INTERVIEW : Le point sur le traitement de la ménopause

e-sante : À qui s'adresse le THS et quels en sont les bénéfices réels attendus ?
Pr Philippe Chanson : Le Traitement Hormonal Substitutif, ou THS, est indiqué chez les femmes ménopausées qui souhaitent (et dont le médecin souhaite) la poursuite d'une imprégnation de l'organisme par les estrogènes, ces hormones fabriquées par l'ovaire et dont la sécrétion normale s'est tarie, au moment de la ménopause. Les estrogènes ayant diverses actions chez la femme, lorsque leur production décline, s'installent différents symptômes en rapport avec la carence estrogénique. L'administration d'estrogènes (THS) vise donc à faire cesser ces signes. Le traitement est donc surtout utile dans les premières années suivant la ménopause, car c'est à ce moment que les bouffées de chaleur sont les plus gênantes chez la femme. D'autre part, le THS vise à améliorer les symptômes de sécheresse vaginale. Ce sont, en tout cas à court et moyen terme, les principaux bénéfices attendus du THS actuellement reconnus. En améliorant ces symptômes, la qualité de vie des femmes ménopausées (au moins de certaines d'entre elles) s'améliore de façon indéniable.
e-sante : Que fait réellement le THS sur l'os et sur le cœur ?
Pr Philippe Chanson : A long terme, on sait que le manque d'estrogènes a des conséquences sur l'os avec un risque plus important d'ostéoporose (déminéralisation et fragilisation osseuse) chez les femmes ne prenant pas de THS, comparé à celles sous traitement estrogénique. Le risque de fractures, quand on atteint un grand âge, est également supérieur… Tout laisserait donc penser qu'il faut, pour cette raison, pousser les femmes ménopausées à prendre un THS. Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples, car dès que l'on arrête le traitement, en quelques années, les femmes sous THS retrouvent le même risque d'ostéoporose que les autres… L'effet « protecteur » du THS sur l'os disparaît donc en quelques années après avoir arrêté le traitement. Or, on sait que les fractures liées à l'ostéoporose surviennent généralement quand les femmes ont plus de 80 ans. Aussi, pour les éviter, il faudrait envisager de poursuivre le traitement très longtemps… y compris chez des femmes âgées, voire très âgées. Est-ce raisonnable ? Il y a peut-être d'autres moyens d'éviter ces fractures chez les femmes âgées.Pour ce qui concerne les maladies cardiovasculaires, on a longtemps dit que le THS protégeait de ce risque. Deux études très récentes semblent indiquer qu'en fait, il n'en est rien. Eventuellement, même lorsqu'une femme a déjà des facteurs de risque (diabète, hypertension, tabagisme, etc.), le THS augmenterait un peu le risque cardiovasculaire. Dans ce contexte de risque cardiovasculaire, nous sommes maintenant beaucoup plus prudents pour la recommandation du THS, ce qui constitue une véritable révolution culturelle, en tout cas aux Etats-Unis, où le THS était très largement recommandé et effectivement utilisé par les femmes ménopausées.
e-sante : Quelles recommandations feriez-vous ?
Pr Philippe Chanson : La décision d'un THS doit être individuelle et adaptée à chaque patiente car il présente incontestablement des bénéfices, dont les mieux établis sont la prévention des bouffées de chaleur et des symptômes vaginaux, améliorant ainsi la qualité de vie des femmes. Toutefois, certaines femmes ne sont nullement gênées par ces symptômes. A l'inverse, au bout d'un certain temps (environ 5 ans), il est bien établi que le THS expose aussi à un petit risque de cancer du sein : les femmes sous THS font un peu plus souvent un cancer du sein que les femmes non traitées (ou ayant arrêté le THS depuis plus de 5 ans). En revanche, il faut signaler que sous THS, elles développent un peu moins de cancer du côlon. Quant à l'effet bénéfique sur l'os, on a vu qu'il fallait le poursuivre longtemps pour réellement bénéficier d'une prévention des fractures.On peut donc proposer en début de ménopause, sauf en cas de contre-indication ou de facteur de risque, un THS pour une première période de 5 années et réévaluer chaque année son bien-fondé. Après 5 ans, en pesant soigneusement les avantages et les inconvénients, le médecin et la patiente doivent de nouveau décider si la poursuite du traitement est justifiée ou non.