Poivre : une épice santé ?

Publié par Paule Neyrat
le 23/06/2016
Maj le
6 minutes
poivre et feuilles de laurier sur la photo
Adobe Stock
Le poivre est l’épice la plus employée dans la cuisine. Il relève tous les mets par sa saveur piquante, trône sur les tables à côté du sel. Les Chefs terminent souvent leurs recettes par un tour de moulin à poivre. Mais on lui attribue un grand nombre de pouvoirs sur votre santé. Qu’en est-il vraiment ? 

Poivre : d’où vient-il ?

En fait, il n’y a pas un poivre, mais des poivres car il en existe de nombreuses variétés. Toutes viennent d’une même plante, une longue liane de 8 à 10 m. La plus courante est Piper nigrum, originaire de l’Inde.

Ses fleurs donnent de petites baies dont la couleur passe du vert au rouge au fur et à mesure de leur maturité.

Le poivre a une longue histoire. Alexandre le Grand le découvre en Inde, vers 324 avant J.-C. Il le rapporte en Grèce. Puis les Romains y prennent goût et ils le diffusent au fur et à mesure de leurs conquêtes car ils ne partaient jamais sans une provision de poivre.

Cette épice devient une monnaie d’échange et elle est hors de prix car on va toujours la chercher en Inde. Ceci va durer pendant des siècles : le poivre se répand dans d’autres pays au fil des batailles et des conquêtes et il est toujours l’enjeu d’un commerce insensé.

Avec le développement des transports au 20ème siècle, le poivre devient peu à peu l’épice banale et quotidienne que nous avons dans notre cuisine.

Les différentes couleurs et saveurs du poivre

  • Poivre vert : les baies sont récoltées avant leur maturité, lavées et mises en saumure. Leur saveur est assez douce.
  • Poivre noir : les baies sont récoltées de même, puis séchées au soleil (ou artificiellement dans les régions où celui-ci fait défaut). Elles noircissent et se flétrissent. Le poivre noir est piquant et aromatique.
  • Poivre blanc : les baies sont récoltées à maturité quand elles sont rouges. On les fait tremper pour les débarrasser de cette enveloppe. Puis elles sont séchées jusqu’à ce qu’elles deviennent blanches. La saveur du poivre blanc est moins forte.
  • Poivre rouge : les baies sont récoltées après leur maturité puis séchées à l’abri du soleil. Le poivre rouge est très piquant, de saveur intense. Il est assez rare.
  • Poivre gris : c’est le plus souvent un mélange de poivre noir et de blanc. Mais il en existe un, au Togo dont les baies sont moins colorées que le noir.

Le poivre, une épice du monde

  • Piper nigrum, variété la plus courante, comporte des sous variétés qui produisent des poivres noirs (ou d’une autre couleur). Les pays producteurs sont essentiellement l’Inde, la Malaisie, le Cambodge, le Cameroun, Madagascar.
  • Le poivre long (piper longum), est cultivé au Sri Lanka.
  • Le poivre cubèbe, aussi appelé poivre à queue (piper cubeba) a une petite tige (d’où son nom). Il vient d’indonésie.
  • Mais il existe aussi différentes baies qui ont une saveur piquante et ne proviennent pas de la liane Piper. C’est le cas du poivre rose, de celui de Sichuan, du poivre de la Jamaïque (aussi appelé quatre-épices), des poivres de Tasmanie, de Guinée (ou maniguette).
  • Quant au Cayenne, c’est un piment séché et réduit en poudre qui ne devrait pas s’appeler « poivre ».

Poivre : pourquoi pique-t-il ?

Le poivre contient un alcaloïde, la pipérine. C’est elle qui donne au poivre sa saveur piquante et cette sensation de chaleur quand on l’a dans la bouche.

Il y a de la pipérine dans toute la plante mais surtout dans son fruit, le grain de poivre et encore plus dans son écorce. C’est pourquoi le poivre blanc est moins fort que le noir.

La pipérine se développe au fur et à mesure de la maturité de la baie, d’où la douceur du poivre vert.

Le poivre est constitué en moyenne de 10,5 % d’eau, 10,9 % de protéines, 44,8 % de glucides, 26,5 % de fibres. Il renferme aussi beaucoup de sels minéraux, un peu de carotènes antioxydants, quelques vitamines du groupe B. Et il contient de 5 à 8% de pipérine.

Poivre : les actions de la pipérine

Elles sont diverses et variées.

La pipérine stimule la sécrétion de l’acide chlorhydrique de l’estomac et aide ainsi à la digestion. Elle agirait en même temps sur les nausées, et les vomissement et aussi bien sur les diarrhées que sur la constipation.

La pipérine a également des propriétés vasodilatatrices, donc aphrodisiaques aussi bien chez les messieurs que sur les dames (c’est cité dans le Kama Soutra).

Elle favoriserait l’oxygénation des tissus, stimulerait la glande thyroïde, renforcerait le système immunitaire, aurait un pouvoir antibactérien important.

En cas de bronchite, la pipérine aurait une action fluidifiante et expectorante.

Elle augmenterait le taux de sérotonine et lutterait ainsi contre la dépression, l’anxiété, l’insomnie.

La pipérine freinerait le développement des cellules cancéreuses, Elle éviterait aussi la formation de nouvelles cellules graisseuses, réduirait le cholestérol et les triglycérides, aurait une action protectrice contre le diabète et l’hypertension artérielle.

En cas de vitiligo, la pipérine aiderait à la repigmentation des cellules de la peau.

Poivre : une épice santé ?

Un certain nombre d’études ont démontré les actions de la pipérine mais elles ont toutes été faites sur des rats et avec des doses plus ou moins importantes de cet alcaloïde pur. Aucune n’a été menée sur des humains et avec du poivre.

Celui-ci peut-il avoir les mêmes actions ? Pas forcément. Et pourquoi ? Tout dépend des quantités que vous consommez.

1 petite cuillère contient 3 g de poivre, soit 3 000 mg de pipérine.

1 cuillère à soupe, c’est environ 6 g (et 100 grains de poivre). Soit 6 000 à 8 000 mg de pipérine.

C’est ce qu’il faut, concassé, pour 1 gros steak au poivre. Si vous le mangez intégralement, sans gratter le dessus, vous pouvez effectivement profiter de l’action vasodilatatrice et aphrodisiaque de la pipérine.

10 tours de moulin à poivre, cela représente environ 1 g, soit 1 000 mg de pipérine.

Au quotidien, si vous poivrez systématiquement et généreusement tout ce que vous mangez, vous avez plus de chances de bénéficier des bonnes actions du poivre sur votre santé. Mais n’attendez pas qu’un tour de moulin à poivre de temps en temps ait la moindre effet sur vos cellules graisseuses ou fasse baisser votre cholestérol !

Et si jamais vous souffrez facilement de brûlures d’estomac, mieux vous dispenser de poivre.

Sources

- Efficacy of piperine, an alkaloidal constituent from Piper nigrum on erythrocyte antioxidant status in high fat diet and antithyroid drug induced hyperlipidemic rats - Ramasamy Subramaniam Vijayakumar and Namasivayam Nalini- Cell Biochemistry and Function - Volume 24, Issue 6, pages 491–498, November/December 2006.

- Lipid-lowering efficacy of piperine from piper nigrum l. in high-fat diet and antithyroid drug-induced hypercholesterolemic rats - Ramasamy Subramaniam Vijayakumar and Namasivayam Nalini - Journal of Food BiochemistryVolume 30, Issue 4, pages 405–421, August 2006.

- Piperine- Review of Advances in Pharmacology Amritpal Singh and Sanjiv Duggal Lovely Professional University, Phagwara, (Punjab), India. International Journal of Pharmaceutical Sciences and Nanotechnology Volume 2 • Issue 3 • October – December 2009.

Partager :