de sa bonne utilisation et lever le tabou du latex doivent devenir pour eux une priorité. Mais qu'ils se rassurent, l'excellence vient avec la pratique !

Il y a ceux qui font le choix de vivre une sexualité à risque et qui refusent le préservatif : choix suicidaire ou libertaire ?

Il se développe actuellement dans certains milieux spécifiques, notamment homosexuels masculins, une pratique dite de « bareback », dont le principe est d'abandonner intentionnellement la capote, sous couvert de la liberté sexuelle. Le « barebacking » fait partie d'un choix de sexualité extrême, où la personne prend le risque de contaminer ou d'être contaminée par son partenaire. Certains poussent même le danger jusqu'à accepter des relations sexuelles uniquement des personnes contaminées. Ce phénomène « bareback » est heureusement aussi inquiétant que minoritaire. Par sa provocation et sa dangerosité, il oblige à repenser la prévention et fait bien comprendre que les informations doivent avant tout être personnalisées.

Ce qui compte, ce n'est pas tant de dire « ce qu'il faut faire », mais que chacun puisse ouvertement s'exprimer sur « ce qu'il fait ».

Pour les jeunes qui veulent en savoir plus

  • Des brochures parlant sans tabou de sexualité et de préservatif sont consultables sur le site Internet de l'INPES www.inpes.sante.fr et du CRIPS http://www.crips.asso.fr
  • Des numéros de téléphone pour des appels anonymes sont aussi à leur disposition Sida info service 0800 840 800 Fil santé jeunes 0800 235 236 Ligne Azur Sexualité 0801 20 30 40

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