Sportifs, prudence avec l'arginine...

L'arginine est une molécule très en vogue actuellement. On la trouve sous forme de poudre dans les compléments censés faire gagner de la masse musculaire. Elle figure même dans la composition de plusieurs energy drinks.

Le succès de l'arginine dans la communauté des sportifs ne doit pas nous étonner. Cet acide aminé est l'unique précurseur de l'oxyde nitrique (NO) qui permet aux artères non seulement de conserver leur élasticité mais aussi de se dilater et de se contracter correctement à chaque battement de cœur. Pour cette raison, on lui accorde un effet favorable vis-à-vis de la prévention des maladies cardio-vasculaires. L'arginine permettrait aussi d'accroître le flux sanguin et d'améliorer de ce fait le transport de l'oxygène et des nutriments jusque dans les cellules.

Problème, ça pue !

Au vu de ce qui précède, l'arginine devrait faire des adeptes dans le monde du sport. Oui et non. Il faut dire que la molécule, sous sa forme libre possède une odeur qui évoque celle d'une poubelle remplie d'épluchures de crevettes que l'on aurait laissé mariner au soleil pendant une bonne semaine. Dès qu'on ouvre une boîte, des relents pourris envahissent toute la pièce. Il faut être sacrément motivé. Qui plus est, il est possible que cela ne serve à rien. Et peut-être pire! En janvier 2006 paraissait une étude réalisée par le professeur Steven Schulman du Département de Cardiologie de l'Université de Maryland (*). Ses conclusions jetèrent un froid glacial dans la communauté des scientifiques. Jusqu'alors on pensait en effet que la souplesse des artères était un gage de bonne santé cardiovasculaire. Avec un peu d'arginine, on espérait donc rendre leur souplesse naturelle aux artères et soulager ainsi l'appareil circulatoire. On entreprit de vérifier cela sur 153 patients victimes d'infarctus. L'étude devait durer deux ans selon la procédure habituelle de double aveugle contre placebo. Mais le protocole fut arrêté en catastrophe au bout de six mois! Dans le groupe supplémenté en arginine, six patients étaient décédés, contre zéro dans l'autre groupe.

Arrêtez tout !

Macabre coïncidence? Probablement pas. "La possibilité que cette mortalité soit due au hasard est faible", confia Schulman à la presse. L'étape suivante consistait évidemment à essayer de comprendre pourquoi les résultats étaient à ce point opposés aux attentes. Parmi les hypothèses formulées pour expliquer ce phénomène, il se pourrait que la supplémentation en arginine accroisse le taux d'un dérivé, l'homocystéine, très défavorable sur le plan cardio-vasculaire. L'excès d'acides aminés pourrait aussi participer à une surproduction de radicaux libres comme le redoutable péroxynitrite qui attaque le tissu vasculaire. Actuellement, on en vient donc à reconsidérer le produit. Et si son mauvais goût était une sorte de mise en garde ?

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Source : (*) Schulman SP, Becker LC & Coll. (2006): Jama, 295 (1)