Les patients experts se prennent en main

Publié par Nathalie Giraud
le 15/09/2015
Maj le
5 minutes
séduisante jeune femme assise détendue à la maison
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Le patient devient un expert de sa santé. Les programmes d’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) sont un nouveau pas de plus vers une meilleure connaissance de sa maladie, des traitements, des thérapies alternatives et à la clé, une amélioration de la qualité de vie. Et cela concerne toutes les personnes atteintes d’une affection de longue durée, soit 30 pathologies. Explications. 

Les programmes d'Éducation Thérapeutique du Patient

L’Éducation Thérapeutique du Patient, baptisée aussi « programme ET P », fait partie d’un rapport de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) qui date de 1996. Ces programmes pluridisciplinaires, qui apprennent aux patients à gérer leur maladie pour réduire les symptômes, ont été longs à mettre en place mais aujourd’hui, validés par la Haute Autorité de Santé en France (HAS), ils sont de plus en plus nombreux à encadrer des personnes qui souhaitent améliorer leurs conditions de vie et prendre leur santé en main, jusqu’à devenir des experts qui en savent aussi long que le médecin ou presque. D’après Anne-Françoise Pauchet-Traversat, chef de projet du service Maladies Chroniques et Dispositif d’accompagnement des malades à la HAS : « Plus de 3 600 programmes environ ont été mis en place depuis 2011, et deux tiers de ces programmes vont être renouvelés. Les résultats sont très positifs concernant l’amélioration de la qualité de vie des patients, et aussi la diminution du recours aux urgences car les malades connaissent mieux leurs symptômes, savent gérer les crises et donc, agissent en prévention. » Mode d’emploi pour bénéficier d’une éducation thérapeutique…

Que promet ce suivi éducatif ?

Selon l’état et les besoins du patient, le programme dure entre trois mois et un an, et s’articule autour d’une équipe pluridisciplinaire (nutrition, hygiène, activités physiques, psychologie…) pour améliorer les différents symptômes (fatigue, soins du quotidien, vie affective, sexuelle, sociale, professionnelle…). Le patient apprend à mieux connaître sa maladie et son évolution grâce à des ateliers partagés avec d’autres patients. Comme ces affections chroniques sont souvent ponctuées de crises, le patient apprend à gérer ses poussées aigues, ses douleurs ou ses migraines. Cela implique notamment un meilleur usage des médicaments, par une diminution des quantités par exemple. Les thérapies complémentaires ou alternatives peuvent aussi entrer en jeu car certaines enseignent la gestion de la douleur (sophrologie, méditation de pleine conscience…). En demandant du temps, ces programmes font en outre évoluer la relation médecin-patient, instaurant un meilleur climat d’écoute et de confiance. Les patients qui se sentent une âme de thérapeute peuvent également devenir patient-ressource et prendre place dans le dispositif en animant des ateliers. Ils peuvent aussi pousser plus loin en passant le diplôme universitaire de « Praticien en éducation thérapeutique » à l’Université des Patients Pierre et Marie Curie, créé par le professeur Catherine Tourette-Turgis à Paris.

Qui est concerné par l’ETP ?

D’après les derniers chiffres de l’Assurance Maladie qui datent de fin 2013, 9,7 millions de français sont touchés par une Affection de Longue Durée (ALD). Trente pathologies* sont concernées, et toutes les personnes qui en sont atteintes ont potentiellement le droit de bénéficier d’un programme d’éducation thérapeutique pris en charge par la Sécurité sociale. Même les enfants, à partir du moment où ils savent lire et écrire, peuvent y participer à partir de six ou sept ans environ. En revanche, ce peut être délicat pour certains patients de se sentir prêts à s’engager. Il faut parfois du temps avant de passer à l’action. En outre, si la qualité des soins pluridisciplinaires donne d’excellents résultats, l’ETP est loin d’être une pratique généralisée. C’est un engagement qui n’est pas du goût de tout le monde : plusieurs facteurs peuvent freiner comme les démarches administratives demandées par les Agences Régionales de Santé (ARS) qui donnent les autorisations. Certains médecins, comme Théo Combes du SNJMG (Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes) se sentent exclus par le dispositif centré principalement dans les hôpitaux : « Nous souhaiterions une meilleure organisation et pouvoir valider nous-mêmes les programmes sans passer par les agences régionales de santé. De plus, le système actuel ne nous pousse pas à prendre plus de temps avec les patients, ce que demande l’ETP. Pourtant, c’est certainement un système plein d’avenir. »

Où peut-on demander à faire un programme ETP ?

Si les trois quarts des programmes ETP sont effectués par les hôpitaux, ce ne sont pas les seuls lieux d’accueil. De nombreux médecins généralistes peuvent y répondre, notamment dans le cadre du projet « Asalée » (Action de santé libérale en équipe) et qui concerne par exemple le diabète, l’hypertension artérielle et les troubles cognitifs. Il faut savoir que le diabète, qui est devenu l’affection de longue durée la plus importante avec 3,4 millions de français atteints, est très bien encadré en ETP afin de réduire les complications chroniques et améliorer l’équilibre du diabète. Pour les autres affections, les médecins ou même les kinésithérapeutes et les nutritionnistes pourraient aussi répondre aux sollicitations des patients. De même, les psychologues et les pharmaciens peuvent aussi renseigner et participer. De nombreuses associations comme l’Afa, l’association nationale pour vaincre la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique**, sont expertes et interviennent aujourd’hui dans 85 CHU et cliniques dans toute la France pour coordonner les équipes. Donc, n’hésitez pas à demander à votre association. Autres lieux qui peuvent intégrer l’ETP : les centres thermaux*** comme Cambo-les Bains, Lamalou-les-Bains et Eugénie-les-bains…, soient sept centres en tout, dans le cadre des cures médicalisées de trois semaines prises en charge concernant plusieurs affections (fibromyalgie, insuffisance veineuse chronique, lymphœdème et polyarthrite rhumatoïde). À Dijon, on fait aussi preuve d’originalité avec un camion mobile conduit par une équipe pluridisciplinaire dédiée du centre hospitalier de Dijon. L’ETP est un cercle vertueux qui ouvre de nouvelles voies de santé.

*Liste des 30 ALD sur le site de l’Assurance Maladie : www.ameli.fr

**www.afa-asso.fr, l’association nationale contre la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique.

***www.medecinethermale.fr/la-medecine-thermale/education-therapeutique-du-patient

Sources

"Les patients experts se prennent en main", Côté Santé, magazine N° 96, sep/oct 2015.

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