Le sida et le Truvada® : qu’est-ce qui va changer ?

Le Truvada®, qu’est-ce que c’est ?
Le Truvada ®* est le nom du médicament qui permet d’éviter, du moins de limiter très fortement le risque de contamination par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) responsable du sida ( syndrome immunodéficitaire acquis) en cas de rapport sexuel non protégé avec quelqu'un qui est séropositif. Les données scientifiques démontrent l’efficacité de ce médicament pris avant le rapport sexuel, c’est-à-dire en « prophylaxie pré-exposition » (PrEP), pour prévenir la transmission du VIH. Indiqué dès 2005 comme traitement chez les personnes infectées par le VIH, il combine deux antiviraux (ténofovir/emtricitabine) qui empêchent la réplication du virus.
Aurélien Beaucamp, président de l’association AIDES : « Deux essais, PROUD au Royaume-Uni et IPERGAY en France**, ont conclu à une efficacité de la molécule de l’ordre de 86%. Mais comme l’observance dans la prise du traitement n’a pas été optimale dans Ipergay (prise à la demande), on peut espérer une efficacité encore supérieure ».
La PrEP est d’ores et déjà disponible aux Etats-Unis (depuis 2012), au Luxembourg et au Royaume-Unis. Un traitement d’un mois coûte près de 500 euros (30 comprimés/6000 euros/an), intégralement pris en charge par l’Assurance Maladie. Par comparaison, le prix d’un traitement curatif à vie par trithérapie antirétrovirale est d’environ 12 000 euros/an. Le remboursement à 100% évite l’écueil d’une prévention à deux vitesses. Mais son prix pourrait bien baisser dans 12 à 18 mois, lorsque le brevet tombera dans le domaine public, autorisant ses formes génériques.
Comment obtenir le Truvada® ?
Marisol Touraine, Ministre en charge de la santé, l’avait annoncé le 23 novembre 2015. Et en effet, depuis le 4 janvier 2016, le Truvada® peut être utilisé dans le cadre d'une RTU (recommandation temporaire d'utilisation), c’est-à-dire la possibilité, à titre transitoire, d'utiliser un médicament en dehors des champs de prescription prévus lors de son autorisation de mise sur le marché, en l’occurrence ici chez des personnes séronégatives et non plus uniquement séropositives qui ont donc le sida.
Cette RTU sera remplacée dans les semaines à venir par une autorisation de mise sur le marché (AMM) en bonne et due forme, qui vient d’être accordée le 22 août 2016 par l’Agence Européenne du Médicament (EMA). Cela ne changera rien aux conditions de prescription.
Un arrêté publié le 10 juin 2016 au Journal officiel a étendu la possibilité de prescription de TRUVADA comme traitement préventif de l'infection par le VIH aux médecins exerçant dans les CeGIDD (centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic)***. AIDES salue cette décision : "notre association se bat depuis longtemps pour faire connaître cet outil, et pourra désormais œuvrer à sa dispensation : à Marseille par exemple, le CeGIDD piloté par AIDES pourra bientôt ouvrir ses premières consultations PrEP."
La PrEP est un médicament et, pour cette raison, sa prescription nécessite un suivi médical. Truvada® peut provoquer des effets secondaires comme des maux de tête et d’estomac, une perte de poids voire une acidose lactique (accumulation d'acide dans le sang), des troubles hépatiques et rénaux etc.
Qui pourra bénéficier du Truvada® ?
Les adultes qui pourront se voir prescrire le Truvada® appartiennent aux catégories à risque de contracter le VIH par voie sexuelle (99% de ces cas d’infection), à savoir les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes homosexuels/bisexuels sans protection (les "HSH" représentent 42 % des nouveaux cas d’infection), les usagers des drogues injectables, les travailleurs du sexe, et les personnes qui ne peuvent négocier le port du préservatif dans leurs relations. Dans ce dernier cas il s’agit par exemple des femmes qui ne peuvent imposer pour des raisons culturelles, religieuses etc. le préservatif à leur partenaire. On peut imaginer l’intérêt ponctuel de la PrEP chez le partenaire de d'individu séropositif lassé du préservatif...
AIDES a conduit l’étude Flash PrEP par questionnaire internet et a montré que les femmes (36,4%) étaient intéressées par ce nouvel outil de prévention.
Aurélien Beaucamp : « Le rapport Morlat (coordonné par Philippe Morlat, CHU de Bordeaux) dans son actualisation 2015 prônait l’intégration de la PrEP dans l’arsenal des méthodes de prévention contre le sida. Il a été décisif dans la décision de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) puis de la Ministre en charge de la santé de rendre disponible la PrEP en France. Il estime que 15 à 30 000 personnes pourraient être concernées par la PrEP. Une montée en charge à 4 000-6 000 personnes d’ici trois ans nous semble plus vraisemblable. »
Comment se prend le Truvada® ?
Deux possibilités : soit une prise quotidienne en continu sur le modèle de la pilule contraceptive, soit une prise intermittente. Tout dépend des habitudes de rapport sexuels, ponctuels ou réguliers. Il reviendra à la Haute Autorité en Santé (HAS) de définir prochainement le schéma de prise en fonction des groupes de personnes à risque.
Selon l’essai Ipergay, si la prise de risque est ponctuelle, le Truvada® doit se prendre en trois temps : deux pilules entre 24 et deux heures avant le rapport sexuel, une autre dans les 24 heures après puis une autre 48 heures plus tard.
Que va changer le Truvada® ?
Le premier impact de la PrEP est une prise en charge enfin encadrée et garantie pour toutes les personnes qui l’utilisent déjà et elles sont nombreuses à se le procurer via Internet. Elles vont désormais pouvoir bénéficier du « counseling », l’accompagnement communautaire.
L’accessibilité à la PrEP modifie le panorama de la prévention du VIH en France. Elle va enfin cibler les personnes chez qui la contamination par le VIH ne baisse pas et rassurer ceux qui ont -volontairement ou non- des conduites à risque qui se sauront protégés. Le Truvada® s’ajoute à une panoplie d’outils déjà importante qui se complètent entre eux, par exemple l'autotest sida (disponibles en pharmacie depuis septembre 2015) et les tests de diagnostic rapides.
Aurélien Beaucamp : « Chaque mois, plus de 500 personnes en France découvrent leur séropositivité au VIH. C’est une arme supplémentaire tant au niveau individuel dans une approche de prévention combinée et de suivi de sa santé sexuelle, que collective pour couper la chaîne de transmission du virus . Mais attention, la PrEP ne doit pas faire baisser la garde vis-à-vis du risque de transmission du VIH et encourager les comportements à risque. Elle ne remplace en aucun cas l’usage du préservatif, qui demeure le meilleur moyen d’éviter la transmission du VIH ».
Sources
*coordonné par le Pr Jean-Michel Molina, chef du service de maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Louis (Paris), sous l’égide de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) et avec le soutien de l’association Aides sur une cohorte de près de 400 hommes homosexuels volontaires
**Truvada®, commercialisé par le laboratoire Gilead Sciences
*** www.cegidd.fr/index.html
D’après un entretien avec Aurélien Beaucamp, président de AIDES www.aides.org