Le sexe, ça n'est pas seulement une technique...

Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ce livre ?
Dr Leleu : Ce qui a déclenché l'envie de parler de sacré à propos d'amour, c'est la découverte de la pratique des « tournantes ». J'ai été choqué de voir qu'il était possible d'atteindre un tel point de mépris pour la femme et de tourner le dos au sacré de la sexualité, qui est pourtant tellement important. Je me suis dit « finalement, ces garçons, personne ne leur a appris autre chose, il faudrait écrire pour témoigner que la sexualité, c'est le respect, la beauté, et que cela témoigne de la lumière qui est en nous » Pour moi, et depuis toujours, je pense foncièrement que la sexualité est extraordinaire, sacrée.
D'après vous, pourquoi a-t-on perdu le sens du sacré ?
Dr Leleu : En occident, on a réprimé la sexualité pendant 2.000 ans. Et brusquement, on s'est rendu compte que le sexe n'était pas un péché. Oter le péché c'est bien, mais ça laisse un vide. Et ce vide de sens a été remplacé par le X ou le porno. Si nous n'avons pas le sens du sacré de l'érotisme en occident, c'est aussi à cause de la peur de la femme. Nous, les hommes, nous avons peur de perdre la liberté à cause de la passion sexuelle. Nous avons trop envie de retourner dans les bras merveilleux de la femme, cette magicienne. Nous avons peur d'être épuisé par la femme, nous avons peur qu'elle prenne le pouvoir. Alors, quand on a peur de quelqu'un, on lui donne un statut social inférieur, on la réprime, y compris physiquement (excision), on l'enferme sous des voiles, dans des harems ou dans des gynécées, on la lapide ou la décapite si elle est infidèle, on la dévalorise, on la rabaisse C'est une perversion, car l'homme croit qu'il ne pourra pas bander avec une déesse On croit (comme dans le X) que l'on ne peut désirer sexuellement qu'une « putain ». Mais on se trompe.
Pourquoi est-ce important de retrouver ce sens du sacré dans la sexualité ?
Dr Leleu : En tant qu'être humain, on ne peut pas considérer que l'autre est une chose. On en perdrait soi-même le statut d'humain. Ou alors on ne connaîtrait plus qu'un plaisir sexuel très partiel, le plaisir d'un organe, en lieu et place du plaisir total pour lequel nous sommes faits.Ce n'est pas excitant de pratiquer une sexualité technicienne. Si l'on se situe dans le cadre de la compétence, on entre dans l'escalade, on arrive à rechercher une excitation de plus en plus forte. On en passe par l'amour à plusieurs, l'utilisation de gadgets, les pratiques diverses Si au contraire, l'autre est sacré, l'érotisme y gagne, l'autre a du sens, l'autre est une personne. C'est plus exaltant de séduire une déesse qu'une « salope ». Et l'amour, la sexualité ne s'usent pas si l'autre est une déesse. En chosifiant l'autre, on n'obtient pas le bonheur. C'est d'ailleurs évident chez les gens qui sont entrés dans l'escalade sexuelle : on voit que ces gens-là ne sont pas heureux. Ils portent en eux une sorte de tristesse. En fait, sans le savoir, ils cherchent l'autre dans leur quête, mais ne le trouvent pas. Je pense d'ailleurs que la tristesse de cette société est en partie due à ça, à l'absence du sacré dans nos vies.
Comment faire pour retrouver le sacré ?
Dr Leleu : Il faut passer de l'orgasme à l'extase. C'est tout simple, c'est naturel, on le porte tous en soi. C'est une donnée immédiate de la conscience. Tout le monde a ça. De même que chacun devant un coucher de soleil sent une émotion esthétique ou religieuse, comme en écoutant Mozart Malheureusement, personne ne nous a dit que nous portions en nous cette part divine. Comme la sexualité a longtemps été honteuse, on ne réalise pas que les émotions de la sexualité appartiennent à un niveau élevé. L'extase est une sensation de félicité, de bonheur absolu. C'est la joie parfaite, la béatitude. L'état de conscience de l'extase, c'est l'expansion de la conscience. On a l'impression d'exister pleinement. On ressent un amour débordant pour l'autre mais aussi pour tous les autres êtres humains, pour toute la création. On est amour, on devient amour. Il s'agit d'un sentiment d'illumination. On est envahi de l'intérieur par une sorte de lumière.