Interview : une nouvelle loi bioéthique qui autorise les " bébés médicaments "

Après trois années de travail, le texte de révision des lois de bioéthique vient d'être adopté. Les recherches sur l'embryon humain (sur les cellules embryonnaires), jusque-là formellement interdites, sont désormais autorisées à titre dérogatoire et pour une période de cinq ans, à partir des embryons congelés surnuméraires ne faisant plus l'objet d'un projet parental. Toute demande sera gérée par l'Agence de biomédecine, en place dès le 1er janvier 2005.
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Parallèlement, le clonage reproductif est déclaré « crime contre l'espèce humaine », passible de 30 ans de prison et de 7,5 millions d'euros d'amende. Le clonage thérapeutique peut, quant à lui, être puni par 7 ans de prison et 100.000 euros d'amende. Nous avons recueilli les propos d'Aude Dugast, rédacteur en chef de Genethique*.

e-sante : Etes vous satisfaite de l'adoption de cette loi ?

Aude Dugast : Nous ne sommes pas satisfaits de la loi telle qu'elle a été adoptée car c'est la première fois que la loi française autorise la destruction d'êtres humains pour en faire des matériaux de recherche :

  • elle permet la recherche sur l'embryon. Cette recherche ne vise pas à soigner un embryon malade, mais à prélever les cellules d'un embryon (et donc à le détruire) pour les utiliser comme matériau d'expérimentation.
  • elle autorise la création de « bébés médicaments »,
  • elle introduit une fausse distinction entre le clonage thérapeutique et le clonage reproductif ;
  • elle ne limite pas le nombre d'embryons créés par fécondation in vitro, organisant ainsi un stock continu d'embryons disponibles pour la recherche.

e-sante : Revient-elle à autoriser les " bébé médicaments ", appelés " designer babies " en Grande-Bretagne ?

Aude Dugast : Oui, la loi autorise le diagnostic préimplantatoire en vue de la création d'un bébé médicament. Concrètement, un « bébé médicament » est conçu pour soigner un aîné malade. Après une fécondation in vitro (FIV), les médecins ont recours au diagnostic préimplantatoire (DPI) pour sélectionner, parmi les embryons créés, les embryons sains c'est-à-dire non porteurs de la maladie. Ensuite, les médecins pratiquent une seconde sélection génétique afin de ne conserver que les embryons compatibles avec l'aîné(e) malade. Rappelons que pour la naissance de Adam Nash, premier bébé né de cette pratique conçu pour sauver sa soeur Molly (octobre 2000), il a fallu créer 15 embryons et n'en conserver qu'un seul.Pour le Pr Eliane Gluckman, chef du service de greffe de moelle osseuse de l'hôpital Saint-Louis (Paris) : « Les chances de succès ne dépassent pas 10%. Et, dans la plupart des cas, il serait préférable de tenter une solution alternative avec une greffe de sang de cordon émanant d'un donneur qui ne soit pas totalement compatible. Parfois, cela peut marcher car, avec le sang de cordon, la réactivité immunitaire est moins forte et on peut se permettre quelques différences dans la compatibilité tissulaire ».

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