Après une catastrophe, les cellules psychologiques sont inefficaces, voire dangereuses

Vous vous dorez au soleil sur le pont de votre bateau de croisière en sirotant un cocktail. La vie est belle, tout va bien… Et voici que votre bateau coule ! Coup de chance, vous faites partie des rescapés. En plus on vous offre le secours d’une cellule psychologique qui va vous écouter et vous comprendre. Et c’est là que le cauchemar commence…
© getty

« L’enfer est pavé de bonnes intentions ». De bon sens pourrait-on dire aussi, car quoi de plus « naturel » que d’écouter quelqu’un qui vient de vivre une catastrophe.

Cela paraît tellement naturel que des cellules psychologiques sont mises en place à la moindre occasion. Un accident de bus, un bateau qui coule, un incendie, etc. Vous venez de vivre une horreur et grâce à des psychologues bien intentionnés, vous allez la revivre sans attendre… Mais ces méthodes sont-elles efficaces ?

Les cellules psychologiques sont dangereuses

En fait, ces cellules psychologiques sont plus dangereuses que si l’on ne faisait rien. C’est ce qu’explique Timothy Wilson, professeur de psychologie de l’Université de Virginie, dans son dernier livre, Redirect(malheureusement pas disponible en français). Il a compilé toutes les études comparant les groupes ayant bénéficié de l’aide d’une cellule psychologique avec ceux n’en ayant pas bénéficié.

Résultat ? Ceux qui se portent mieux trois mois après l’accident sont ceux qui n’ont pas été aidés par des psychologues…

Comment expliquer un tel résultat ?

Selon Timothy Wilson, quand nous venons de subir une catastrophe, nous sommes particulièrement choqués car nous sommes alors incapables d’intégrer l’événement dans notre histoire. C’est trop imprévisible, trop brutal et trop violent. Du coup, lorsqu’on nous demande de raconter cet événement ou d’en parler juste après, nous ne pouvons que le revivre tel que nous venons d’y échapper, en revivant la panique et les autres émotions fortes. Il en résulte beaucoup d’anxiété qui vient se surajouter à celle de l’épisode lui-même. Pis, ceux qui ont « subi » les bénéfices d’une cellule psychologique présentent davantage de stress post-traumatique avec des symptômes d’anxiété généralisée, de dépression, de mal-être, etc.

Prévenir et traiter le stress post-traumatique

Mais que vaut-il mieux faire ?

Tout simplement calmer, soutenir, éviter de trop parler et en reparler dans trois mois.

À ce moment là, la victime a eu le temps de se repasser le film de ce qu’elle faisait avant, puis de sa vie après. Autrement dit elle a commencé à réécrire son histoire et quand elle parle de l’événement, c’est avec le détachement de celui qui fait un récit personnel. Elle se voit anxieuse, paniquée, mais elle ne se vit plus anxieuse ou paniquée. Le lien entre l’histoire et l’émotion a été coupé par l’élaboration du récit.

Heureusement, si vous êtes victime d’un stress post-traumatique, que cela soit avec ou sans l’aide d’une cellule de crise, vous n’êtes pas démuni(e). Il existe deux autres techniques qui ont fait leurs preuves dans cette indication : les thérapies comportementales et cognitives (TCC) et l’EMDR.

Avec la thérapie comportementale et cognitive, le thérapeute va vous faire travailler sur les idées qui vous angoissent et vous fera prendre conscience de leur déconnexion avec la réalité. Il vous aidera concrètement à retrouver une activité normale.

Avec l’EMDR (ou Eye-movement Desensitization and Reprocessing), le thérapeute vous fera raconter l’événement traumatisant en vous faisant faire en même temps des exercices oculaires rythmiques, qui stopperont le lien entre ce que vous avez vécu et les émotions négatives qui restent vivantes en vous.

Dans les deux cas, vous pouvez trouver des thérapeutes sur les sites des associations professionnelles :

La morale de cette histoire est que la psychologie n’échappe pas à la règle de l’étude scientifique des thérapies qu’elle propose. Comme pour les médicaments, les bénéfices d’une thérapie doivent être comparés à ceux d’une absence de thérapie, dans le cadre d’études bien codifiées où les patients sont placés dans deux groupes comparables, le groupe avec et le groupe sans thérapie. On peut faire aussi mal avec des mots qu’avec des molécules !

Source : Timothy D. Wilson. Redirect – The Surprising New Science of Psychological Change. Penguin Books, 2011

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