Les troubles du langage chez l'enfant, une priorité de santé publique

Les troubles du langage oral et écrit, reconnus comme étant une des causes de l'illettrisme, nécessitent d'être diagnostiqués et pris en charge le plus tôt possible. On estime aujourd'hui qu'environ 4 à 5% des enfants d'une classe d'âge présentent des troubles du langage oral ou écrit, dont 1% sont sévèrement touchés. Le 21 mars dernier, trois Ministères, ceux de l'Education, de la Santé et des Handicapés, ont présenté un plan d'action triennal, comportant 28 mesures destinées à prévenir les troubles du langage dès l'école maternelle, à mieux les dépister et à organiser le suivi des enfants.
La dysphasie, un trouble grave du langage
Les troubles du langage oral, qui peuvent prendre de multiples formes, se manifestent par des difficultés d'organisation et de contrôle des productions verbales, rendant difficile le suivi du cours de la pensée de l'enfant et donc la possibilité de communication avec lui. On note également des difficultés d'interprétation des informations, sans toutefois de véritable défaut de compréhension. Il peut s'agir de simples troubles de l'articulation, de la phonation ou d'un retard de langage que l'on rencontre chez un nombre non négligeable d'enfants.La dysphasie est plus grave car elle affecte le développement même du langage, sans toutefois constituer un retard intellectuel. Il s'agit d'une maladie probablement liée à une lésion des centres du langage dans le cerveau, mais la cause exacte n'est pas connue. Elle touche 1% des enfants en âge d'être scolarisés, les garçons plus souvent que les filles. Le langage de l'enfant dysphasique ne se développe pas normalement, ce déficit se manifestant de façon plus ou moins importante et sous des formes diverses : paroles indistinctes, expression télégraphique ou par mots isolés, troubles de la syntaxe, trouble de la prononciation, manque du mot, compréhension partielle du langage oral, etc.De nombreux signes d'alerte peuvent amener les parents à s'inquiéter à propos d'un retard de langage :o l'enfant est silencieux au cours de sa première année de vie et a peu d'activités d'échanges ; o à 18 mois, il ne dit pas de mots ayant une signification (papa, maman, donne ...) ; o à 24 mois, il ne dit pas de phrases significatives de quelques mots et ne pose pas de questions ; o à 3 ans, son discours est inintelligible et seuls les membres de sa famille le comprennent. Ces troubles auront évidemment un retentissement sur les apprentissages scolaires et entraîneront des difficultés pour l'apprentissage du langage écrit. Quoi qu'il en soit, il est inutile de s'inquiéter avant l'âge de 3 ans, car il est difficile avant cet âge de faire la différence entre un enfant simplement paresseux et un enfant ayant un réel problème. La distinction entre retard simple de langage et dysphasie ne se fait généralement que vers l'âge de 4 ans, à l'école maternelle.
La dyslexie, un trouble spécifique de l'apprentissage de la lecture
Elle atteint 5 à 10% des enfants d'âge scolaire et se manifeste par des difficultés en lecture et en orthographe, pouvant se révéler dès le cours préparatoire. C'est pourquoi un dépistage précoce, avant l'entrée en C.P. et une rééducation adaptée doivent permettre à l'enfant de poursuivre une scolarité normale.L'enfant dyslexique est normalement intelligent, ne souffre d'aucun déficit sensoriel, visuel ou auditif. Il se révèle cependant incapable d'acquérir les techniques du langage permettant d'apprendre à lire et à écrire. Ce trouble est attribué à un défaut de maturation de certaines zones du cerveau, vraisemblablement d'origine génétique. Aujourd'hui, il n'est donc plus question de cause d'origine psychologique.La dyslexie est caractérisée par des erreurs dans l'enchaînement des graphies ou dans la transcription graphique des phonèmes. L'enfant confond certaines lettres de formes voisines ou phonétiquement proches. Il inverse l'ordre des lettres, des syllabes ou des mots, peut ajouter certains sons ou au contraire en supprimer. De ce fait, la lecture devient hésitante et incompréhensible. En revanche, l'enfant a généralement de bonnes aptitudes en mathématiques, traduisant une intelligence tout à fait normale.
La prise en charge orthophonique apporte de multiples bénéfices
Un diagnostic précoce associé à une prise en charge adéquate sont des facteurs de réussite dans la récupération des fonctions du langage, qu'il soit oral ou écrit. Le but de la rééducation orthophonique est de restaurer un fonctionnement normal ou de permettre à l'enfant d'acquérir des mécanismes de compensation lui permettant d'évoluer. La participation des parents est essentielle car il leur reviendra de stimuler le langage de leur enfant, de l'écouter et d'adapter leur discours au sien.S'il s'agit d'un trouble du langage oral, l'orthophoniste fait pratiquer des exercices visant à améliorer le schéma corporel et la coordination motrice, la mémoire et l'attention. Au cours de chaque exercice, l'orthophoniste énonce clairement ce qui se passe et fournit ainsi un modèle linguistique adapté au niveau de langage de l'enfant. De plus, un programme de rééducation linguistique est instauré afin d'enrichir le vocabulaire et d'améliorer la parole. Un enfant dysphasique devra bénéficier d'une prise en charge multidisciplinaire (orthophonie, psychomotricité, soutien psychologique), précoce et intensive.En cas de dyslexie, l'objectif sera de rétablir un niveau de lecture et d'écriture adéquat et d'aider l'enfant à prendre confiance en ses capacités d'apprentissage. La rééducation sera alors adaptée à la personnalité et aux types de difficultés de l'enfant.Au total, la rééducation orthophonique va notamment permettre à l'enfant de retrouver une image positive de lui-même, de prévenir l'échec scolaire et son cortège de conséquences pouvant conduire à l'inadaptation sociale.
Le plan d'action gouvernemental
Les pouvoirs publics reconnaissent enfin que les troubles du langage de l'enfant constituent un problème de santé publique auquel il convient de remédier en y apportant les moyens nécessaires, qu'il s'agisse de solutions médicales ou de mesures relevant de l'Education Nationale. Prévention, diagnostic, prise en charge, information et formation, tels sont les principaux points du plan d'action gouvernemental récemment mis en place. Les instituteurs, sont tenus de repérer les signes d'alerte de façon à pouvoir orienter rapidement les enfants vers une prise en charge médicale. A compter d'aujourd'hui, le bilan de santé obligatoire effectué à l'âge de 6 ans comportera la recherche de troubles du langage. Des réseaux de prise en charge vont se mettre en place, associant des médecins, orthophonistes, psychologues, psychomotriciens ... Des centres référents vont être créés dans les centres hospitaliers universitaires, constituant des pôles spécialisés, à la fois centres de diagnostic et centres de formation des différents intervenants. Ce plan d'action prévoit également d'améliorer la formation initiale et continue des enseignants et des médecins. Le but est de permettre aux enfants concernés de pouvoir poursuivre, dans toute la mesure du possible, une scolarité normale. Seuls les cas les plus complexes intégreront des classes spécialisées. Par ailleurs, les instances médicales de la Sécurité Sociale vont étudier le moyen d'inscrire les troubles sévères du langage sur la liste des affections de longue durée.
Sources
Le langage de l'enfant, aspects normaux et pathologiques. C. Chevrie-Muller. Masson, 1999. Le Généraliste, N° 2105, 30 mars 2001.