Les enfants aussi peuvent avoir la migraine

Publié par Dr Sylvie Coulomb
le 26/08/2002
Maj le
5 minutes
On ne pense pas assez à évoquer la migraine devant un enfant qui a mal à la tête, d'autant plus qu'il existe souvent d'autres signes cliniques pouvant passer au premier plan. Ainsi, face à un enfant qui vomit, qui présente des troubles visuels ou un comportement inhabituel, il faut savoir rechercher un mal de tête. La migraine de l'enfant diffère de celle de l'adulte par la brièveté des crises et le caractère bilatéral de la douleur. A côté du traitement immédiat de la crise, la migraine doit bénéficier d'un traitement de fond, qui fait notamment appel à la relaxation et qui permet de diminuer la fréquence des crises.

La migraine est relativement fréquente chez l'enfant

La migraine est relativement fréquente chez l'enfant : ils sont 8 à 10% à en souffrir. C'est une pathologie qui touche plus volontiers les filles, surtout lorsqu'elles approchent l'âge de la puberté. La migraine a même été décrite chez les nourrissons...

L'origine de la migraine reste mystérieuse

On sait aujourd'hui que la crise migraineuse est liée à la libération en trop grande quantité d'une hormone, la sérotonine. Celle-ci agit au niveau des vaisseaux sanguins cérébraux en provoquant leur contraction, responsable des signes avant-coureurs de la crise de migraine, comme les nausées, les vomissements ou les troubles de la vue. L'organisme, en réaction à cette stimulation excessive, induit une dilatation des vaisseaux responsable de la douleur proprement dite. Cette dilatation régresse en quelques heures, marquant la fin de la crise de migraine. Le problème est que l'on ne connaît toujours pas avec certitude la cause de cette libération intempestive de sérotonine. D'ailleurs, cette explication n'est pas reconnue par tous les spécialistes. On a montré l'existence de facteurs favorisants, comme des facteurs héréditaires et l'on retrouve effectivement des antécédents parentaux dans 70% des cas. Le stress, l'activité physique et l'hypoglycémie sont également souvent des facteurs déclenchant de la migraine. Et chez les adolescents, le manque ou l'excès de sommeil, le jeûne, le stress et les règles deviennent prépondérants. Certains aliments pourraient également déclencher des crises migraineuses, tels le chocolat, les glaces, le gruyère, les bananes, etc.

Les signes de la migraine sont souvent trompeurs chez l'enfant

Typiquement, la migraine de l'enfant correspond à des céphalées (mal de tête) paroxystiques, présentant les caractères suivants : douleur pulsatile (qui bat) unilatérale, associée à des troubles visuels et/ou digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales) et disparaissant totalement avec le sommeil. En réalité, la migraine de l'enfant est très polymorphe et les signes associés peuvent apparaître au premier plan en prenant la forme d'une "crise de foie", d'une sinusite, de troubles de la vue ou de vertiges. De plus, les signes annonciateurs de la crise de migraine sont inconstants : des fourmillements, de vagues douleurs abdominales, des bâillements à répétition et une anxiété, préviennent parfois l'enfant de l'imminence de la crise. La céphalée survient ensuite, souvent frontale et bilatérale. La douleur unilatérale, qui figure dans la définition de la migraine, est en fait rare avant 10 ans. L'enfant se plaint souvent d'une douleur à la pression du crâne. Il recherche l'isolement et l'obscurité puis il s'endort et au réveil ne souffre plus. A côté de cette forme commune, il existe des formes dites "accompagnées", associées à des symptômes neurologiques. Ainsi dans la migraine ophtalmique, l'enfant voit des points brillants ou se plaint de voir trouble. D'autres signes neurologiques peuvent accompagner la migraine comme des sensations d'engourdissement des doigts et de la bouche, des vertiges ou même des troubles du langage.

Le diagnostic de migraine est parfois délicat

Les signes associés à la migraine, parfois impressionnants, peuvent inquiéter les parents et leur faire craindre une tumeur cérébrale ou une malformation vasculaire cérébrale. Une consultation chez le médecin s'impose donc. Le plus souvent, le diagnostic de migraine se fait essentiellement à l'interrogatoire de l'enfant et de ses parents, ainsi qu'à l'examen clinique. Dans quelques cas, le médecin pourra proposer des examens complémentaires simples pour éliminer une cause neurologique, comme un fond d'œil, des radiographies du crâne, un électroencéphalogramme.

Le traitement de la crise de migraine doit être le plus précoce possible

Dès les premiers signes, il faut donner à l'enfant de l'aspirine ou du paracétamol, et éventuellement un anti-émétique (contre les vomissements). Les anti-inflammatoires comme l'ibuprofène sont également efficaces. Dans tous les cas, la dose doit évidemment être adaptée au poids de l'enfant. En cas de vomissements, les médicaments seront administrés sous la forme suppositoire. Il existe des médicaments anti-migraineux plus spécifiques, comme la dihydroergotamine, que l'on peut donner à l'enfant âgé de dix ans ou plus. En ce qui concerne les triptans, des antimigraineux spécifiques, ils n'ont malheureusement pas d'indications pédiatriques. Dans tous les cas, il importe de bien suivre la prescription médicale. Demandez également à votre médecin un certificat destiné à l'école afin que l'enfant puisse également y recevoir son traitement le plus rapidement possible en cas de crise de migraine. Il est par ailleurs conseillé de coucher l'enfant dans l'obscurité car le sommeil constitue un bon traitement de la migraine.

Le traitement de fond est essentiel en cas de crises de migraine fréquentes et invalidantes

Il fait appel à des thérapies non médicamenteuses, comme la relaxation, le yoga, voire le biofeedback ou la sophrologie. Elles permettent de diminuer la fréquence des crises. Le seul problème est de trouver les professionnels à qui adresser les enfants... Sachez que la migraine est une maladie bénigne. L'enfant peut donc mener une vie normale et notamment pratiquer tous les sports qu'il souhaite. Il est recommandé de supprimer les facteurs déclenchants supposés responsables, comme le chocolat, certains produits laitiers, l'alcool chez l'adolescent ou l'insuffisance de sommeil.

Sources

Annequin D., Dumas C., Tourniaire B., Massiou H. Migraine and chronic headache in children. Rev. Neurol. 2000;156:68-74. FMC Hebdo 24/04/2001 N° 111 : Migraine de l'enfant. Massiou H. La migraine Ed. Eurotext John Libbey.

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