Cosmétiques : petites indiscrétions et révélations

Le cosmétique le plus étonnant ?
Dr Couteau : Dans les années 1930 est née une gamme de cosmétiques radioactifs. On trouvait du thorium et radium dans les cosmétiques Tho-radia (produits anti-âge et d’hygiène). Difficile à imaginer, de nos jours où les compositions des cosmétiques sont passées à la loupe, que de tels produits aient pu être mis sur le marché et aient même connu un réel succès**.
Aujourd’hui, les actifs étonnants ne manquent pas. La bave d’escargot, présente dans un sirop antitussif (Hélicidine®), se retrouve dans plusieurs cosmétiques. Or, cette bave est constituée en majorité d’eau et les concentrations en ingrédient actif (l’allantoïne) sont extrêmement faibles. Pour avoir la concentration en allantoïne retrouvée habituellement dans les cosmétiques, il faudrait 200 litres de bave d’escargot !
Parmi les autres ingrédients étonnants figurent les métaux précieux (or, pierres précieuses ou semi-précieuses) dont les propriétés anti-âge n’ont pas été démontrée pour autant.
Le cosmétique le plus ancien ?
Difficile d’être péremptoire en la matière. Savons, parfums, produits de maquillage des yeux et des lèvres accompagnent l’homme et la femme depuis les débuts de leur histoire. Si la forme galénique évolue avec le temps, la fonction première reste la même : embellir celui ou celle qui y a recours.
Les philosophes Aristote et Hippocrate se piquent de trouver la cause de la chute des cheveux. Le poète latin Ovide s’adresse à la "foule de ses élèves" qui se composent de "belles et de laides" et leur offre des conseils pour améliorer leur aspect. Pline l’Ancien vante les mérites de l’huile de myrobolan, connue de nos jours sous le nom d’huile de moringa... Les cosmétiques intéressent, y compris des gens parmi les plus sérieux, depuis des siècles.
Le cosmétique le plus vendu ?
On est tenté de répondre la crème Nivea, tant ce cosmétique conditionné dans sa célèbre boîte ronde bleue et plate fait partie de notre inconscient cosmétique. Crée en 1911, c’est un "modèle de modestie" du fait de son faible nombre d’ingrédients (14 au total) : une phase aqueuse (eau), une phase grasse riche en dérivés de pétrole totalement inoffensifs pour la peau, quelques tensioactifs (molécule qui permet le mélange de l'huile et de l'eau) pour stabiliser le tout, un parfum... et c’est tout !
Le cosmétique le plus futuriste ?
Les shampooings solides Lush. La forme galénique est originale, avec des couleurs qui en mettent plein les yeux... Méfiance. Des tensioactifs irritants (laurylsulfate de sodium en tête, pourtant quasiment abandonné par l’industrie des cosmétiques) et des colorants agressifs pour le cuir chevelu. La marque séduit par son argumentaire mettant en avant des produits "naturels" qui s’avèrent ne pas l’être, bien souvent. Contrairement à la réglementation, ces produits vendus en vrac n’affichent pas leur composition.
A noter : un savon naturel est difficile à parfumer, car le mode de fabrication (la saponification) exige un chauffage à haute température. Les parfums et colorants naturels n’y résistent pas. Seuls ceux de synthèse relèvent le challenge.
Le cosmétique le plus culte ?
La "Crème de 8 heures", peut-être. Le Baume Apaisant Réparateur Eight Hour® Cream a fêté ses 86 ans, créé par Miss Arden elle-même, qui l’utilisait initialement pour enduire les jambes de ses purs sangs. Un jour, l’une de ses clientes appliqua ce baume sur le genou écorché de son fils. Huit heures plus tard, le genou était réparé et le nom du baume tout trouvé. C’est le soin considéré comme indispensable par bon nombre d’entre nous, et le produit fétiche des mannequins et make-up artists.
Le cosmétique dernier-né ?
La BB crème est l’un des cosmétiques à succès des cinq dernières années, apparue sur le marché français en 2012. Cette crème qui n’a rien à voir avec Brigitte Bardot est baptisée ainsi pour « Blemish balm » (baume imperfections). Ni fond de teint, ni crème teintée, c’est le "produit miracle" censé tout faire à la fois, idéal pour la femme pressée. Les emballages proclament du 6 en 1, 7 en 1... de quoi attraper le tournis. Une seule crème, hydrate la peau pendant 24 heures, unifie le teint, corrige ridules et imperfections, ravive l’éclat et protège des UV… Dixit le message marketing, la BB crème est "tout type de peau". Peaux sèches, grasses ou mixtes seront pourtant difficilement satisfaites avec le même flacon de crème. Depuis, les CC crèmes (colour control pour "régulant la couleur"), DD crèmes (Daily Defense pour "défense quotidienne"), EE crèmes (Enlighter Effect pour "effet illuminateur") ont vu le jour. Mais où s’arrêteront-ils ?
Le cosmétique le plus "star" ?
Le rouge à lèvres évidemment. Son histoire est très ancienne. Il a pris et prend toujours toutes les formes (liquide, pâteux, solide). Son histoire est passionnante car elle nous fait voyager dans le temps. Une préparation à base de cire d’abeilles, de beurre frais et de raisins noirs bien mûrs était très appréciée pour la coloration des lèvres, il y a deux siècles de cela. Les accessoires qui l’accompagnent sont ultra-féminins et constituent parfois de véritables bijoux. Rival est une société cosmétique qui "révolutionne" l’univers du rouge à lèvres dans les années 1950 avec sa "chicandière", un étui muni d’un miroir permettant une application facile.
La première crème antiride ?
S’il faut citer un nom, ce serait la crème Simon®, première crème anti-rides de l’ère industrielle. Mise au point en 1929 par le pharmacien lyonnais Joseph Simon, cette crème toute simple est présentée comme le moyen sûr et efficace d’obtenir "une beauté qui dure toute la vie". Glycérol et amidon sont la base de la formule. Aucun actif anti-âge n’est réellement présent !
Le cosmétique le plus "glamour" ?
Si le maquillage des yeux est pratiqué depuis l’Antiquité, en revanche celui des cils est un geste beaucoup plus moderne. Le mascara est également dénommé rimmel, en l’honneur de l’un de ses inventeurs, un parfumeur français expatrié à Londres. Simple mélange de vaseline et de pigments, il est de composition simpliste mais efficace. Tout comme le Frigidaire®, le Rimmel® perd rapidement son caractère de marque déposée ; tout produit destiné à l’allongement des cils est alors appelé rimmel.
Le premier cosmétique pour homme ?
Le savon à barbe et par extension tout ce qui tourne autour du rasage sont les cosmétiques nécessaires pour tout homme qui se rase le visage. La mousse à raser est un cosmétique qui agit en ramollissant le poil. La romancière Agatha Christie en fait l’instrument d’un meurtre. C’est en effet un baume après-rasage saturé en atropine (composé chimique présent naturellement dans certaines plantes et utilisé en médecine) qui mène un jeune homme sur les pentes de la folie (Le taureau de Crète - Les travaux d’Hercule).
L’actif le plus inattendu ?
Au fil de l’histoire des cosmétiques, on rencontre un grand nombre d’actifs surprenants : graisses et excréments de crocodiles (pour blanchir le teint), œufs de fourmis et de mouches (pour marquer les sourcils) dans la Rome antique, sang de veau noir, pattes de chiens et sabots d’ânes (pour fortifier les cheveux) dans l’Egypte ancienne.
Le cosmétique le plus inutile ?
Sans hésitation ce sont les cosmétiques (et non les vrais produits de protection solaire) affichant un SPF (Facteur de Protection Solaire/Sun Protection Factor) alors que la météo s’obstine à vous annoncer de la pluie, un ciel couvert et que l’on travaille dans un bureau. Cette mode née dans les années 1990 en France puis popularisée par Paula Bégoun aux Etats-Unis ne présente aucun intérêt. Mais toutes les marques ont suivi cette mode.
Attention, tous les produits affichant un SPF ne sont pas forcément des produits de protection solaire. Les cosmétiques (fond de teint, blush etc... et même des "eaux de soin") ne sont pas tenus de suivre la réglementation appliquée aux produits de protection solaire. De plus, pour que le produit soit efficace, il faut l’appliquer en couches épaisses et renouveler l’application toutes les deux heures. Si ce conseil était suivi, le résultat serait un maquillage à la truelle !
Autres produits inutiles, ceux vendus comme des produits anti-vergetures dont les preuves scientifiques d’efficacité sont quasi inexistantes. En général, ce sont des crèmes grasses à base d’huile végétale.
Le cosmétique le plus dangereux ?
A mon sens, le cosmétique le plus dangereux est un produit de protection solaire qui ne remplit pas son contrat. Il y a pourtant bien des surprises entre le SPF annoncé et la valeur réelle obtenue dans notre laboratoire. Les produits des grandes marques contenant des mélanges de filtres organiques (chimiques) et/ou inorganiques (minéraux) sont d’une qualité globalement correcte (à part certaines marques qui appliquent leur propre coefficient de protection, hors du cadre règlementaire). En revanche, 100 % des produits de protection solaire biologiques (ne contenant que des filtres inorganiques) laissent à désirer avec des indices SPF systématiquement inférieurs à la valeur affichée. Là où un produit conventionnel nécessite une association de 6 à 7 filtres pour atteindre un SPF de 50 +, le produit biologique se limite à 1 ou 2 ingrédients (dioxyde de titane et/ou oxyde de zinc).
Autres cosmétiques à risque, les produits dits "éclaircissants" pour la peau lorsqu’ils sont illicites car ils contiennent des actifs interdits pour un usage cutané comme l’hydroquinone. Ce composé chimique est très toxique pour le mélanocyte (cellule de l’épiderme qui produit le pigment de la peau, la mélanine). On y trouve aussi des corticoïdes (anti-inflammatoires puissants, normalement sur prescription médicale), des dérivés du mercure etc...
Dans l’Antiquité, on employait déjà des produits qui font frémir d’un point de vue toxicologique, tels le cinabre (sel de mercure) ou la céruse (sel de plomb) pour le maquillage du visage.
L’actif le plus utilisé dans les cosmétiques ?
Certainement la glycérine, un ingrédient omniprésent dans les cosmétiques. Egalement appelé glycérol, ce polyalcool qui retient l’eau dans le cosmétique permet, entre autres, d’éviter le dessèchement des formules cosmétiques. A la fois actif et additif, la glycérine est un ingrédient aux multiples casquettes, présentant une totale innocuité. Actuellement, la glycérine utilisée en cosmétologie est majoritairement issue du processus de fabrication des savons. C’est notamment un excellent solvant qui permet de solubiliser un très grand nombre d’actifs, un hydratant pour la peau et en conséquence un émollient (assouplit et adoucit la peau).
Sources
* Dictionnaire "égoïste" des cosmétiques. Ed Edilivre (2016) ; ** Ouvrage « Beauté mon beau souci - histoire de la beauté et des cosmétiques » de Céline Couteau et Laurence Coiffard Ed Edilivre 2015
D’après un entretien avec Céline Couteau, maîtresse de conférences à la faculté de pharmacie de Nantes où elle enseigne la cosmétologie, MMS (Laboratoire mer molécules santé) EA 2160 (Nantes)