La projection, un mécanisme de défense...

Publié par Dr Catherine Solano
le 9/03/2009
Maj le
5 minutes
Autre
Les mécanismes de défense sont des processus involontaires et inconscients qui permettent de supporter plus facilement des angoisses très fortes. La projection est un mécanisme de défense très fréquent qu'il est très facile d'observer.

Mélanie se plaint que dans la rue, des personnes qu'elle ne connaît pas l'abordent pour lui parler, le plus souvent pour l'insulter. Elle affirme ne pas pouvoir se promener tranquillement tellement, dans Paris, les gens sont agressifs. En réalité, si c'est bien ce que Mélanie raconte à son psychiatre, la réalité, elle, est tout autre. Mélanie est très perturbée : elle aborde des gens qu'elle ne connaît pas dans la rue, les insulte de manière très agressive. Elle a déjà été embarquée par la police qui l'a emmenée aux urgences d'un hôpital psychiatrique…

Mélanie est très angoissée, voire déprimée par l'agressivité qu'elle ressent en elle-même. C'est une angoisse tellement submergeante qu'elle n'est pas capable de s'y confronter et de dire à son psychiatre : ' J'ai un problème, je suis trop agressive… ' Alors, sa manière de se protéger, c'est de décrire ce qu'elle ressent en l'attribuant à d'autres personnes. Pourtant, Mélanie ne ment pas, ou en tout cas, elle n'a pas le sentiment de mentir. Son psychisme travestit la réalité de manière totalement inconsciente.

Cette jeune femme a une conduite très pathologique. Cependant, ce même mécanisme de projection s'observe de manière moins violente chez des personnes nettement plus équilibrées, de manière bien sûr plus discrète.

Quand vos proches font oeuvre de projection sur vous


Si vous observez les critiques que certaines personnes de votre entourage vous adressent, vous vous apercevrez qu'il s'agit régulièrement de projections. Si l'on vous reproche d'être lent, d'être mal organisé, d'être radin, d'être énervé… Il peut très bien s'agir d'une critique que la personne qui vous parle s'adresse en réalité à elle-même. Elle ressent intuitivement ses défauts et ne pouvant les accepter, elle les projette sur la personne qui est là, comme pour s'en débarrasser. Mais bien évidemment, si elle s'en débarrasse par la parole, ce mécanisme de défense ne lui permet absolument pas de progresser, de s'améliorer sur le plan précis de ces défauts-là, puisqu'elle n'en a pas conscience. C'est une sorte de refus de voir la réalité en face.

À vous de vous défendre et de ne pas vous laisser déstabiliser par des reproches qui choisissent une mauvaise cible.

La projection peut entraîner de graves erreurs d'interprétation


Ces projections ne concernent pas seulement une personne et ses défauts, mais l'attitude que l'on peut avoir envers elle-même.

L'exemple le plus évident est celui d'un cas comme Juliette. Elle est suivie par un psychiatre pour dépression. Un jour, elle s'énerve contre lui et lui affirme : ' Je vois bien que vous me jugez mal. Vous estimez que vu ma situation, j'ai tout pour être heureuse et que j'exagère, je me plains pour pas grand-chose '. Juliette se sent même plutôt agressive envers son psy qui, d'après elle, ne la comprend pas bien… Ce psychiatre lui dit simplement : ' Vous ne croyez pas que vous vous trompez de cible ? Et que ce que vous me dîtes s'adresse plutôt à votre mère ? ' Pour Juliette, c'est un choc. Elle réalise que c'est vrai, sa mère ne l'écoutait jamais, ne la comprenait pas et que, petite fille, elle n'a jamais osé se rebiffer, réclamer plus d'attention. Elle a ainsi emmagasiné de l'agressivité envers sa mère qu'elle ne voit d'ailleurs pas souvent.

Comme cette situation est difficile à regarder en face, à accepter, comme il est angoissant de se sentir agressive envers sa mère, Juliette projette son ressentiment sur une autre personne, ici, son psychiatre.

Ce phénomène est très fréquent. Certaines personnes peuvent vous dire : ' Tu ne t'intéresses pas à moi ', ou ' Tu m'étouffes ', ou ' Tu me méprises ', ou ' Tu te moques souvent de moi '… Alors que ce reproche est dénué de toute réalité. Il provient d'une réalité ancienne : la douleur d'avoir été méprisé, étouffé, ridiculisé… est toujours présente. Cette douleur, cette angoisse, n'ayant pas été regardée en face à l'époque, et encore moins digérée, est toujours présente et se manifeste par projection.

Prendre conscience du mécanisme de projection permet de progresser


Ce qui est intéressant, comme pour Juliette, c'est que la prise de conscience de ce mécanisme, quand elle est possible, permet de démonter cette stratégie. Il est alors possible de chercher de vraies solutions en partant de la racine du problème et non de la construction mentale qui en en résulte. Juliette a pu parler à son psy de sa relation avec sa mère, à quel point elle lui en voulait. Et elle a pu réfléchir à cela avec son regard d'adulte au lieu de rester bloquée à ses émotions de l'enfance. Elle a compris que sa maman n'était pas, à l'époque, sans amour pour sa petite fille, mais gravement dépressive. Cela n'enlève rien à la souffrance par laquelle est passée Juliette, mais cela peut l'aider à dépasser cette souffrance et s'en détacher, pour désactiver de vieilles racines d'angoisses qui empoisonnent le présent.

Peut-être avez-vous déjà observé ce phénomène de projection dans votre entourage. C'est intéressant de savoir le détecter. Mais avez-vous déjà tenté de le faire pour vous-même ? De vous demander si parfois, ce que vous reprochez à l'autre ne vient pas de vous ? Si vous ne reportez pas dans votre vie actuelle des conflits anciens que vous avez vécus ? Savoir reconnaître ce mécanisme chez soi est encore plus riche d'enseignement, même si cela demande à la fois une vraie humilité et une vraie honnêteté…

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