Antidépresseurs, trop, c'est trop !

Depuis 10 ans en France, la consommation de médicaments psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques et autres médicaments du psychisme) a été multipliée par 2. Et nous en avons consommé dans l'année 3 fois plus que les Allemands et les Néerlandais par exemple. L'État, inquiet de cette augmentation de consommation, a demandé en 2006 un rapport sur le sujet (2). Il note que " sur la période 1990-2005, on constate une croissance soutenue des ventes de médicaments psychotropes. Le montant des remboursements assurés par la sécurité sociale en 2003 et 2004 pour les médicaments psychotropes est estimé à un milliard d'euros, alors qu'en 1980, ce montant équivalait à 317 millions d'euros "Autrement dit, ca coûte cher à l'Assurance Maladie sans pour autant être forcément nécessaire.
Un doublement de la prescription des antidépresseurs en 10 ans
Cette croissance de l'utilisation des psychotropes est due à "la montée en puissance " des antidépresseurs Pendant ce temps l'utilisation des médicaments anxiolytiques ont eu tendance à légèrement diminuer et c'est une bonne chose car ils provoquent une dépendance quand ils sont utilisés sur de longues périodes.Les sujets sous antidépresseurs représentaient 2,8 % des personnes en 1994 pour 5 % en 2003 (2)Les médecins qui s'insurgent contre cette situation s'expriment ainsi : " Des centaines de milliers de personnes, traversant des périodes de vie difficiles mais ne souffrant d'aucun trouble psychiatrique se voient prescrire ces médicaments sur de longues durées, sans être avertis de leurs effets secondaires, ni bénéficier d'un suivi régulier. "
Il existe d'autres solutions
Ainsi, un grand nombre de sujets sous antidépresseurs ne sont en réalité pas dépressifs, mais dans une situation émotionnellement difficile. Ces médecins estiment que dans ces cas-là, il existe d'autres solutions qui elles, ne passent pas par les médicaments. Lesquelles ? L'appel des 15 médecins cités dans le magazine " Psychologies " de septembre 2008 liste différentes possibilités dont l'efficacité est reconnue : " La psychothérapie, la phytothérapie, la relaxation, la méditation, l'activité physique " Ces méthodes sont de toute évidence plus difficiles à initier que la simple prescription d'une ordonnance et la prise d'un comprimé par jour. Aussi peut-être n'est-ce pas seulement aux médecins de s'appliquer à changer cette situation. Chaque personne dont le moral est en baisse doit peut-être commencer à se prendre en charge par des moyens moins chimiques.Précisons cet appel ne vise pas spécialement à faire économiser à l'Assurance Maladie, mais à soigner au mieux les personnes qui en ont besoin. Le professeur Hubert Allemand, médecin-conseil national et directeur adjoint de la caisse nationale d'Assurance Maladie (interviewé par le JDD) le spécifie nettement : " On donne des antidépresseurs à des gens qui ne sont pas dépressifs, mais l'on prescrit aussi à des dépressifs des traitements trop courts " L'Assurance Maladie garde comme objectif le meilleur suivi possible pour toutes les personnes assurées !
Quand les antidépresseurs ont-ils vraiment leur place ?
Ils ont naturellement leur place en cas de dépression avérée dans le cadre d'un suivi régulier avec un médecin. Le choix d'un antidépresseur doit être bien accepté car il s'agit d'un traitement nécessairement long.Votre médecin cherchera donc si, dans votre cas, il existe des signes objectifs d'une dépression. Concrètement, les questions à se poser sont (D'après le DSM4 ou manuel de diagnostic des maladies mentales) :Existe-t-il au moins deux critères au moins parmi les 5 suivants (critères spécifiques) ?- Humeur dépressive,- Perte d'intérêt ou de plaisir pour les activités,- Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée,- Idées suicidaires récurrentes.Existe-t-il 5 critères en tout parmi les précédents (critères spécifiques) et les suivants (critères non spécifiques) ?- Troubles du sommeil (hypersomnie ou insomnie)- Agitation ou ralentissement psychomoteur,- Trouble de l'appétit (augmenté ou diminué avec perte ou gain de poids)- Difficulté de concentration,- Fatigue ou perte d'énergie.
Ne pas négliger les approches complémentaires
Même en cas de prise d'un traitement antidépresseur, les approches complémentaires comme l'augmentation de l'activité physique, le sport, la méditation, la relaxation, etc. doivent également être envisagées. Elles contribuent à un meilleur résultat et elles offrent une alternative en cas d'absence d'effet de l'antidépresseur ou en cas d'arrêt à cause des effets secondaires. Car l'effet des antidépresseurs est assez imprévisible. Dans certains cas, les résultats sont spectaculaires. Dans d'autres, ils sont pratiquement sans effet. D'où l'importance d'un suivi médical pendant plusieurs mois.(1) Quels sont les médecins qui ont signé cet appel ?Gérard Apfeldorfer psychiatre,Boris Cyrulnik, psychiatre,Frédéric Fanget, psychiatre,Serge Hefez, psychiatre,Thierry Janssen, chirurgien et psychothérapeute,William Lowenstein, psychiatre,Jacques-Antoine Malarewicz, psychiatre,Christophe Massin, psychiatre,J.D. Nasio, psychiatre,Robert Neuburger, psychiatre,Serge Rafal, médecin généraliste,Marcel Rufo, pédopsychiatre,David Servan-Schreiber, psychiatre.Gérard Tixier, psychiatre.(2) Pour lire le rapport 2006 sur le bon usage des médicaments psychotropes (office parlementaire d'évaluation des politiques de santé)www.assemblee-nationale.fr