Ma cuisine est-elle vraiment propre ?

Publié par Laura Houeix
le 28/10/2013
Maj le
7 minutes
section médiane du concierge de nettoyage de comptoir de cuisine avec un flacon pulvérisateur de détergent et une éponge
Istock
Sans que vous vous en doutiez, votre cuisine est le lieu favori des bactéries et virus en tout genre. Du frigo au plan de travail, elles s’immiscent partout et sont la première cause des intoxications alimentaires et de maladies parfois plus graves. Face à elles, un seul mot d’ordre : l’hygiène.

Bactéries et virus en cuisine

36 % des foyers de toxi-infections d’origine alimentaire déclarés en France surviennent dans le cadre familial.

Bactéries, virus, parasites, de nombreux micro-organismes sont susceptibles de contaminer les aliments stockés dans nos cuisines et d’engendrer diverses pathologies.

Leurs lieux de prédilection : les zones ou objets humides, éponges, torchons, évier, poubelle, bac à légumes du réfrigérateur...

 

On a parfois l’impression de nettoyer assez notre cuisine, et pourtant, nous n’avons pas toujours les bons gestes pour nous préserver de ces indésirables.

 

Intoxications alimentaires en baisse

Même si les mesures mises en œuvre par les autorités de santé et les professionnels ont permis une diminution importante des principales toxi-infections alimentaires, de récents épisodes de contamination en Europe appellent à rester vigilants vis-à-vis des risques microbiologiques.

En 2009, 1 255 foyers de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) ont été déclarés en France, affectant environ 14 000 personnes.

Cette année, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) lance une enquête sur les pratiques des foyers français afin de mieux évaluer notre hygiène en cuisine et de pouvoir lancer des campagnes de sensibilisation.

« Il existe très peu de données en France sur ce point. Jusqu’à présent, c’était un sujet auquel les pays anglo-saxons se sont davantage intéressés. La préparation des repas étant très étroitement liée à des facteurs historiques, culturels et à des pratiques nationales, les résultats obtenus à l’étranger ne sont pas forcément intégralement transposables », précise Brigitte Carpentier, chef adjointe de l’unité maîtrise de l’hygiène à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses).

Un constat qui ne date pas d’aujourd’hui

Résultats inquiétants sur l'hygiène domestique

En juin 2002, lors des 3e Journées Nationales d’Infectiologie, une équipe de chercheurs français avait déjà présenté des résultats inquiétants sur l’hygiène domestique. Deux groupes d’une quarantaine de familles avaient été testés à leur domicile : des techniciens du laboratoire et des familles défavorisées. Les pratiques courantes d’hygiène domestique en cuisine ont été observées (méthodes, matériels et produits employés) et notamment au niveau du plan de travail. Les auteurs ont recherché la présence d’indicateurs microbiens de contamination, indice de l’efficacité du nettoyage après la préparation des repas.

Sur les 25 cuisines, les résultats montraient que le nettoyage se faisait à l’éponge dans 74 % des cas et que celle-ci était changée tous les mois chez 62 % des familles. Peu de détergents et encore moins de désinfectants étaient employés.

Quant au réfrigérateur, il était nettoyé, mais peu régulièrement.

 

Conclusion des chercheurs à l’époque : des pratiques qui favorisent une prolifération bactérienne et donc une contamination des aliments. Pourtant, les choses n’ont guère évolué.

 

Mais qui sont ces intrus ?

Tous les micro-organismes, bactéries, virus ou parasites, susceptibles d’être dans les aliments peuvent se retrouver dans une cuisine.

On rencontre ainsi des bactéries dites ubiquitaires, que l’on retrouve dans de nombreux endroits (sols, aliments, surfaces,..), et qui peuvent provoquer une toxi-infection comme le Bacillus cereus.

Il existe également des bactéries présentes en permanence sur nous (mains, cheveux, corps), qui se retrouvent facilement par simple contact sur les surfaces de la cuisine, comme le Staphylococcus aureus.

Brigitte Carpentier nous rassure tout de même : « Seules les bactéries peuvent se multiplier en dehors de leur hôte (contrairement aux virus) mais uniquement lorsqu’elles ont de l’eau et des nutriments à leur disposition et que la température permet leur croissance. »

Zone froide, zone protégée

« Dans une étude des surfaces internes de réfrigérateurs domestiques, nous avons constaté que les plus fortes quantités de bactéries sont trouvées en présence de souillures visibles et de condensation d’eau », poursuit notre spécialiste.

« Heureusement, quand la température du réfrigérateur est bien réglée, c’est-à-dire entre 0 et 4°C dans la zone la plus froide, la majorité des bactéries susceptibles de provoquer des toxi-infections sont incapables de se multiplier. Quelques bactéries comme Listeria monocytogenes se multiplient au froid, mais heureusement très lentement !», conclut Brigitte Carpentier.

Et puis, toutes les bactéries qui nous entourent ne sont pas nocives et leur présence est aussi indispensable au bon fonctionnement de notre tube digestif. Pour exemple, les yaourts, fromages et saucissons sont des aliments fermentés et les ferments sont des microorganismes (bactéries, levures).

Inutile donc d’opérer une désinfection en règle de la cuisine avant chaque repas !

De l’intoxication alimentaire et pire

Troubles digestifs bénins

Dans la majorité des cas, la prolifération de ces bactéries occasionne surtout des troubles digestifs bénins se traduisant souvent par des diarrhées ou des vomissements. Une consultation chez le médecin généraliste suivi d’un traitement adapté peut alors résoudre le problème.

Intoxications alimentaires

Mais des intoxications nettement plus graves peuvent survenir notamment lorsqu’elles sont provoquées par des E. Coli entéro-hémorragiques ou des Listeria et entraîner des hospitalisations parfois longues, sans que la cause précise de la maladie puisse être nettement identifiée.

« Lorsque l’on cherche à connaître la cause d’une toxi-infection alimentaire, on recherche l’agent responsable dans les restes d’aliments consommés par les malades, explique Brigitte Carpentier. On ne trouve pas toujours l’aliment responsable mais dans ce cas il est difficile de déterminer si la bactérie responsable vient de l’éponge, du réfrigérateur ou d’ailleurs. »

 

Une chose est sûre, certains gestes simples d’hygiène peuvent souvent prévenir ces infections.

 

Un frigo sans reproche

Pour éviter la prolifération de ces intrus quelques gestes, parfois oubliés, sont à pratiquer quotidiennement :

  • Le premier et pas des moindres : le lavage des mains. Après chaque opération salissante, avant, pendant et après la préparation des repas. Le geste est simple, de l’eau, du savon et l’on frictionne jusqu’au poignet.

Côté frigo :

  • Il convient de maintenir les aliments au froid et pour cela vérifier que le réfrigérateur est à la bonne température, soit entre 0 et 4°C.
  • Il faut penser à protéger les produits déjà ouverts dans des boîtes plastiques ou couvrir avec du papier cellophane et à consommer dans le délai indiqué sur l’emballage ou dans les trois jours si rien n’est indiqué.
  • Régulièrement, procédez au grand nettoyage de printemps du frigo, avec de l’eau et un détergent. Un passage à l’eau de Javel diluée n’est recommandé après nettoyage que si les surfaces étaient très sales.
  • Utilisez les différents compartiments afin de ne pas mélanger les aliments crus en provenance de l’extérieur avec des aliments cuits prêts à être consommés.

Attention, zones sensibles !

Les lavettes de nettoyage et les éponges sont particulièrement exposées, car elles peuvent être contaminées par différents microorganismes (Salmonella, Listeria, Staphylococcus...) qui vont y trouver un milieu favorable à leur développement. En effet, ces accessoires restent souvent humides et hébergent des résidus alimentaires, la table est mise pour les intrus !

Utilisés ensuite pour nettoyer le plan de travail en contact avec les aliments, ils contribueront à propager la contamination.

« Pour l’éponge, il faut penser à la nettoyer souvent et à la désinfecter sinon, cela revient à étaler les bactéries sur le plan de travail. Mieux vaut également ne pas poser les aliments prêts à être consommés directement sur des surfaces nettoyées à l’éponge », précise Brigitte Carpentier.

Quant aux surfaces, il faut les nettoyer entre chaque manipulation d’aliments crus et cuits. Les éponges, les torchons, la poubelle sont de véritables transmetteurs de bactéries. Le nettoyage ou le changement régulier de ces éléments doit donc être effectué avec soin afin d’éviter la contamination des aliments.

Des aliments à garder à l’œil

Parmi les aliments qui se lient le plus facilement d’amitié avec les germes et bactéries en tout genre : les viandes, les poissons et la mayonnaise.

Les viandes

Le risque infectieux est tout particulièrement élevé avec la viande hachée. Le fait qu’elle soit hachée permet aux microbes de se trouver au cœur du steak alors que sur une viande non hachée les bactéries restent en surface.

Rien n’empêche donc de manger un rôti saignant, en revanche, il est recommandé de manger les steaks hachés rapidement après l’achat et de bien les cuire, cette recommandation est primordiale pour les enfants de moins de 5 ans.

La mayonnaise

Elle est aussi un produit « à risque ». À tel point que les collectivités interdisent la préparation de mayonnaise à partir d’œufs en coquille et utilisent désormais des préparations industrielles offrant plus de sécurité. En effet, comme l’indique le docteur Frédéric Saldmann, auteur du livre On s’en lave les mains - tout connaître des nouvelles règles d’hygiène, la mayonnaise constitue un « excellent bouillon de culture ». Il est donc fortement conseillé de la consommer rapidement, et, la salmonelle étant incapable de se multiplier au-dessous de 5°C, de la conserver dans un frigo à bonne température.

Hygiène en cuisine : en savoir plus

Je surfe sur ...

  • www.anses.fr. Toutes les actualités, www.mangerbouger.fr, pour une révision des bons gestes.
  • www.e-bug.eu : des outils pédagogiques (site Internet et livrets) pour les enfants ont été créés par le consortium européen E.bug sur les règles d’hygiène en général.

Je bouquine…

  • On s’en lave les mains - tout connaître des nouvelles règles d’hygiène, du docteur Frédéric Saldmann, Éditions Flammarion, 2007.

Sources

Magazine Côté Santé n°80 d'octobre 2013

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