Faut-il entrainer sa mémoire comme un muscle ?

Peut-on comparer notre cerveau à un muscle et « muscler » notre mémoire pour être plus efficace ou pour prévenir les troubles de la mémoire de la maladie d’Alzheimer ? À défaut, comment y parvenir ? Le Dr Catherine Thomas-Anterion, Neurologue, intervenante pour l'Observatoire B2V des Mémoires, chercheur et membre du Comité scientifique de France Alzheimer, nous indique la bonne voie pour se construire une bonne mémoire et la conserver le plus longtemps possible.
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En quoi peut-on comparer la mémoire à un muscle ?

« Le cerveau ne fonctionne pas comme un muscle. Il importe de nuancer cette analogie », explique le Dr Thomas-Anterion. Pour apprendre de nouvelles connaissances, comme une langue étrangère par exemple, la répétition est importante car notre mémoire stocke ainsi de nouvelles données. On peut dans cette situation précise comparer le cerveau à un muscle : « plus on travaille, plus on apprend. Mais on améliore ses connaissances dans un seul domaine hyper-spécifique ». Pas exemple, les assidus au « Scrable » vont acquérir via la répétition plus de mots en W et en Y, mais pas plus de vocabulaire ; ils ne vont pas développer leur mémoire verbale.

Certaines expériences simples le démontrent très bien. Quand on demande à des étudiants volontaires de retenir une série de chiffres, la moyenne est de 7. Mais on peut nettement améliorer cette performance en utilisant par exemple la technique des paires qui consiste à mémoriser les chiffres deux par deux ou en association avec des images. Avec de l’entrainement, on peut multiplier par 10 cette performance ! Mais si on refait exactement la même expérience en demandant cette fois de retenir une série de mots, la moyenne retombe immédiatement à 7. On peut donc muscler son cerveau via la répétition, mais pas améliorer l’ensemble des performances du cerveau (ici pourtant deux performances très proches).

« Pour booster notre cerveau, nous apprend le Dr Catherine Thomas-Anterion, certaines conditions doivent être réunies, comme cela est démontré chez les étudiants : bien dormir, être concentré, motivé, curieux, pratiquer une activité physique, des activités sociales, éliminer le stress, etc. L’ensemble de ces facteurs stimule la fonction autour du ‘muscle’, à savoir l’énergie qui arrive au cerveau ». Nous savons tous qu’un lecteur qui ne porte pas d’intérêt à ce qu’il lit, n’est pas concentré et mémorise très mal. Ainsi ce n’est pas tant la quantité d’informations qui compte, mais la diversité, la richesse des activités environnantes. Et c’est pourquoi même passé un certain âge, on peut réapprendre beaucoup de choses si on stimule tous ces domaines. Selon Catherine Thomas-Anterion, « plaisir, curiosité, détente, partage avec les autres, etc., constituent les véritables carburants de notre mémoire ».

Il ne faut pas pour autant condamner toutes les méthodes d’apprentissage basées sur la répétition. Elles permettent d’exceller dans des domaines d’activités précis et correspondent par exemple aux personnes qui fonctionnent dans la perfection ou qui aiment mesurer leurs compétences et qui s’entrainent assidument pour ça. On peut par exemple devenir toujours meilleur en sudoku, et c’est très satisfaisant, mais ça n’aidera pas à retrouver ses lunettes ou à gérer son emploi du temps. C’est pour cette raison qu’elles ne sont pas recommandées en santé publique, qui prône au contraire la marche à pied régulière, les activités sociales et l’hygiène du sommeil pour améliorer la cognition. En conclusion, « lecerveau peut être considéré comme muscle pour les apprentissages spécifiques et l’entrainement qu’est la répétition. Mais le plus important est le milieu dans le lequel il fonctionne ».

Comment entraîner sa mémoire pour prévenir la maladie d’Alzheimer ?

On ne sait pas vraiment encore répondre à cette question, mais il semble qu’un certain nombre d’activités chez les personnes à risque peuvent repousser l’âge de survenue. Alors que celles-ci auraient pu déclarer la maladie à 75 ans, la maladie sera décalée de quelques mois ou années parce que ces personnes auront développé des capacités qui leur permettront de compenser les premiers symptômes. Ce résultat va dans le même sens que le fait qu’un haut niveau d’instruction décale l’âge de survenue de la maladie d’Alzheimer ou que l’illettrisme soit un facteur de risque. En quelque sorte, ces facteurs protecteurs ont été validés par des études épidémiologiques : alimentation riche et variée en lien avec le régime méditerranéen, contrôle des facteurs vasculaires, 30 minutes de marche par jour, activités anti-stress et activités sociales pour stimuler motivation, curiosité et échanges. Nous disposons aujourd’hui de données scientifiques convaincantes pour affirmer que les personnes à risque qui maintiennent un bon niveau dans ces domaines déclareront la maladie plus tard. « On ne l’empêche pas, on retarde ainsi un peu son apparition », explique le Dr Thomas-Anterion.

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Source : En collaboration avec le Dr Catherine Thomas-Anterion, Neurologue et Docteur en neuropsychologie, HDR. Chercheur associé dans le Laboratoire Etudes des Mécanismes cognitifs, Université Lyon2. Membre du Comité scientifique de France Alzheimer depuis 2010.
Observatoire B2V des Mémoires, http://www.observatoireb2vdesmemoires.fr/.