Audition : le massacre des décibels

Publié par Dr Sylvie Coulomb
le 13/11/2002
Maj le
7 minutes
Autre
L'oreille est un organe relativement fragile et les troubles de l'audition occasionnés par des traumatismes sonores peuvent être irréversibles. Pourtant, le bruit est une agression maîtrisable. Parce que la médecine est impuissante à guérir les déficiences auditives, il faut s'informer sur les dangers du bruit excessif et surtout sur les moyens de prévention. Les jeunes sont les premiers concernés par ces problèmes car l'utilisation « intensive » de baladeurs, les sorties fréquentes en boîte ou aux concerts menacent directement leurs capacités auditives. Il est donc impératif de les convaincre de prendre des précautions pour limiter au maximum les risques de traumatisme auditif.

L'oreille, un véritable mécanisme de précision

L'oreille est un organe complexe, composé de trois parties : l'oreille externe, l'oreille moyenne et l'oreille interne. De l'extérieur, on ne voit que le pavillon et l'entrée du conduit auditif. Au bout de ce conduit, il y a une membrane : le tympan, et derrière, trois osselets (le marteau, l'enclume et l'étrier) qui bougent dès que le tympan se met en mouvement. Le son, qui correspond à un mouvement de l'air, pénètre dans le conduit et va faire vibrer le tympan. Cette vibration est alors transmise aux osselets et ensuite à la cochlée, située dans l'oreille interne. Puis, la vibration se transmet au liquide contenu dans la cochlée et les mouvements du liquide sont captés par des terminaisons nerveuses, appelées les cellules ciliées. Celles-ci activent le nerf auditif, chargé de transporter les informations au cerveau, qui va alors les traiter et les interpréter.

Comment savoir si le niveau sonore est dangereux ?

Le danger d'une exposition au bruit dépend de deux facteurs : le niveau sonore et la durée d'exposition. Plus l'intensité et la durée d'exposition sont importantes, plus le risque d'atteinte de l'audition augmente.

Il faut savoir que le son commence à être pénible à partir de 75 décibels (dB) et qu'il est dangereux à partir de 85 dB. Or, la douleur auditive n'apparaît qu'à 120 dB. Cela signifie qu'entre 85 et 120 dB, l'oreille est menacée de lésions irréversibles sans que l'on puisse s'en rendre compte ! Pour votre information, sachez que les niveaux sonores en discothèque sont généralement très élevés, de l'ordre de 100 à 110 dB en moyenne, avec des maximums à 115 voire 120 dB. Pour les concerts, la situation est encore plus préoccupante : un concert de rock dépasse souvent les 120 dB...

Voici un test simple pour évaluer les dangers du bruit : si le bruit ambiant est tel qu'une personne située à un 1 mètre de vous doit crier pour être entendue, cela signifie que l'environnement sonore dans lequel vous vous trouvez présente des risques. Ce même test peut également être effectué lorsque vous utilisez un baladeur. De façon générale, si vos oreilles sifflent après une exposition au bruit, c'est que vous avez séjourné dans un environnement à risque. Si vous avez la sensation que le bruit est trop fort ou a fortiori si vous ressentez la moindre douleur dans l'oreille, éloignez-vous vite.

Si vous avez exposé vos oreilles à un niveau sonore dangereux, vous risquez de développer une surdité temporaire (sensation "d'oreilles bouchées", sifflements légers ou acouphènes). On peut supposer qu'il y a un traumatisme auditif si ces symptômes sont très prononcés, ou encore s'ils ne disparaissent pas au bout de quelques minutes ou quelques heures dans un environnement calme. Ils risquent alors de devenir permanents ! Au moindre doute, rendez vous en urgence à l'hôpital ou chez un ORL.

L'excès de bruit fait courir le risque de séquelles définitives

Il s'agit de la surdité (ou hypoacousie), des acouphènes ou encore de l'hyperacousie.

La surdité est due à une destruction des cellules ciliées de l'oreille interne par une puissance sonore très élevée. Les sons aigus sont les plus dangereux et ce sont les fréquences aiguës de l'audition qui sont touchées en premier. Si la baisse d'acuité auditive concerne des fréquences inférieures à 4.000 Hz, c'est alors la compréhension de la parole qui devient difficile...

Les acouphènes correspondent à des sifflements ou des bourdonnements d'oreille permanents, entendus dans l'oreille ou dans la tête d'un seul ou des deux côtés, en l'absence de source sonore extérieure. Ce ne sont pas des hallucinations auditives, même si le plus souvent la personne est la seule à entendre ces « bruits ». Ils correspondent à l'émission d'un signal nerveux anormal au niveau des voies auditives, signal interprété comme un son lorsqu'il atteint le cerveau. Ils peuvent prendre des formes très variables : sifflements, tintements, bourdonnements, etc. Bien évidemment, leur degré de tolérance est fonction de leur intensité, sachant que la fatigue, l'angoisse ou la contrariété les accentuent.

L'hyperacousie désigne une intolérance aux bruits : c'est percevoir les sons plus élevés qu'ils ne le sont en réalité. Elle est souvent due à un traumatisme auditif et peut être associée à des acouphènes.

Si ces symptômes (acouphènes, hyperacousie, surdité) sont normalement plus fréquents chez les adultes en deuxième moitié de vie, les données récentes montrent que malheureusement le nombre de jeunes adultes atteints est en augmentation significative.

Il faut réagir sans attendre !

Si vous pensez avoir subi un traumatisme sonore, précipitez-vous aux urgences les plus proches. Il faut savoir que, traité dans les 24 heures suivant le traumatisme, les chances de récupération totale sont plutôt bonnes. Mais après 3 jours, elles sont plus limitées et après 3 semaines, les chances d'amélioration deviennent vraiment faibles.

A l'heure actuelle, seul un traitement comprenant des perfusions de vasodilatateurs et de corticoïdes, associé au repos permet de récupérer, au moins partiellement, d'un traumatisme auditif. Ce traitement nécessite une hospitalisation de 6 à 10 jours.

En ce qui concerne les acouphènes, le traitement est limité et d'efficacité aléatoire. Les médicaments se limitent aux vasodilatateurs et oxygénateurs périphériques, et aux anxiolytiques, d'efficacité variable. Ils constituent néanmoins une aide précieuse, en particulier dans les premiers mois qui suivent la survenue de ce symptôme. En cas de surdité associée à des acouphènes, les prothèses auditives peuvent supprimer le bruit parasite en amplifiant les sons environnants. La technique de « l'habituation de l'acouphène » consiste en une « déprogrammation » du cerveau de façon à aboutir progressivement à un oubli des acouphènes ; il s'agit dans ce cas de neutraliser la composante émotionnelle de l'acouphène. Les thérapies comportementales et cognitives permettent également de diminuer la gêne ressentie dans de nombreux cas. Enfin, des améliorations notables peuvent être obtenues par les médecines dites alternatives (sophrologie, hypnose, yoga, acupuncture ou homéopathie).

Comment minimiser les risques de traumatisme auditif ?

En concert ou en boîte, ne vous placez jamais juste à côté des enceintes ! Lorsque vous vous trouvez dans un environnement particulièrement bruyant (type discothèque), faites régulièrement des pauses (5 à 10 minutes toutes les heures) dans des endroits où le niveau sonore est plus faible. Essayez également d'espacer le plus possible les sorties à haut niveau sonore, cela permettra à vos oreilles de mieux récupérer.

Mais aussi : portez des bouchons (bouche-oreilles en mousse ou boules « quiès », ou bouchon réalisés sur mesure), à condition de les enfoncer correctement et de ne pas les retirer pendant l'exposition au bruit. Sachez cependant qu'ils n'offrent pas de protection efficace contre des sons supérieurs à 100 dB.

Le moyen le plus sûr de minimiser les risques de traumatisme auditif reste encore de baisser le son et si ce n'est pas possible de s'éloigner de la source sonore autant que possible !

Enfin, les baladeurs aussi sont à risque auditifs : ne jamais mettre le volume à fond mais seulement à la moitié et limiter la durée d'écoute (idéalement à 2 heures par semaine).

Des Associations pour prévenir les dangers des décibels

L'APTA (Association de Prévention des Traumatismes Auditifs) a créé un site Internet (http://audition-prevention.org) afin d'informer le plus grand nombre des dangers des décibels et des gestes à accomplir en cas de traumatisme auditif, pour ne pas souffrir d'acouphènes invalidants et d'hyperacousie à vie. Selon l'Association : « Par manque d'information, nombre de personnes sont victimes de traumatismes sonores lors de concerts ou de soirées en boîte de nuit, parce qu'elles n'étaient pas au courant des risques qu'elles encouraient. » Les co-fondateurs de ce site savent de quoi ils parlent : la plupart d'entre eux sont eux-mêmes des victimes de traumatismes auditifs après un seul concert...

Existe également l'Association France-Acouphènes : totalement indépendante, elle est animée depuis 1992 par des bénévoles souffrant eux-mêmes de ces deux pathologies : acouphènes et hyperacousies. Son forum serait l'un des plus fréquentés dans ce domaine : www.france-acouphenes.org.

Enfin, très actif et incontournable, l'Association JNA : http://www.journee-audition.org.

Sources

L'audition. Collection " Que sais-je ? ". Le bruit. Collection " Les classiques santé ". Editions Privat. Association de Prévention des Traumatismes Auditifs : http://apta.fr.tm

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