Corticoïdes chez l’enfant en 10 questions

A quoi servent les corticoïdes chez l’enfant ?
Comme l’ibuprofène ou l’aspirine, les corticoïdes sont des médicaments anti-inflammatoires, c’est-à-dire qu’ils calment l’inflammation. Sauf qu’ils sont bien plus puissants ! Chez l’enfant, et ce dès la naissance, ils s’avèrent parfois incontournables. Ce sont les mêmes corticoïdes, employés aux mêmes doses que chez l’adulte mais celles-ci sont adaptées au poids de l’enfant, bien entendu.
Olivier Bourdon, professeur de pharmacie clinique à l’hôpital Robert Debré (Paris) : « Comme chez l’adulte, de nombreuses maladies plus ou moins graves sont soignées par corticoïdes, du nourrisson au grand enfant. Donnés pendant quelques jours en cas d’infections ORL (rhinopharyngite, laryngite, sinusite), les effets indésirables sont quasi inexistants. Mais là où le risque d’effets secondaires est à surveiller, c’est lorsqu’ils sont prescrits sur le long terme, pendant des mois voire des années. C’est le cas dans l’asthme, les rhumatismes articulaires, les colites inflammatoires, le psoriasis, la dermatite atopique/eczéma, certaines maladies rénales etc. ».
Corticoïdes chez l’enfant, des effets indésirables accrus ?
Quel que soit l’âge de l’enfant, les effets indésirables des corticoïdes sont identiques. Sur le long terme, ceux-ci sont à surveiller au plus près, vis-à-vis de la croissance osseuse potentiellement ralentie, d’une hypertension artérielle, de problèmes musculaires, d’insomnie, d’anxiété ou d’irritabilité, d’ulcère de l’estomac etc.
Dans certains cas, il faut redoubler de vigilance. Par exemple, les corticoïdes déséquilibrent le diabète chez les enfants diabétiques de type 1 qui doivent en conséquence adapter leurs doses d’insuline.
Pourquoi utiliser les corticoïdes dans l’asthme ?
Dans l’asthme, les corticoïdes sont indispensables au long cours car l’inflammation des bronches peut mettre en danger l’avenir respiratoire de l’enfant.
C’est pourquoi, lorsque l’asthme est persistant (avec de nombreuses crises), la priorité est de délivrer les corticoïdes au plus près des poumons grâce à des inhalations, matin et soir.
Attention ! Le fait d’augmenter les doses ne signifie pas que la maladie empire. Au contraire, si l’on se contente de doses insuffisantes, non seulement l’efficacité ne sera pas au rendez-vous mais on risque d’aggraver la maladie.
Les corticoïdes par voie générale (en comprimés) viennent en renfort des corticoïdes inhalés pendant 2-3 mois, lorsque l’asthme est très déséquilibré.
Crème, comprimés ou spray chez l’enfant ?
Les médicaments anti-inflammatoires se présentent sous les mêmes formes, chez l’enfant comme chez l’adulte avec cependant certaines galéniques adaptées à l’enfant comme les solutions buvables. Les risques d’effets secondaires sont plus importants lorsqu’ils sont utilisés par voie générale (comprimés, solution buvable) plutôt que locale (crèmes, sprays).
Corticoïdes et vaccins, quels risques ?
Attention aux cas de contact entre des enfants sous corticoïdes au long cours avec des personnes ayant la varicelle. Parce que les corticoïdes diminuent les défenses immunitaires, ces enfants pourraient développer une varicelle plus grave. En règle générale, il faut vacciner l’enfant sous corticoïdes contre la grippe mais éviter les vaccins dits "vivants" (Oreillons-rougeole-rubéole, fièvre jaune et BCG-vaccin bilié de Calmette et Guérin contre la tuberculose).
Que se passe-t-il si on ne respecte pas la posologie ?
Les corticoïdes font peur, d’où une tendance fréquente des parents à les sous-doser. Bilan : non seulement la maladie n’est pas traitée voire progressera, mais les effets indésirables, eux, sont bien là. Les parents ont dans l’idée qu’il faut "épargner" les corticoïdes pour tenir sur la durée. C’est tout le contraire : il faut les utiliser d’emblée à la dose efficace pour pouvoir s’en passer plus tard !
Olivier Bourdon : « Les craintes des parents sont souvent démesurées et il suffit d’une vigilance particulière à la fois de la part des médecins et des parents pour éliminer tout risque pour l’enfant. A ce titre, il faut absolument bannir l’automédication. Les corticoïdes étant des médicaments anti-inflammatoires, ils pourraient faire flamber une infection non décelée. Il ne faut pas non plus les arrêter brutalement : en cas de doses importantes de corticoïdes, l’enfant peut ressentir un syndrome de sevrage ».
Corticoïdes, quel risque pour la taille de l’enfant ?
En traitement chronique par corticoïdes, le risque de fragilisation des os, des muscles et des tendons existe. Pour limiter un potentiel ralentissement de la croissance osseuse, les enfants reçoivent une supplémentation en calcium et vitamine D.
De plus, une fois l’inflammation bien contrôlée, la prise des corticoïdes par voie générale peut être prescrite de façon alternée, un jour sur deux. Si les enfants asthmatiques sous corticoïdes inhalés ont une réduction de leur taille, celle-ci est très modeste et peut être due à leur traitement mais aussi à leur affection chronique. Une étude récente * a montré que les enfants asthmatiques sous corticoïdes inhalés avaient une réduction de leur taille finale, indéniable mais modeste (environ 1 cm), qui peut être due à leur traitement mais aussi à leur affection chronique. Le décrochage se produit durant la puberté. Néanmoins, la balance bénéfices-risques penche toujours du côté des bénéfices.
Quel est le risque de prise de poids sous corticoïdes chez l’enfant ?
L’augmentation de l’appétit est un effet indésirable courant qui peut conduire à une prise de poids relativement importante et rapide. Vigilance.
La prise de corticoïdes impose-t-elle de manger sans sel ?
L’alimentation de l’enfant doit être réduite en sucres et graisses mais aussi en sel. Les corticoïdes peuvent en effet provoquer une rétention du sel (rétention sodée), avec à la clé un visage un peu bouffi mais aussi une hypertension artérielle, fort heureusement réversible.
Corticoïdes en crème : ni trop, ni pas assez !
Par crainte des corticoïdes, l’eczéma (dermatite atopique) est traité trop tardivement au risque de voir les plaques s’infecter par des bactéries ou des virus. Une crème aux corticoïdes (dermocorticoïde) doit être appliquée une fois par jour sur les plaques jusqu’à leur disparition complète.
Dr Aude Maza-Rioland, dermatologue (Toulouse) : « Pour s’y retrouver, les parents doivent comptabiliser le nombre de tubes utilisés par mois, afin que le médecin se rende compte s’ils en étalent trop (risque d’amincissement de la peau ou de passage dans le sang) ou pas assez. La quantité idéale de crème à étaler est de la taille d’un petit pois sur une surface équivalente à une main ».
Sources
* N Engl J Med 2012; 367: 904-912
D’après des entretiens avec le Dr Aude Maza-Rioland, dermatologue (Toulouse) et Olivier Bourdon, professeur de pharmacie clinique à l’hôpital Robert Debré (Paris).