TDI : quand le traumatisme infantile fragmente la mémoire et le soi
Longtemps stigmatisé par la culture populaire et le cinéma sous l'ancienne appellation de trouble de la personnalité multiple, le trouble dissociatif de l'identité (TDI) correspond pourtant à une réalité clinique bien définie. Il ne s'agit pas d'un caprice de l'esprit, mais d'une fragmentation de l'identité touchant environ 1 à 1,5% de la population, une prévalence comparable à d'autres troubles psychiatriques majeurs. Cette pathologie se caractérise par la coexistence de plusieurs états de personnalité distincts, souvent nommés « alters » ou parties dissociatives, qui prennent tour à tour le contrôle du comportement. Contrairement aux idées reçues, ces états ne sont pas des personnes différentes habitant un même corps, mais des facettes d'un même individu qui n'ont pas pu s'unifier durant le développement.
TDI : définir la fragmentation de l'identité
Pour poser un diagnostic précis, les spécialistes s'appuient sur les critères du DSM-5 qui mettent en lumière le trouble dissociatif de l'identité et ses symptômes spécifiques. Le signe le plus révélateur demeure une forme particulière de perte de mémoire : l'amnésie dissociative asymétrique. Ce phénomène implique que ce qu'une identité sait ou a vécu peut être totalement inconnu d'une autre partie du soi. Ces lacunes mnésiques concernent des événements quotidiens, des informations personnelles importantes ou des traumatismes passés, et ne peuvent s'expliquer par un simple oubli ordinaire. Le patient vit alors des discontinuités dans sa parole, ses affects et ses actions, souvent conscientes de cette « bizarrerie » angoissante, ce qui le distingue nettement des troubles psychotiques.
L'origine traumatique : un mécanisme de survie
L'apparition de ce trouble est intrinsèquement liée à l'histoire de vie du patient. L'analyse des TDI, de leurs causes et du traumatisme dans l'enfance montre que la grande majorité des personnes concernées ont subi des violences sévères, répétées ou une négligence extrême avant l'âge de 7 à 9 ans. Durant cette période critique où l'identité se consolide normalement, l'enfant confronté à une menace écrasante sans échappatoire possible utilise le mécanisme de défense de la dissociation face au trauma. Son esprit se « déconnecte » de l'expérience insupportable pour survivre, créant des barrières amnésiques entre les différentes parties de son vécu. Ce clivage, salutaire sur l'instant, empêche l'intégration des souvenirs et des émotions en une histoire autobiographique cohérente.
Diagnostiquer et traiter pour retrouver l'unité
Le parcours de soins commence souvent par une clarification nécessaire, notamment pour faire la différence entre le TDI et la schizophrénie. Bien que les patients puissent entendre des voix (celles des différentes parties), ils conservent un contact avec la réalité, contrairement à la psychose. Une fois le diagnostic posé à l'aide d'outils standardisés, le traitement du TDI vise l'intégration des identités ou, à défaut, une coopération harmonieuse entre elles. La psychothérapie, qu'elle soit d'inspiration analytique, cognitivo-comportementale ou utilisant l'EMDR, reste la pierre angulaire de la prise en charge. Si aucun médicament ne soigne le trouble en lui-même, les traitements pharmacologiques peuvent soulager les comorbidités comme la dépression ou l'anxiété, facilitant ainsi ce long travail de reconstruction vers un soi unifié.