Les antibiotiques, quel impact sur nos "gentilles" bactéries ?

Le "miracle" antibiotique nous a sauvés de maladies souvent mortelles, mais aussi d’infections du quotidien comme les cystites. Parce qu’ils ont été utilisés à outrance et souvent à mauvais escient, il faut désormais lutter contre un effet secondaire préoccupant : la destruction de notre propre flore intestinale au gré des cures d’antibiothérapie. Seule solution à ce jour, revenir au bon usage des antibiotiques, c'est-à-dire en cas d’infection bactérienne, uniquement.
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Les antibiotiques menacent notre flore intestinale

A peine 70 ans après les premiers antibiotiques, de nombreuses bactéries pathogènes sont devenues super-résistantes. Mais l’autre effet secondaire de ces médicaments -indispensables- à prendre très au sérieux est la destruction de nos "gentilles" bactéries (microbiote), hébergées dans notre côlon. « Notre microbiote intestinal est partiellement décimé lors d’un traitement antibiotique, détaille le Pr Antoine Andremont, directeur du Laboratoire de bactériologie à l’Hôpital Bichat-Claude Bernard (Paris) et l'un des experts internationaux dans l’étude de la résistance des bactéries aux antibiotiques*. Chacun se rend compte que "quelque chose" se passe dans ses intestins après la prise d’antibiotiques. Très souvent, ce n’est qu’une impression de "gargouillements" sans douleur ni symptôme particuliers. Mais parfois, il y a des troubles, allant des plus communs (diarrhées) aux plus préoccupants, comme des colites (inflammations du côlon) du fait de la prolifération de certaines bactéries aux noms un peu barbares comme Clostridium difficile ». Ces colites sont responsables aux Etats-Unis de 25 000 décès par an, environ autant en Europe. Elles finissement par détruire l’intestin des personnes fragiles voire entraînent le décès par troubles digestifs intenses avec des défaillances d’organes vitaux.

Les antibiotiques dressent nos gentilles bactéries contre nous !

Ce phénomène participe en partie au phénomène croissant de résistance bactérienne, contre lequel nos antibiotiques actuels peinent de plus en plus à lutter. Voici pourquoi : dans notre côlon, les antibiotiques opèrent un tri : en éliminant parmi nos propres bactéries celles qui sont fragiles (dites sensibles car éliminées par les antibiotiques), ils ne laissent survivre que les plus fortes et les plus résistantes. Celles-ci se multiplient et prennent la place de celles plus sensibles qui ont été tuées. Le traitement antibiotique terminé, notre gros intestin est alors peuplé de bactéries résistantes dont une partie est éliminée dans l’environnement, le contaminant à son tour. Le problème est que ces "gentilles" bactéries qui sont maintenant devenues peu sensibles aux antibiotiques, sont parfois capables de causer des infections comme les infections urinaires (cystite). Si la bactérie responsable de l’infection urinaire est résistante aux antibiotiques, le traitement sera plus difficile et risque d’être moins efficace. « Si l’on développe une cystite après une antibiothérapie, illustre le spécialiste, il y a des chances que la bactérie en cause, le colibacille Escherichia Coli, soit résistant et la cystite bien plus compliquée à traiter ». Dans ces situations, il ne faut jamais hésiter à consulter son médecin si le traitement habituel de la cystite n’apparait pas rapidement efficace.

Mais les "gentilles" bactéries intestinales peuvent causer des infections autrement plus sérieuses chez les personnes fragiles et dont les défenses naturelles contre les microbes sont amoindries. C’est le cas lorsqu’on a subi une chimiothérapie pour un cancer, une grosse intervention chirurgicale ou bien qu’une maladie grave vous amène en réanimation et que le risque des fameuses infections nosocomiales est élevé. On peut alors développer une infection grave avec une de ces "gentilles" bactéries intestinales alors qu’on ne le ferait pas dans notre état "normal". Le risque, c’est que la plaie opératoire s’infecte voire dégénère en septicémie (infection générale de l’organisme).

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Source : D’après un entretien avec le Pr Antoine Andremont, directeur du Laboratoire de bactériologie à l’Hôpital Bichat-Claude Bernard (Paris) suite à la conférence « Impact des antibiotiques sur la flore commensale : un effet secondaire à part, à tourner à notre avantage ! » aux 1ères Journées de Réflexion Pluridisciplinaire Antibiotique : de l’innovation de rupture à la rupture de l’innovation (30 Juin-01 Juillet 2015).
* Auteur de « Antibiotiques, le naufrage », Ed Bayard, sortie octobre 2014.
** http://www.davolterra.com/