Troubles de l'érection : le Viagra, et quoi d'autre ?

Troubles de l’érection, quand s’inquiéter ?
47 % des hommes de 18 à 69 ans sexuellement actifs souffrent de problèmes d’érection (dysfonction érectile) au moins occasionnels et 7 % de façon persistante. Il n’est pas question pour les soignants de prendre en charge une plainte concernant la sexualité dès la 1ère panne ou à la 1ère difficulté. Le trouble de l’érection - voire l’impuissance- doit être avéré, avec un aspect récurent et un délai minimum de trois mois est judicieux pour proposer une prise en charge médicamenteuse (en dehors du contexte particulier des suites d’une chirurgie pour cancer pelvien-urologique notamment).
Pr François Giuliano, Neuro-Uro-Andrologie (Service de médecine Physique et Réadaptation Hopital Raymond Poincaré, Garches) : « Il ne suffit pas non plus de prendre un médicament contre les troubles de l’érection si l’on n’envisage pas le contexte dans lequel l’homme vit sa sexualité : a-t-il une partenaire, quelle est l’atmosphère au sein du couple (survenue d’un cancer du sein par exemple, deuil dans la famille, problème personnel susceptible d’impacter la psychologie de l’homme et de sa partenaire), fréquence des rapports... Tout entre en ligne de compte dans l’impuissance ».
Quels médicaments pour retrouver une sexualité épanouie ?
Avec l’arrivée de l’avanafil en 2014, la panoplie des médicaments spécifiques, (inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE5), s’est enrichie. Après le sildénafil (Viagra®) - génériqué en juin 2013 - le vardénafil (Levitra®) et le tadalafil (Cialis®), l’avanafil (Spedra®) fut le quatrième médicament contre la dysfonction érectile disponible sur le marché. Ces molécules sont dites facilitatrices et non inductrices de l’érection : il doit y avoir une stimulation sexuelle active et pas fantasmée. Elles sont les premières prescrites en cas de trouble de l’érection. D’efficacité équivalente, certaines sont prises à la demande, soit au quotidien. Non remboursés, le coût intervient pour beaucoup et le sildénafil générique est devenu le premier IPDE5 à la demande prescrit.
L’homme doit répéter les tentatives de rapport sexuel au minimum 4 fois (voire jusqu’à 8) avec la dose maximum autorisée. On gagne 30% d’efficacité entre le 1er et le 8ème comprimé ! Un certain nombre d’échecs résulte de consignes insuffisantes ou mal respectées. Mais lorsque l’efficacité attendue n’est pas au rendez-vous (chez moins d’un diabétique sur deux notamment, ou après chirurgie ou cancers urologiques) et en cas de contre-indications (association avec les dérivés nitrés donnés dans l’insuffisance cardiaque, maladies cardiaques très sévères rendant à risque l'effort physique correspondant au rapport avec pénétration, etc.), d’autres solutions existent contre l’impuissance.
Il n’y a pas que le Viagra® !
Parmi les alternatives aux comprimés, la prostaglandine E1 (PGE1) s’administre localement. Contrairement aux IPDE5, elle induit l’érection, et n’est plus « facilitatrice », (plus besoin de stimulation sexuelle). Elle existe sous forme d’injections dans les corps caverneux du pénis (qui assurent la rigidité de l’érection) dans les minutes qui précèdent le rapport. Un grand nombre d’hommes chez qui les IPDE5 ne fonctionnement pas sont satisfaits des injections intracaverneuses et retrouvent une sexualité. En cas de douleur (après chirurgie de la prostate, diabète…), il existe la papavérine (chlorhydrate de papavérine) mais cette utilisation ne respecte pas son autorisation de mise sur le marché.
Il existe d’autres formes médicamenteuses pour délivrer la prostaglandine E1, soit par injections dans l’urètre (système Muse®) ou déposé au niveau de l’entrée de l’urètre (le méat urinaire) (Vitaros®), probablement moins efficaces que les injections intracaverneuses, comme cela déjà a été montré pour Muse®.
Autre solution, les prothèses péniennes se sophistiquent (surtout les gonflables) et leur implantation a doublé en France entre 2006 et 2016. Quant au vacuum, cylindre creux qui permet l’érection en y créant une dépression, il rend des services surtout lorsqu’il est doté un anneau ventouse.
Troubles de l’érection : les solutions du futur
Dans un futur très proche, dans les troubles de l’érection arriveront les ondes de choc de basse intensité (déjà utilisées à plus grande intensité pour fragmenter les calculs urinaires ou dans des maladies articulaires comme les tendinites). Délivrées sur le corps caverneux (2 sessions hebdomadaires de 3 semaines de traitement), leur efficacité équivaut à celle des IPDE5.
Une autre piste pharmacologique particulièrement prometteuse dans l’impuissance est celle des « activateurs de la guanylate cyclase » dont une molécule de ce type est déjà enregistrée dans l’hypertension pulmonaire.
Pr François Giuliano : « A plus long terme, la solution viendra également de la thérapie cellulaire voire génique dans l’impuissance. 2015 est à marquer d’une pierre blanche car une équipe française (celle du Pr René Yiou, hôpital Henri Mondor à Créteil) a montré pour la première fois au monde l’efficacité des cellules souches (de moelle osseuse) injectées dans le tissu érectile chez l’homme après prostatectomie (ablation de la prostate). Une dizaine d’essais cliniques de thérapie cellulaire dans les troubles de l’érection sont conduits dans le monde. »
Un indice de mauvaise santé cardiovasculaire
Prendre en charge les troubles de l’érection est essentiel mais avant tout ils sont un baromètre de la santé globale et précisément de la santé cardiovasculaire de l’homme. La dysfonction érectile est un clignotant « avertisseur » d’une situation de santé pouvant engager le pronostic vital, révélateur d’un diabète ou de son aggravation. Une sexualité défaillante, une impuissance, est un indicateur de risque cardiovasculaire.
Sources
D’après un entretien avec le Pr François Giuliano, Neuro-Uro-Andrologie (Sce de médecine Physique et Réadaptation Hôpital Raymond Poincaré, Garches) suite à son intervention au congrès de l’Association Française d’Urologie 2015 (Paris)