Maternité : voici comment le cerveau de la femme s’adapte

Comment le cerveau d’une femme réagit-il à l’expérience de la maternité ? C’est ce qu’ont tenté de comprendre des chercheurs espagnols. Leur méta-analyse a été publiée dans la revue scientifique Nature Reviews Neuroscience le 23 août 2023.
Maternité : des mécanismes d’adaptation neurobiologiques se mettent en place
Ces scientifiques, issus de l’Université autonome de Barcelone, de l’Institut de recherche en santé Gregorio Marañón et de l’Institut de recherche de l’hôpital del Mar, ont analysé la littérature scientifique sur les mécanismes d’adaptation neurobiologiques (ou plasticité cérébrale) qui se mettent en place chez les femmes pendant la grossesse et après l’accouchement. C’est la première méta-analyse sur le sujet.
Plus précisément, les chercheurs ont passé en revue 174 études portant sur l’analyse des connexions entre trois éléments fondamentaux : les changements dans la structure du cerveau, l’évolution hormonale et le comportement maternel. Ils constatent que toutes les informations disponibles mettent en évidence le rôle de la fluctuation hormonale - essentiellement des oestrogènes - dans la plasticité du cerveau liée à la grossesse et à la période post-partum.
Les auteurs de l’étude parue dans Nature Reviews Neuroscience indiquent cependant que davantage de recherche sur les types de plasticité (qui impliquent des changements dans le fonctionnement de cellules cérébrales, dans leur structure et dans leur connectivité) est nécessaire pour mieux comprendre les mécanismes à l'œuvre dans la transition vers la maternité, mais aussi les comportements maternels.
Grossesse : des changements dans la morphologie du cerveau
Ces chercheurs espagnols ont été les premiers à démontrer, en 2017, que la grossesse induit des changements dans la morphologie du cerveau chez les femmes qui l'expérimentent pour la première fois. Le volume de la matière grise dans les zones cérébrales impliquées dans les relations sociales est réduit, et ces changements se maintiennent pendant au moins deux ans après l’accouchement. Depuis, la science a montré que la matière grise change de volume suivant les différents stades de la maternité et que cela est toujours accompagné de fluctuations hormonales extrêmes.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs expliquent que les oestrogènes sont ce qui induit le plus de changement dans le cerveau. Ils affirment ensuite que le circuit cérébral associé à la cognition sociale (dont le cortex frontal médial et le précuneus) est la zone où ces changements opèrent. Enfin, les scientifiques montrent qu’il y a des changements psychologiques (à savoir des processus cognitifs et émotionnels nécessaires au développement de la relation mère-enfant) suivant les différents stades de la grossesse et de la période post-partum.
Maternité : des changements cérébraux, hormonaux et psychologiques
Les changements qui interviennent à la maternité sont donc de trois ordres : cérébral, hormonal et psychologique. Le but de cette étude est de fournir des éléments de compréhension quant aux changements comportementaux liés à la maternité afin de mieux prendre en charge les femmes concernées. D’après ses auteurs, il est peu probable que les changements majeurs dans la matière grise soient exclusivement dus à la plasticité. Chez les rats, par exemple, la recherche a montré que les fluctuations hormonales, surtout à la fin de la gestation, affectent la plasticité des neurones et de la microglie.
Les scientifiques espagnols affirment en outre que d’autres études sont nécessaires sur la façon dont les hormones sexuelles, particulièrement les oestrogènes, entraînent des changements d’ordre structurel et comportemental. D’après eux, il est très probable que ces modifications soient le résultat d’un échange complexe de stéroïdes et de peptides hormonales. Ils indiquent que des études doivent être menées sur un plus grand nombre d’hormones et de métabolites, en accordant une attention particulière à l'ocytocine et à la prolactine.
Mieux comprendre les modifications comportementales de la grossesse et du post-partum
Enfin, il est selon eux essentiel d’identifier les mécanismes psychologiques à l'œuvre dans les changements cérébraux à l’origine des modifications comportementales durant la grossesse et la période post-partum. Chez les rats, les changements moléculaires et morphologiques sont accompagnés de l’émergence d’un comportement maternel, mais cela ne s'osberve pas de manière aussi nette chez les humains. De plus, chez les humains, il existe moins de liens entre les changements neuroanatomiques et ceux du comportement maternel.
Que faire pour mieux appréhender les mécanismes à l'œuvre dans les changements dus à la maternité ? Selon les auteurs de cette étude, il faut améliorer la méthodologie des études basées sur des IRM et sur des questionnaires. Cela devrait permettre de mieux comprendre le lien entre les changements cérébraux et les différents composants du comportement maternel. Tout cela, bien sûr, en gardant à l’esprit que des facteurs extérieurs et d’ordre social peuvent également influencer les comportements, comme l’accès aux soins.