Objets connectés santé : amis… ou ennemis ?

le 25/01/2017
Maj le
6 minutes
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Les objets connectés sont devenus nos meilleurs amis pour contrôler notre forme et notre santé avec simplicité, tout en nous amusant. Si ses atouts sont indéniables et unanimement reconnus dans le monde de la Santé, le quantified self pose aussi le problème des données de santé, et plus largement, du droit des patients. Des spécialistes nous donnent leur avis.

Objets connectés santé : un enjeu économique majeur

Au-delà de leur intérêt pour le maintien de la forme et la prévention santé, l’enjeu des capteurs utilisés en quantified self est colossal sur le plan économique, traduisant un véritable bouleversement sociétal : ces capteurs se chiffreront à 75 milliards à l’horizon 2020 (source : Morgan Stanley, 2013) à travers le monde, et 2 milliards d’objets connectés, - quels que soient leurs domaines d’applications, –, seront vendus en France d’ici là (source : Sanofi, le LabSanté)…

Objets connectés santé : une transformation sociétale

Emmanuel Gadenne, auteur du Guide pratique du Quantified Self, donne cette définition dans son introduction : « le quantified self regroupe de façon générique les outils, principes et méthodes permettant à chacun d’entre nous de mieux nous connaître, de mesurer des données relatives à notre corps, à notre santé, à notre état général ou aux objectifs que nous nous fixons ».

Le mouvement de la quantification de soi a émergé autour des années 2007–2008 mais ses prémisses sont apparus en 2003 sur Internet avec les forums de patients permettant d’échanger conseils et bonnes pratiques entre internautes en zappant les professionnels de santé. Heureusement, ceux-ci ont su préserver leur place de prescripteurs en santé auprès des utilisateurs, et s’approprier à leur tour cette évolution inéluctable dans leur pratique de la médecine. La santé connectée se pose désormais en véritable partenaire de la médecine classique.

Santé connectée : en complément des thérapies classiques

L’émergence des objets connectés dans l’univers de la santé s’est révélée comme une solution alternative pour patients et médecins dans la prévention et le traitement des maladies.

Paul Louis Belletante , Président de Betterise Health Tech, une start-up e-santé spécialisée dans les accompagnements thérapeutiques digitaux : « Il faut considérer la santé connectée comme une thérapie digitale en complément de la thérapie chimique. On ne peut se passer des deux désormais. »

Que ce soit pour surveiller la grossesse, soigner son diabète, traiter son cancer, prévenir ses risques cardiovasculaires, et tant d’autres, la e-santé offre au patient une solution très intégrée dans la vie de tous les jours, tout simplement pour mieux vivre.

Objets connectés : le patient acteur de sa santé

L’utilisation d’objets connectés en santé et en bien-être permet aux patients de mieux comprendre leurs symptômes, et donc les traitements qui vont suivre. Ils s’engagent ainsi dans une meilleure observance du traitement pour plus d’efficacité, avec une confiance accrue dans leur médecin et autres coaches « sur mesure ».

Ghislain Quai, de V@SI, qui propose des solutions connectées aux patients malades chroniques, ou handicapés, ou pour accompagner le vieillissement :« Nous travaillons avec la prescription médicale : nous plaçons l’élément humain au cœur du dispositif via la visioconférence. Cela nous permet d’analyser les données de santé des patients, de les sécuriser, et aussi d’aider les personnels de santé à accompagner les patients pour l’observance des traitements et pour optimiser leur efficacité. »

Ici, la E-santé devient une solution pour redonner une autonomie aux patients, pour qu’ils puissent s’occuper eux-mêmes pour une grande part, de leur santé.

Quantified self : dur dur de rester motivé !

  • Fournir une réponse utile et compréhensible à l’utilisateur

Utiliser les objets connectés à chaque pas et à chaque instant de la vie courante, c’est à la fois un challenge amusant, et une contrainte qui peut vite se terminer en servitude stérile si l’on n’aide pas la personne à comprendre à quoi servent ces mesures.

Pr Xavier Bigard, professeur agrégé du Val de Grâce et président de la société française de médecine, de l’exercice et du sport (SFMES) :

« Après 6 mois d’utilisation, un tiers des utilisateurs délaissent leurs trackers d’activité ! Donc ils ne modifient en rien leurs comportements. Donc l’intérêt des objets connectés, cela va être aussi ce sont les informations à leur donner en retour pour qu’ils adhèrent au dispositif ! Et pour les accompagner, il faut impliquer des psychologues et des sociologues, et pas seulement les médecins. »

En conclusion, l’information donnée en retour aux personnes via leurs objets connectés doit être très efficace pour être accompagnée d’effets. Pr Bigard : « Il faut donc aller plus loin que les simples données. Il faut déjà dire « bravo ! » aux gens pour les encourager à continuer, et il faut leur expliquer les bienfaits directs sur la santé des efforts qu’ils fournissent et des résultats qui apparaissent sur leurs constantes vitales. »

  • Et fournir une réponse simple et accessible à l’utilisateur

A cela, ajoutons que l’axe principal pour des objets connectés doit être la Simplicité. Toujours se poser la question pour un fabriquant : les objets connectés collectent beaucoup d’informations mais comment peut-on obtenir cette information ? Choisir la simplicité, c’est utiliser un environnement familier à l’utilisateur, à savoir une appli complémentaire à l’objet connecté sur le smartphone. Pr Xavier Bigard : « La solution évidente est de coupler la simplicité d’utilisation à la simplicité de l’accès à l’information. »

Quantified self : une connaissance de soi qui peut être anxiogène

Mais face à l’émergence de ce flot de connaissances sur soi et sur son organisme, pressenti désormais comme un paramètre incontournable de notre mieux-être, on en souligne dans le même temps ses effets pervers : accéder à ses données peut s’avérer anxiogène pour beaucoup et faire grimper en flèche la traque angoissante de la moindre petite variation ou anomalie physiologique… Laisser le grand public s’informer sur son état, oui, mais dans le cadre d’un suivi médical ou psychologique.

Le Professeur Gérard Saillant, Président de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, rappelle le rôle primordial que doit continuer à jouer le professionnel de santé auprès du patient dans le dispositif de la santé connectée : « La famille médicale et para médicale a un rôle important : un rôle de médiateur entre le malade potentiel ou le malade patenté avec son objet connecté. C’est-à-dire qu’on doit être le médiateur entre lui et son objet connect, ou à travers internet. Ne pas le laisser seul. »

Quantified self : des données de santé à protéger

Mais attention : la santé connectée pose aussi le problème de la protection des données de santé, qui circulent massivement d’un support connecté à l’autre. Isabelle Landreau, Avocat au Barreau de Paris, exprime les limites du quantified self :

« Les objets connectés dans le domaine de la santé vont révolutionner notre approche de la santé avec l'arrivée massive de données prédictives. L'individu est au coeur de cette évolution où il devient "objet" lui -même. Nous devons veiller à ce que l'humain connecté par des objets l'aidant dans sa vie physique, mentale, psychique, affective ne cesse pas d'être un sujet de droit ! Pour cela, il faut veiller d'une part à la sécurisation des données afin d'éviter une manipulation à distance de ces données et une marchandisation par le secteur privé qui s'annonce inéluctable, et d'autre part au respect des données à caractère personnel. L'avenir est entre nos mains et les associations ont un rôle important à jouer pour la défense de ces droits. »

Sources

Professeur Gérard Saillant, Président de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière ; Pr Xavier Bigard, professeur agrégé du Val de Grâce et président de la société française de médecine, de l’exercice et du sport (SFMES) ; Paul Louis Belletante , Président de Betterise Health Tech ; Isabelle Landreau, Avocat au Barreau de Paris ; Ghislain Quai, de V@SI; Emmanuel Gadenne , auteur du « Guide pratique du Quantified Self », éditions FYP

Biarritz Sport Santé, colloque du 16 décembre 2016 : « L’activité physique et les objets connectés, une nouvelle approche médicale du bien-être et de la santé « 

Ihealthlabs Europe ; Fitbit : https://www.fitbit.com/fr/whyfitbit? ; http://www.automesure.com/library/pdf/VM-Objets-Connectes.pdf ; World Health Organization ; Morgan Stanley, 2013 ; Sanofi, le LabSanté

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