Le virus du rhume, une nouvelle arme contre le cancer

Publié par Dr Agnès Lara
le 24/04/2002
Maj le
3 minutes
Autre
Injecté dans une artère irriguant le foie, le virus du rhume s'est montré capable d'exterminer sélectivement les cellules cancéreuses d'une tumeur hépatique, sans endommager les cellules saines. Ce virus pourrait donc bien devenir une arme primordiale contre le cancer dans les années à venir.

Une tumeur, qu'est-ce que c'est ?

Lorsque des cellules d'un organe deviennent cancéreuses, elles perdent leur spécialisation c'est-à-dire leur capacité à remplir leurs fonctions (réguler le taux de sucre sanguin pour une cellule hépatique par exemple). Elles perdent aussi leur forme et les caractéristiques qui leur sont propres. Puis elles se mettent à se multiplier sans contrôle, de manière totalement anarchique. C'est ainsi que se développe une tumeur.

Des traitements qui pour le moment ne font pas dans la dentelle

Les traitements actuels consistent à ôter de façon chirurgicale la tumeur (si elle est bien circonscrite), à la détruire par des rayons ou encore à utiliser la chimiothérapie. Lorsque la tumeur est diffuse ou bien lorsqu'elle a déjà essaimé vers d'autres organes, la chimiothérapie reste souvent la seule alternative. Les médicaments chimiothérapeutiques sont des produits toxiques qui réduisent la capacité des cellules cancéreuses à se multiplier. Ils ne sont cependant pas très sélectifs. Et le reste de l'organisme subit aussi leurs actions toxiques, entraînant des effets secondaires parfois très difficiles à supporter.

Comment un virus peut-il détruire une tumeur ?

Lors des 27e rencontres scientifiques annuelles de la société de radiologie cardiovasculaire et d'intervention à Baltimore, une équipe de chercheurs a présenté les résultats obtenus avec le virus du rhume sur des patients atteints de cancers gastro-intestinaux (estomac, pancréas, côlon) dont les tumeurs avaient essaimé dans le foie.Comme tout virus, celui-ci se multiplie à l'intérieur des cellules qu'il a infectées puis les détruit. Les nombreuses copies nouvellement fabriquées du virus vont à leur tour infecter les cellules voisines. Or, il se trouve que les cellules cancéreuses ayant perdu une bonne partie de leurs fonctions, ont également perdu leurs capacités antivirales. Une attaque virale les détruit donc sélectivement sans abîmer les cellules saines, qui elles, savent parfaitement se défendre.

La stratégie du ciblage

Lors des premiers essais, le virus a été génétiquement modifié de façon à diminuer sa capacité d'infection. De cette façon, il ne pouvait s'attaquer qu'à des cellules fragilisées comme les cellules cancéreuses. Le virus a également été modifié pour reconnaître les cellules dans lesquelles le gène p53 (gène impliqué dans la destruction des tumeurs naissantes) était anormal. Or, on sait que la majorité des cellules cancéreuses (50 à 65%) ont un gène p53 défectueux. Par ces deux actions combinées, les chercheurs ont grandement augmenté la sélectivité du traitement.

Des premiers résultats spectaculaires

Ce virus génétiquement modifié a été injecté à forte dose, directement dans l'artère qui alimente le foie. Il a ainsi pu atteindre les tumeurs de cet organe en étant directement porté par la circulation sanguine. Trente cinq patients atteints de cancers gastro-intestinaux (estomac, pancréas, côlon) et dont les tumeurs avaient essaimé dans le foie ont bénéficié de ce traitement. Leur durée de vie a ainsi été prolongée de six mois. L'observation de ces tumeurs par imagerie médicale a montré une diminution des tumeurs. Par ailleurs, les protéines traditionnellement sécrétées dans le sang par les tumeurs ont totalement disparu, laissant penser que les tumeurs observées en imagerie étaient mortes.Les résultats d'un second essai clinique semblent indiquer que les effets du virus peuvent s'ajouter à ceux d'une chimiothérapie, en améliorant encore les résultats.Cette nouvelle arme thérapeutique devra encore subir des mises au point durant quelques années avant de pouvoir être utilisée de façon courante. Mais elle porte d'ores et déjà de grands espoirs.

Sources

Sze D., 27e rencontres scientifiques annuelles de la Society of cardiovascular and interventional radiology. Baltimore, avril 2002.

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